En grève de la faim depuis 28 jours, Merzoug Touati livre bataille en mettant sa vie en péril. Une contestation suprême, car il estime que son emprisonnement est «arbitraire». Vont-il le laisser mourir en prison ? Sa famille et son comité de soutien tirent la sonnette d'alarme. En détention depuis près de deux ans et condamné à sept années en appel assorti d'une privation de sortie du territoire national pendant cinq ans et 100 000 DA d'amende, le blogueur de Béjaïa, Merzoug Touati, est très affaibli. Sa famille s'inquiète sérieusement. Sa mère, qui lui a rendu visite, craint l'irréparable. En grève de la faim depuis 28 jours, le détenu livre bataille en mettant sa vie en péril. Une contestation suprême, car il estime que son emprisonnement est «arbitraire». Il est poursuivi pour «provocation à un attroupement armé», «entretien avec les agents d'une puissance étrangère de nature à nuire à la situation diplomatique de l'Algérie» et «occupation des places publiques par attroupements». Des chefs d'inculpation lourds. Est-il raisonnablement possible que le jeune Merzoug Touati, ingénieur de formation et chômeur de son état, peut être vraiment capable à lui seul d'actes aussi graves ? Invraisemblable. Faut-il pour le «maintien de l'ordre» local un coupable idéal à donner en exemple ? Un bouc émissaire pour punir collectivement et par anticipation ! Lors de son procès, la justice a eu la main bien lourde contre un homme qui n'a jamais appelé à l'usage de la violence. Merzoug Touati n'est pas un délinquant, encore moins un dément. Ses conditions sociales modestes et sa conscience citoyenne ne l'ont pas confiné au silence, mais à se révolter pacifiquement, en exprimant ses opinions. Même l'instruction du juge le confirme. «L'accusé a une bonne conduite, mais ces derniers temps, il a commencé à critiquer le système algérien», peut-on lire dans l'arrêt de renvoi. C'est sur cette base que l'avocat et défenseur des droits de l'homme, Mokrane Aït Larbi, estime que le blogueur «est poursuivi et condamné parce qu'il a exprimé des opinions politiques». Pour lui, il n'y a plus de doute, le prisonnier de Oued Ghir (prison de Béjaïa) est un «détenu d'opinion, conformément aux statuts d'Amnesty International» et il réclame sa libération. Exaspérée par cet emprisonnement, l'opinion publique s'est mobilisée à travers des rassemblements et des pétitions pour obtenir sa mise en liberté. Après une condamnation en appel, Merzoug Touati s'est pourvu en cassation et son dossier est renvoyé à la Cour suprême, où il risque de traîner en longueur. Cette instance est connue pour ses inexplicables et interminables procédures avant de statuer. Une situation que le détenu de Béjaïa ne pourra pas supporter. S'il ne renonce pas à sa grève de la faim, son corps risque de lâcher. Le triste précédent Tamalt doit interpeller l'autorité judiciaire, non pas pour exercer un quelconque chantage, mais pour alerter sur le risque d'une fin aussi tragique. Redoutant le pire, la mère de Merzoug Touati ne sait plus à quel saint se vouer. Elle n'a pas pu convaincre son fils de suspendre sa grève de la faim, alors que ce dernier présente des signes apparents d'un corps considérablement affaibli. Loin de la cité des Hammadite et dans la vallée du M'zab, c'est un autre jeune qui est derrière les barreaux. L'activiste Salim Yezza, originaire de Batna, établi en France, encourt le risque de passer un long séjour en prison. Son tort était d'avoir exprimé – sur les réseaux sociaux – sa solidarité avec les Mozabites lors des sanglants événements de Ghardaïa (2013-2014). Cinq années après, il est arrêté et poursuivi pour «incitation à la haine». Délit de solidarité ! Alors que les faits «sont frappés de prescription», comme l'atteste la défense, les messages de Salim Yezza étaient loin d'avoir un impact sur les événements de Ghardaïa, alors qu'au moment des faits et pas loin de la vallée du M'zab, des rassemblements publics étaient organisés et les manifestants qui appelaient explicitement à «brûler du Mozabite». Personne parmi eux n'a été inquiété. Aucune poursuite contre ceux qui avaient ouvertement soufflé sur le brasier. Les cas de ces deux jeunes – dont la vie sera irrémédiablement marquée par l'épreuve carcérale – illustrent la fragile liberté d'exprimer ses opinions en Algérie. Mais surtout, ils confirment le penchant récurrent des autorités publiques à la brutalité dans le règlement des clivages qui traversent la société ou qui opposent une partie de l'opinion au pouvoir politique. Elles opposent systématiquement la répression – sous toutes les formes – à toute expression citoyenne libre. Cette option répressive érigée en règle de «médiation» sociale et politique crée des tensions sociales, brise la vie des victimes et plonge des familles dans un malheur dont elles ne se relèveront jamais.