Une grande nappe s'est constituée sur les bords de la plage de Corso et la mer a pris une couleur foncée l Des familles ont dû plier bagages à la hâte, malgré le paiement des frais de parking et de location des accessoires (parasols et autres chaises). Le week-end dernier, la plage de Corso, à 2 km à l'ouest de Boumerdès, a vécu une catastrophe écologique qui a fait fuir la grande majorité des estivants. Pendant que ces derniers criaient au danger, les responsables se rejetaient la balle sur la cause du phénomène. Il apparaît que la solution n'a pas encore été trouvée. Pourtant, le constat est bien là : la mer a été polluée par le grand déversement d'un liquide noirâtre dégageant une odeur nauséabonde. Ledit liquide provient du fleuve de Corso, où sont déversées en amont des eaux très douteuses. En quelques minutes, une grande nappe s'est constituée sur les bords de la plage et la mer a pris une couleur foncée. Des familles ont dû plier bagages à la hâte malgré le paiement des frais de parking et de location des accessoires (parasols et autres chaises). Une dame s'est écriée : «Voilà pourquoi nous préférons partir en Tunisie pour nos vacances !» Des internautes ont fait circuler une vidéo où ils ont filmé la crue noire de l'oued et dénoncé sur les réseaux sociaux cette agression contre l'environnement et les riverains. Des forages et des vergers contaminés Le vice-président de l'APC de Corso, Hamlet Mohamed, n'a pas caché sa indignation contre cette situation qui «se réédite depuis l'installation du CET en 2014». Selon lui, le projet du CET a été bâclé. «La station de traitement située en aval du Centre d'enfouissement ne fonctionne pas», déplore-t-il. Les conséquences sont désastreuses : toute la vallée de Corso qui s'étend du CET jusqu'à la plage a été polluée. Des terres agricoles ont vu leurs puits et leurs systèmes d'irrigation infectés. Un investisseur versé dans le recyclage du papier n'a pu récupérer l'eau, car trop contaminée. Au niveau de la plage, les commerces et les investisseurs dans le tourisme, comme celui du camping qui vient d'être inauguré, craignent une saison catastrophique en raison de la fuite des estivants. Il faudra attendre quelque temps pour avoir un juste aperçu des menaces sur la santé publique, quand les gens consommeront des récoltes irriguées par une eau impropre. A la direction de l'hydraulique, le chef du service assainissement par intérim, M. Kerchouche, abonde dans le même sens : «Les rejets du CET dans l'oued Corso ne datent pas d'aujourd'hui. Ils persistent depuis quatre ans et reviennent cycliquement et ont déjà provoqué la pollution de deux forages à Tidjellabine ainsi que la nappe souterraine. Nous l'avons signalé à plusieurs reprises à la direction du CET qui a toujours nié leur provenance à partir du centre d'enfouissement et prétend qu'il s'agit des déchets domestiques et des réseaux d'assainissement. Or, ces deux rejets sont biologiquement traités par la station d'épuration vers laquelle ils convergent, contrairement au lixiviat qui va directement dans la nature. De plus, il y a la station de relevage en aval qui diminue encore le débit pour les besoins de lutte microbienne.» Pour sa part, le directeur du CET, Aami Ali, nie que ce soit le lixiviat qui est à l'origine du phénomène. «Le lixiviat qui se dégage des déchets du CET est stocké dans un grand bassin juste en bas du casier où on jette les déchets», a-t-il affirmé avant d'étayer ses propos par l'assèchement de l'oued Corso dans sa partie sise en aval du CET. Sans le dire explicitement, notre interlocuteur impute le problème aux importantes quantités d'eaux usées provenant des cités construites sur le versant est de l'oued, près de Boumerdès, où les promotions immobilières ne répondent à aucune norme. Des responsables aux abonnés absents Mais qu'est-ce qui explique cette soudaine quantité importante de liquide noirâtre se déversant dans le fleuve ? Selon nos deux interlocuteurs, une digue de sable avait été dressée à l'embouchure du fleuve avec la mer, mais une main volontaire a détruit cette digue. Çà et là des hypothèses sont échafaudées : des riverains excédés par l'inertie des responsables devant la stagnation de cette eau noirâtre à l'odeur pestilentielle qui est source d'insectes dangereux pour la santé publique, des concurrents déloyaux des commerçants à l'esprit revanchard, ou encore des personnes malintentionnées voulant compromettre la saison estivale. Toutefois, ces hypothèses ne changent rien au fond du problème. Qu'il y ait un faible débit ou une forte crue, il reste entier : un grave problème environnemental se pose. A la demande de la direction de l'hydraulique, une analyse des eaux par les services de l'ADE a décelé une forte présence d'ammonium. Contrairement aux déchets domestiques et aux eaux usées, seul le lixiviat contient cette matière qui peut également être générée par l'usage excessif de pesticides. Contactée, la direction de l'environnement n'était même pas au courant. L'intérimaire du directeur nous avait promis des explications qui ne sont jamais venues. On se demande à quoi sert cette direction alors qu'elle est concernée au premier chef par le problème…