Le soleil est revenu, mercredi à In Guezzam et Tin Zaouatine, zones frontalières situées à 470 km au sud de Tamanrasset, où les dernières intempéries de l'ampleur d'une catastrophe naturelle ont complètement traumatisé les habitants. Le pire est à venir avec de nouveaux effondrements spectaculaires ces deux derniers jours et l'insuffisance des aides consenties à la population. Après les sinistrés emportés par les eaux lançant des SOS aux sauveteurs, la vision surnaturelle de l'effondrement des maisons en toub, une argile qui fond comme du chocolat au contact des crues des oueds environnants et des rayons du soleil qui en accélèrent l'écroulement après dix jours de pluies non-stop. Brarik, Kounta Charquia, Kounta Gharbiya, Baseq, Hay Binaa Rifi et même certaines parties du centre-ville sont les quartiers les plus touchés. «Le besoin en tentes se fait de plus en plus ressentir, les gens veulent s'abriter afin d'entamer les travaux de rénovation ou de reconstruction. Il n'y a pas eu de nouvelles distributions, le nombre est insuffisant», affirme Bassi Taguida, activiste de la société civile et président de l'association locale de protection des consommateurs de la wilaya déléguée d'In Guezzam, qui a participé aux opérations de distribution des denrées alimentaires, tentes et couvertures lancées quelques heures après le déluge du 4 août dernier qui a coûté la vie à cinq personnes. Intervention Dix jours de pluies non-stop. Les habitants ont assisté à l'intervention des services spécialisés de l'Armée nationale populaire qui ont déployé de gros moyens pour absorber les eaux qui ont recouvert les habitations ; d'importants moyens humains et matériels pour assurer une assistance rapide et efficace des sinistrés et la prise en charge sanitaire in-situ des malades et blessés. Des opérations humanitaires supervisées par les autorités locales et une commission interministérielle qui a pris des mesures en matière de prise en charge des sinistrés, la distribution d'aides alimentaires et de tentes et le renforcement des moyens humains et matériels de secours. Passé l'état d'urgence, les habitants, livrés à eux-mêmes, effectuent, chaque matin depuis dix jours, un nettoyage forcé des maisons pas trop endommagées. «Il a plu quasiment tous les jours, chaque après-midi et de nouveau en soirée, nous avons eu peu de répit et de grosses frayeurs», indique Achour, habitant le centre-ville de Tin Zaouatine, qui témoigne d'une dizaine de maisons balayées en quelques minutes par les crues, dès les premières heures des intempéries. Mardi, les eaux pluviales ont submergé l'oued Tin Zaouatine, séparation naturelle entre l'Algérie et le Mali, faisant redouter de nouvelles inondations à une population encore traumatisée par la catastrophe de 2012, qui avait emporté les maisons riveraines. Le maire et le chef de daïra seraient en congé, selon des habitants joints par téléphone. «Les habitants ont le sentiment de ne pas être assez écoutés et que tous les efforts d'intervention sont concentrés sur l'absorption d'eau, alors que l'humain continue à crier sa détresse.» Achour affirme que «les autorités locales n'ont pas jugé utile de constituer une cellule d'urgence pour recenser les dégâts». La poste est restée close, une dizaine de maisons encore se sont effondrées entre le centre-ville de Tin Zaouatine et les quartiers de Seqmaren, Izazen et Tin Assa. Les habitants qui n'ont par perdu leur logement ont dû affronter par leurs propres moyens les flots d'eau qui ont submergé leurs maisons. Cheptel décimé Aïssa, qui a tout perdu lors des crues, a entamé mardi des travaux de réfection des murs extérieurs et espère rénover l'intérieur des bâtisses. «Avec mes voisins, nous avons perdu nos meubles et notre literie, mais nous essayons de sauver ce qui reste des maisons en renforçant les murs d'enceinte en premier pour contrecarrer l'humidité qui les a endommagés, nous verrons quand le soleil sera plus fort si tout cela va résister», dit-il. Ils attendaient depuis plusieurs mois des nouvelles de la commission de recensement des logements précaires qui en a dénombré 70 et qui devra refaire ses comptes avec les dernières intempéries qui ont emporté sur leur chemin les tentes et les enclos destinés au bétail éparpillés ça et là dans le pourtour de la ville. A Tin Zaouatine, lointaine ville frontalière, aux confins du Mali, deux fillettes de 7 et 8 ans ont péri dans les crues des vallées, trois autres victimes sont à déplorer à In Guezzam, selon le lieutenant Ahmed Bensaghour, chargé de communication à la direction de la Protection civile d'In Guezzam, qui confirme que le bilan des décès lors des dernières intempéries est arrêté à 5 morts. Les habitants, pour la plupart des éleveurs camelin et ovins, ont été lourdement touchés par les crues et des images insupportables de dizaines de cadavres de dromadaires et moutons Sidaouen gisant dans les lits d'oueds ont circulé sur la Toile. Le ministère de l'Agriculture a instruit sa direction territorialement compétente de Tamanrasset de recenser les pertes en bétail afin d'indemniser les éleveurs, mais il semblerait que l'administration attende que les sinistrés viennent d'eux-mêmes déclarer leurs pertes au lieu de se déplacer sur site, selon nos informations. A la veille de l'Aïd, les sinistrés ont certes repris leurs logements après avoir habité 147 tentes dépêchées par l'armée pour les loger, mais ils ont perdu «el mal», leurs troupeaux qui constituaient leur richesse, leur épargne, leur source de revenus. Avec ces pertes de cheptel, ce sont les efforts d'une année de travail qui partent en fumée. Encore plus d'amertume à la veille de l'Aïd, où les éleveurs sont censés faire plus de 70% de leur chiffre d'affaires. Bilan final A In Guezzam, les opérations menées par l'armée pour absorber les eaux pluviales se sont achevées il y a deux jours, a déclaré, le wali Raka Abdelkader à El Watan. Il confirme que les autorités ont pris en charge toutes les victimes des intempéries de la wilaya afin de permettre un retour à la vie normale et que le bilan des dégâts matériel fait ressortir un total de 741 maisons inondées par les eaux et nécessitant des rénovations majeures. Des mesures qui restent insuffisantes au regard de l'état des lieux et de la situation des sinistrés qui estiment que le nombre de 165 tentes distribuées ne pourra jamais satisfaire la demande des familles en détresse, sans toit, avec le risque de nouvelles intempéries saisonnières à tout moment. «Les gens ne sont par rentrés chez eux comme le prétendent certains médias» précise Bassi. «Comment revenir dans une maison écroulée, les gens attendent l'application sur le terrain des mesures d'urgence de la commission interministérielles ?» ajoute notre interlocuteur. Houria Alioua