Israël et ses soutiens occidentaux, notamment les Etats-Unis, devraient bien rigoler face à ce pitoyable spectacle offert par les pays arabes qui ont du mal à s'entendre sur la tenue d'un sommet sur Ghaza. Incapables de s'unir dans la dénonciation et la riposte contre l'expédition génocidaire du Tsahal, les raïs, sultans et autres présidents à mort ont du mal à s'entendre, y compris sur une réunion inutile en plus. « Les Arabes se sont entendus pour ne pas s'entendre », jamais peut-être cet adage n'a été aussi crûment vérifié. Qu'on en juge : au moment où les dirigeants du Qatar peaufinaient les préparatifs pour accueillir demain cet hypothétique sommet, le chef des cérémonies arabes, Amr Moussa, annonçait hier en début de soirée que le quorum n'était pas atteint (14 pays sur 15 !). Il est évident que la Ligue arabe, qui fonctionne comme une antichambre du ministère égyptien des Affaires étrangères, avait à cœur de donner sa chance au plan du Caire d'aboutir avant ce sommet. Amr Moussa tient manifestement à offrir à son raïs la chance de pouvoir brandir un accord entre Hamas et Israël comme un trophée de guerre, histoire de relever la tête. Et pour cause ! C'est la seule façon – et encore – de laver l'affront d'avoir permis à Tzipi Livni d'annoncer sa guerre depuis son palais… Amr Moussa pouvait donc tenter de berner l'opinion sur l'absence du quorum alors même que les Emirats arabes unis auraient confirmé leur participation. Et dans cette cacophonie sur la tenue d'un sommet, l'Arabie Saoudite, l'autre bras « non armé » des USA dans la région, a elle aussi mis son grain de sel pour faire grincer la machine de Doha et torpiller l'initiative des 14 pays, dont l'Algérie, ayant manifesté un soutien franc à Ghaza. Le pays des deux Lieux Saints n'a pas trouvé mieux que de convoquer hier un « sommet d'urgence » des pays du… Conseil de coopération du Golfe (CCG). Son objet ? Discuter de la guerre contre Ghaza !La monarchie des Al Saoud vient ainsi phagocyter l'ordre du jour du sommet de Doha. Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite, qui a lancé l'initiative, présente un exposé des motifs renversant par son anachronisme : « En raison des tensions croissantes résultant de l'agression israélienne contre le peuple palestinien. » La « Ouma » au service de Tel-Aviv Pour tirer au clair tout ce micmac diplomatico-stratégique, il s'agit concrètement, pour sa majesté le roi, de palabrer sur une guerre qui a déjà fait plus de 1000 morts et, qui plus est, touche à sa fin ! Il suffirait aujourd'hui pour Israël de faire preuve d'un peu de condescendance pour accepter le « plan » de Moubarak qui a reçu l'aval du Hamas pour que le cessez-le-feu définitif soit proclamé. En d'autres termes, le conclave régional auquel appelle l'Arabie Saoudite paraît inutile, intervenant à la fin du génocide. Mais là ne semble pas être la finalité des Saoudiens. Comme Amr Moussa et « son machin » de Ligue arabe, le roi Abdallah est soucieux de faire capoter le sommet de Doha de peur qu'un hypothétique sursaut d'orgueil des autres pays arabes (?) n'aboutisse à des décisions qui ne plairaient pas au grand allié, les Etats-Unis, et fatalement à Israël. C'est dire finalement que le couple Egypte-Arabie Saoudite fait cause commune contre les… Arabes et ce, avec le soutien actif de la Jordanie ! Un trio que les USA et leurs alliés occidentaux rangent dans la rubrique peu enviable de « modérés ». Comprendre que les autres – soit les 19 pays arabes parmi ceux qui veulent se réunir à Doha – sont étiquetés pro-Hamas. Et pour boucler la boucle de cette diplomatie du profil bas, le Koweït arrache lui aussi sa pierre de l'édifice lézardé de la « ouma » en se proposant d'accueillir le même jour (vendredi) une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères sur la guerre à Ghaza ! Il faut admettre que Tel-Aviv a beau jeu face à cette incroyable mésentente arabe. A défaut d'une riposte digne du sacrifice de Ghaza mais aussi de hurlements engagés et engageants de la rue arabe, les raïs, les sultans et les rois sans couronne ont choisi le combat d'arrière-garde, celui de suppôts indirects d'Israël.