Le conseil de la choura du mouvement islamiste tunisien Ennahdha a demandé, de nouveau, à ce que le gouvernement en place, celui de Youssef Chahed ou un autre, n'ait pas de prétentions électorales lors des élections générales de 2019. L'approche des élections générales de 2019 en Tunisie met tout le monde politique en alerte maximale. Les islamistes d'Ennahdha réitèrent leur demande à Youssef Chahed de préciser s'il a des intentions électorales. Leur soutien serait retiré si le chef du gouvernement exprime des prétentions présidentielles. Le conseil de la choura du mouvement islamiste tunisien Ennahdha, tenu hier et avant-hier à Hammamet, a demandé, de nouveau, à ce que le gouvernement en place, celui de Youssef Chahed ou un autre, n'ait pas de prétentions électorales, lors des élections générales de 2019. Le gouvernement doit se concentrer sur la gestion du pays en crise. En d'autres termes, les islamistes d'Ennahdha ne veulent pas que le chef du gouvernement exploite, pour son propre compte, le soutien qu'Ennahdha lui a procuré. Les dessous La requête de Ghannouchi, soulevée pendant l'été 2017, est survenue suite au début de campagne contre la corruption et l'arrestation de Chafik Jarraya. Chahed était alors monté dans les sondages et les islamistes avaient commencé à sentir le danger (que représentait) de ce jeune loup, candidat idéal pour mener la campagne électorale de 2019. Ghannouchi a cru utile de demander des explications, du moment que le parti Ennahdha fait partie de l'alliance au pouvoir. La réponse de Carthage fut que cette condition ne figure pas dans la feuille de route de l'accord de Carthage, ni, par ailleurs, dans la Constitution, à laquelle tout le monde est censé se référer. Aujourd'hui, et depuis quelques mois, les paramètres de la scène politique ont changé. Le gouvernement de Chahed doit, essentiellement, son maintien au pouvoir à Ennahdha. Les islamistes ont tenu tête à Nidaa Tounes et l'UGTT, lorsque ces derniers ont cherché à faire sauter le gouvernement dans le cadre d'une mise à jour de l'accord de Carthage. Ennahdha a réitéré son soutien à Chahed dans le vote de confiance au nouveau ministre de l'Intérieur, Hichem Fourati. Par contre, Nidaa Tounes, le parti de Chahed, multiplie les tentatives pour déstabiliser ce dernier, en froid, par ailleurs, avec la présidence de la République. Pour faire face à ces diverses pressions, Chahed s'est limité, jusque-là, à dire qu'il se concentrera sur les priorités du gouvernement, à savoir les négociations sociales qu'il a convenu avec l'UGTT de finir d'ici le 15 septembre, la préparation de la loi de finances 2019, le suivi avec le FMI du prêt en cours et la sortie de la Tunisie sur le marché financier international, à la recherche d'un milliard de dollars pour boucler le budget 2018. Mais, les choses ne sauraient se poursuivre de la sorte. Enjeux Ennahdha ne cesse de dire que le gouvernement doit se concentrer sur la crise socioéconomique que traverse le pays. C'est la raison pour laquelle le conseil de la choura demande au gouvernement de ne pas se présenter aux élections, assurent les islamistes. «En réalité, Ghannouchi et son parti ont peur que la popularité de Chahed ne se renforce davantage et qu'il ne devienne le favori des prochaines élections, surtout s'il réussit quelques coups d'éclats, bien médiatisés», pense le député Mustapha Ben Ahmed, président du bloc nationaliste à l'ARP. De son côté, Youssef Chahed se trouve face à plusieurs alternatives. Il peut, bien sûr, s'engager à ne pas se présenter aux prochaines élections et annoncer qu'il fait cela pour privilégier l'intérêt national. L'actuel chef du gouvernement n'a que 43 ans et son avenir est encore devant lui. D'ici l'été prochain, bien des choses peuvent changer. Chahed peut également continuer à ignorer la requête d'Ennahdha. Si les islamistes et d'autres partis veulent le destituer, ils sont appelés à recourir soit à l'article 97 (motion de censure, déposée par le tiers des députés et approuvée par la majorité absolue) ou l'article 99 (c'est le président de la République qui demande un nouveau vote de confiance pour le gouvernement). Le spectre politique tunisien n'est pas encore stable.