Cinglant revers pour le président sud-africain. Son parti, l'ANC, devrait rejeter sa candidature et celle de son dauphin et choisir pour nouveau président le leader zoulou, Jacob Zuma, lors de son congrès du 16 au 20 décembre. Le président sortant du parti fondé par Mandela, Thabo M'béki, également président de la République, espérait être reconduit dans cette fonction qu'il occupe depuis dix ans et garder ainsi un contrôle sur la vie politique après 2009, quand il ne sera plus chef de l'Etat, la Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat à la tête du pays. Tout son plan semble déjoué par l'ascension extraordinaire de ce Zuma, enfant terrible de la politique sud-africaine qui a été au centre de multiples controverses. Il a été accusé de corruption dans une affaire liée à un énorme contrat d'achats d'armement, pour laquelle il risque d'être inculpé à nouveau. Il a également été jugé dans une affaire de viol et acquitté en mai 2006 au terme d'un procès qui avait fait les choux gras de la presse sud-africaine. Il y a deux ans, alors qu'il avait été limogé par M'béki de la vice-présidence du pays, personne n'aurait pu prédire que Zuma parviendrait à rebondir de manière aussi spectaculaire. Le leader zoulou a, en effet, reçu l'investiture de près de deux tiers des délégués de l'ANC, lors de primaires organisées dans chaque province, ainsi qu'au sein de la Ligue des jeunes et de la Ligue des femmes de l'ANC, alors que c'est un polygame notoire. Pour lui barrer la route, M'béki a même proposé qu'une femme lui succède comme chef de l'Etat en 2009. Les commentateurs politiques sud-africains estiment que Zuma a, en grande partie, bénéficié d'un vote de rejet contre M'béki qui a succédé à un monument, Nelson Mandela, mais qui n'a pas su assumer sa continuité. Zuma est, en outre, apparu comme un homme charismatique, un homme d'ouverture et de dialogue, toutes qualités qui manquent au président M'béki. Il a également bénéficié du soutien du Parti communiste et du syndicat Cosatu (étroitement liés à l'ANC, au sein de l'alliance au pouvoir, qui ont repris à leur compte la thèse selon laquelle les déboires judiciaires de Zuma avaient été orchestrés par le chef de l'Etat). “Les militants ordinaires de l'ANC sont autant dégoûtés par le style politique opaque et manipulateur de M'béki que le sont les partenaires de l'alliance”, a estimé l'influent journal Business Day. C'est que Zuma, soutenu par la gauche de l'ANC, s'est efforcé de rassurer les milieux d'affaires, qui s'inquiétaient de son manque d'éducation, il n'a pas terminé l'école, et de son populisme. Cependant, l'arrivée d'un outsider est toujours possible, car bien des scénarios sont encore possibles, d'autant que les 4 500 participants au congrès de l'ANC voteront à bulletin secret pour le candidat de leur choix. Ils peuvent proposer un outsider à la dernière minute, si M'béki persiste à ne pas lâcher prise. Ses détracteurs misent sur le fait que le successeur de Mandela refusera de laisser comme souvenir celui d'un président diviseur, voulant le pouvoir à tout prix. D'autres évoquent l'hypothèse, très incertaine toutefois, d'un candidat de compromis. Deux anciens dirigeants de l'ANC devenus de prospères hommes d'affaires, Tokyo Sexwale et Cyril Ramaphosa, que Mandela avait voulu comme successeur à la place de M'béki qui lui fut imposé par l'ANC, sont en embuscade. Si Zuma est élu à la tête de l'ANC, la cohabitation avec M'béki, qui restera en principe chef de l'Etat jusqu'en 2009, sera tendue. Le feuilleton de la bataille pour le pouvoir est donc loin d'être terminé en Afrique du Sud. D. B.