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Keynes est mort
1ere partie
Publié dans El Watan le 20 - 01 - 2009

La presse occidentale a fait de Keynes, le grand économiste anglais, l'homme de l'année 2008 pour rendre hommage à celui qui a, peu ou prou, inspiré les politiques occidentales récentes de sortie de crise. Ces politiques de soutien de la demande locale d'investissement et de consommation veulent remplacer une demande extérieure languissante.
Mais ces politiques peuvent évidemment toutes compter sur une offre locale disponible et efficace, comme le supposait Keynes. Le cas de l'Algérie est évidemment différent : pour elle, la politique de sortie de crise ne peut pas être une politique de la demande, mais une politique de l'offre ; pour l'Algérie, Keynes est bien mort.
1 - La crise mondiale et les politiques keynésiennes
Tout est parti de la politique du crédit immobilier aux Etats-Unis dans un contexte historique d'endettement croissant des ménages. De nombreux ménages américains sont encouragés à emprunter au-delà de leurs possibilités financières de remboursement pour acquérir des biens immobiliers. Les créances immobilières circulent de banque à banque, des Etats-Unis vers l'Europe et d'autres régions, grâce à des mécanismes sophistiqués de titrisation. Un bel édifice de créances douteuses, ayant pour origine l'insolvabilité des ménages américains, est né aux Etats-Unis puis exporté au-delà des frontières. L'accumulation des mauvaises créances s'est diffusée au reste des banques européennes, révélant subitement des problèmes graves de gouvernance financière. En août 2007, la crise dite de la subprime se révélait au monde entier et les banques américaines et européennes doivent faire face à des pertes, pour certaines colossales, qui mangent leurs bénéfices ou leurs fonds propres et font dégringoler leurs actions en Bourse. En septembre 2008, la crise financière s'est diffusée rapidement en Europe mettant en sérieuse difficulté des établissements financiers de premier rang. Des deux côtés de l'Atlantique, les difficultés et les pertes colossales des banques freinent leur volonté et leur capacité de prêter aux entreprises et aux ménages. Devant le risque réel de voir les économies sombrer dans la récession, faute de distribution de crédit aux entreprises et aux ménages, la réaction des gouvernements a été globale et massive mais ne sera pas nécessairement couronnée de succès, tant les anticipations sont devenues négatives et la crise de confiance profonde. Aux Etats-Unis, le plan Paulson veut injecter 700 milliards de dollars dans le système bancaire pour soutenir l'industrie bancaire américaine en risque de faillite. Les autorités prennent le contrôle des banques les plus exposées. Elles donnent la préférence au renforcement des Fonds propres des banques sur le rachat massif des créances douteuses. En octobre 2008, les chefs d'Etat et de gouvernement européens, alertés par la diffusion de la crise financière au monde des entreprises, ont pris des mesures destinées à renforcer la liquidité et la solvabilité des banques et à renforcer leur capacité à distribuer des crédits aux entreprises et aux ménages. En France, par exemple, on crée une société de refinancement des établissements financiers qui se procure des ressources sur le marché, avec la garantie de l'Etat, et les met à la disposition des banques qui en feraient la demande. Malgré ces interventions, des gouvernements appuyés par les autorités monétaires qui baissent les taux d'intérêt, les Etats-Unis et l'Europe, qui produisent à eux deux 55% du PIB mondial, entrent en récession fin 2008 et cette situation va perdurer en 2009 et probablement en 2010. Les Etats-Unis qui produisent un quart du PIB mondial, dont la capitalisation boursière représente 36% de la capitalisation mondiale, entrent en récession en 2008 et cette récession se poursuivra en 2009. L'Europe, avec 30% du PIB mondial, n'espère pas de reprise avant un an ou deux. En Europe, les trois économies les plus puissantes du continent, Allemagne, Angleterre et France, entrent en récession dès l'automne de 2008. La crise financière provoque un effondrement des capitalisations bancaires européennes. La somme des dix premières capitalisations atteint 330 milliards d'euros seulement à la fin de 2008, alors qu'elle était de 900 milliards d'euros en fin 2006, soit un recul de plus de 60%. Un reclassement s'opère aussi bien parmi les banques européennes qu'au niveau mondial, avec l'émergence en tête du classement des banques chinoises et l'effondrement de certaines banques américaines comme City group. La Chine et l'Inde, deux autres moteurs récents de l'économie mondiale, révisent à la baisse leurs taux de croissance pour les années qui viennent, dépendants eux aussi de la grande machine économique américaine, notamment la Chine qui exporte massivement vers les Etats-Unis. Dans ces deux pays, les investissements orientés vers l'exportation, notamment ceux des firmes étrangères, ont rapidement baissé suite au rétrécissement des débouchés extérieurs. Des centaines de milliers de travailleurs chinois sont obligés de retourner dans leur région d'origine, en attendant des jours meilleurs.
Après les banques et l'immobilier, d'autres secteurs, dont l'automobile, la sidérurgie, les mines et la grande distribution ont connu un recul de la production et des prix, s'entraînant les uns les autres dans la récession. Le secteur de l'automobile, déjà en surcapacité mondiale, se heurte partout à une demande plate que ne soutient plus comme avant le crédit à la consommation. Deux tiers des véhicules sont achetés à crédit d'habitude. Au total, les prévisions de la croissance mondiale en 2009 s'établissent autour de 3%. Cette croissance, moins forte de l'économie mondiale, va induire une baisse de la demande de pétrole et un recul de son prix d'au moins 40% de 2008 à 2009. Les Etats-Unis demandent trois millions de barils en moins par jour et la Chine a diminué sa demande additionnelle de près de 200 000 barils par jour en raison de la baisse d'activité, mais aussi de la hausse des prix intérieurs de l'énergie. La demande indienne baisse aussi. Le marché pétrolier est déprimé. L'OPEP a annoncé, en novembre 2008, la réduction de la production de 1,5 million de tonnes, mais cela n'a pas eu d'effet sur le marché, puisque le prix a continué à baisser pour atteindre 35 dollars, en raison de l'indiscipline dans le respect des quotas fixés et d'un surstockage important atteignant quatre mois de consommation mondiale à la fin de 2008. L'organisation ne contrôle que 40% de l'offre actuelle et la Russie, avec 12% de l'offre, la Norvège et le Mexique ne suivent pas la réduction de la production. On observe notamment un duel entre Saoudiens et Russes pour le contrôle dans un contexte de baisse de la demande. La réunion de l'OPEP à Oran, en décembre 2009, a eu des résultats tangibles : réduction de la production de 2,2 millions de barils/jour à partir de janvier 2009, promesse de mieux respecter les quotas et volonté affichée de coordonner les actions de l'OPEP et celles de la Russie et de l'Azerbaïdjan qui ont annoncé tous deux une réduction de leurs productions. L'annonce d'une adhésion de la Russie à l'organisation n'a pas été faite, en dépit des pronostics. Malgré ces décisions importantes, le marché pétrolier est resté déprimé en attente d'une relance significative de l'économie mondiale : à 35 dollars au lendemain de la réunion d'Oran, le prix du baril s'est redressé à plus de 45 dollars en début 2009, essentiellement en raison de la dégradation de la situation politique au Moyen-Orient. L'OPEP devra se réunir de nouveau pour faire face à la situation. On a peu de visibilité sur l'avenir : dans tous les pays occidentaux, l'incitation à investir et à consommer baisse, malgré les facilités de crédit qui sont faites de nouveau. La relance du crédit s'opère difficilement. Le FMI, pessimiste sur la croissance mondiale dans un proche avenir, a recommandé une impulsion budgétaire plus forte dans les pays développés. Le monde attend en fait une initiative importante du nouveau Président américain. Tout se jouera en fait aux Etats-Unis, avec la nouvelle administration Obama. Le plan Obama, qui sera mis en place au lendemain de son investiture, d'une ampleur historique de plus de 1000 milliards de dollars, soit 4% du PIB américain, a eu d'abord un impact sur l'économie locale. Mais c'est évid emment l'effet de demande mondiale qui est le plus attendu pour relancer les échanges internationaux. Le plan, massivement orienté vers les travaux publics locaux, la préservation de l'environnement et le sauvetage du secteur de l'automobile va d'abord profiter à l'économie locale plus qu'aux importations. Celles-ci seront aussi découragées par la baisse du dollar entamée en décembre 2008 et qui s'est poursuivie depuis. Les pays européens lancent des programmes de relance avec des incitations fiscales et des programmes supplémentaires de dépenses publiques. On a noté, sans grande surprise, que l'Union européenne n'a pas agi solidairement, notamment en raison des réticences de l'Allemagne à faire puissamment de la relance, au même niveau que l'Angleterre et la France. Dans les pays émergents, fortement dépendants de leurs exportations, la crise du secteur exportateur a appelé des mesures de compensation en faveur de secteurs travaillant pour le marché intérieur. La demande locale, de consommation et d'investissement, est encouragée pour compenser la baisse de la demande externe, à travers l'investissement public et le soutien des revenus des ménages. La Chine annonce en novembre 2008 un plan de relance de 458 milliards d'euros, soit près d'un cinquième de son PIB. Le pays, dont les exportations représentent plus de 27% de la richesse produite, est fortement touché par le ralentissement des Etats-Unis et de l'Europe, zones auxquelles il destine 40% de ses exportations. De très nombreuses usines sont fermées et les travailleurs renvoyés massivement dans leurs villages. Mais il faudra du temps et de la volonté pour réorienter les productions vers le marché intérieur dont les besoins sont énormes, mais différents de ceux des marchés extérieurs. Il faudra probablement plus d'ouverture aux innovations et à l'entreprenariat local. L'Inde, moins dépendante que la Chine des débouchés extérieurs, fait aussi face à la crise en soutenant la demande intérieure par un plan de développement des infrastructures. Mais les difficultés financières des entreprises sont importantes et la bureaucratie devra faire des efforts pour ne pas décourager les investisseurs. Dans chacun de ces pays, la relance de la demande interne profite aussi aux entreprises locales dont l'offre est importante et diversifiée et dont le niveau technologique est relativement élevé, notamment en Inde, contrairement à ce qui se passe en Algérie.
2 - La crise en Algérie et l'impertinence des politiques keynésiennes
1986-2008 : vingt-deux ans après la profonde crise pétrolière de 85-86 qui a plongé l'économie algérienne dans la récession et a précipité la société dans la tourmente, une nouvelle crise mondiale touche l'Algérie et la met face à de nouveaux défis. Les Algériens se réveillent brutalement appauvris : après avoir atteint 147 dollars en juillet, le prix du baril est tombé à moins de 40 dollars en décembre 2008, soit une baisse de plus de 70%. Après une moyenne de 67 dollars en 2007 et de 110 dollars le baril en 2008, on prévoit, au mieux, 60 dollars en moyenne en 2009, une baisse de 47% en moyenne d'une année sur l'autre. Pour un volume donné d'exportations, cela signifie un quart de croissance en moins pour le pays. Les effets de la crise sur l'économie et la société peuvent être analysés sous plusieurs angles : les finances publiques, la balance des paiements, la croissance économique et finalement la confiance qui, de l'avis des économistes, est devenue un vrai facteur de production, en contexte de crise. Pour mieux mesurer cet impact, lié principalement à la baisse du prix du pétrole, d'un prix moyen de 110 dollars en 2009 à un prix moyen de 60 prévu en 2009, il faut bien voir la différence entre la conjoncture financière et budgétaire de 1986 et celle de 2008.
A - Un contexte de crise différent de celui de 1985-87
Plusieurs aspects différencient la situation de 2008 de celle de 1986. Au plan extérieur, les difficultés financières se sont accumulées à partir de 1985. Le retournement du marché pétrolier a eu lieu en 1985 et le prix du baril a chuté de 50% en l'espace de quelques semaines, en raison, disait-on à l'époque, de la décision saoudienne d'inonder le marché et d'empêcher le Venezuela de prendre une part dominante sur le marché américain si proche. A ce contrechoc pétrolier va s'ajouter un choc monétaire : les accords du Plazza, intervenus entre Américains, Japonais et Européens, ont programmé la baisse du dollar qui perd en quelques semaines plus du tiers de sa valeur. Le dollar vaut dix francs français en 1985 ; il n'en vaudra plus que cinq trois années plus tard. Simultanément, la baisse du dollar produit une hausse de l'encours de la dette extérieure par simple effet de valorisation des dettes contractées dans les autres monnaies que le dollar. La dette et son service s'accroissent sans endettement supplémentaire notable. Le cumul de « l'effet pétrole » et de « l'effet dollar » représente entre le premier trimestre 1985 et le creux conjoncturel de la mi-1991, une baisse des recettes en devises de près de 80%. L'Algérie est touchée au cœur. Les niveaux de la dette extérieure et des réserves extérieures sont différents aux deux dates. En 1986, la dette extérieure était de 17 milliards de dollars. Le stock de la dette est passé de 17 à 25,8 milliards de dollars entre 1985 et 1987. Le service de la dette absorbait 35 % des recettes d'exportation en 1985, 54,3% en 1986 et 78,2% en 1988. De 1986 à 1993, les réserves de change ont toujours été inférieures à deux milliards de dollars. Malgré cela, le niveau des importations va baisser de 9 milliards de dollars en 1985 à 6,4 milliards de dollars en 1987, freinant brutalement l'appareil de production : la production industrielle diminue, la construction et les travaux publics sont frappés de plein fouet. La pénurie et l'économie parallèle se développent. L'économie entre en crise. En 1993, en dépit de l'accord avec le FMI de mai 1989, qui a permis le traitement d'une partie de la dette privée, le service de la dette extérieure représente plus de 82,2% des exportations de biens et services. La situation est intenable et va conduire au rééchelonnement. La dette extérieure n'est plus que de 4,9 milliards de dollars fin 2007 et représente moins de 4% du PIB. Les réserves extérieures qui étaient de deux milliards de dollars en 1986 se sont élevées à 147 milliards de dollars fin 2008 et représentent plus de cinq années d'importations au rythme de 2007. La position financière extérieure du pays est forte et le met à l'abri de tout risque d'insolvabilité analogue à celui qui prévalait en 1986. L'approvisionnement de l'appareil de production peut se faire sans problème. La valeur du dollar, qui avait fortement baissé après les accords du Plazza en 1985, a progressé de près d'un quart de juillet à octobre 2008, pour refluer de nouveau en 2009, ce qui est important pour un pays comme l'Algérie qui vend essentiellement en dollars et achète beaucoup en euros. La situation des finances publiques est très différente aussi. Entre 1986 et 1987, la fiscalité pétrolière baisse de près de 50%. Le déficit budgétaire se creuse très vite : il passe de 4,3% du PIB en 1986 à 8,3% en 1988. Son financement est problématique et peu orthodoxe. Grâce à la mise en place en 2001 du Fonds de régulation des recettes, des réserves budgétaires importantes ont été constituées depuis 2004, date d'accélération de la hausse du prix du pétrole. A fin 2008, ces réserves s'élevaient à plus de 4200 milliards de dinars, soit trois années de dépenses d'équipement au rythme de 2007. En sens inverse, l'ouverture croissante de l'économie algérienne aux capitaux extérieurs accroît la sensibilité de l'économie aux comportements des grandes firmes étrangères bancaires ou du secteur réel sur son sol. Dans les années 1980, ces firmes étrangères étaient quasi absentes sur le sol algérien. En dépit de ce contexte différent, et somme toute plus favorable, la crise mondiale a certainement un impact sur le pays et touche la croissance, les stratégies d'investissement des grands acteurs, l'attractivité du pays et indirectement le niveau de vie des ménages.
B - La crise et les finances publiques
La fiscalité pétrolière, en croissance rapide, a représenté entre 65 et 75% des revenus de l'Etat au cours des années 2003 à 2007. Les recettes fiscales ordinaires, en croissance au cours de la période, permettent de financer la facture salariale publique et les moyens des services. Les transferts publics, en croissance très rapide au cours de la période et les dépenses d'équipement public, sont financés par les ressources de la fiscalité pétrolière. L'épargne budgétaire a dépassé largement les dépenses d'équipement. Le Trésor a été constamment un agent excédentaire et des ressources importantes se sont accumulées dans le Fonds de régulation des recettes. Mais la situation va changer avec la baisse de la fiscalité pétrolière liée à celle du prix du pétrole et l'évolution des volumes commercialisés qui ont stagné pour la plupart au cours des dernières années. Le budget de fonctionnement a été fortement sollicité au cours des dernières années : outre le paiement des fonctionnaires, les dépenses de transfert se sont beaucoup accrues, notamment pour la subvention des produits de consommation, le financement de la santé et le paiement des pensions et rentes. En 2007, les transferts à partir du budget de l'Etat ont représenté 660 milliards de dinars, soit plus de 7% du PIB. Ce niveau de transfert rappelle celui du début des années 1990, à la veille du rééchelonnement et représente des valeurs absolues bien plus élevées. Seul le service de la dette publique a connu une diminution en conséquence des remboursements massifs qui ont été effectués au cours des dernières années. De nouvelles dépenses importantes sont prévues au cours des prochaines années en conséquence des programmes d'équipement en cours de réalisation. En effet, le programme public d'équipement est fixé à plus de 11 000 milliards de dinars pour la période 2007-2011 soit, en prévisions, plus de 2000 milliards de dinars par an. A eux deux, l'autoroute et la modernisation du chemin de fer représentent une forte proportion du total. Le rythme des dépenses s'accélère puisque les décaissements sont passés de 800 milliards de dinars en 2005 à 1420 milliards de dinars en 2007 et probablement plus en 2008. Après la mise en service de tous ces équipements, le budget de l'Etat sera fortement sollicité pour le financement des charges récurrentes induites : frais de personnel plus importants et autres moyens de services. Les subventions nécessaires pour la distribution de l'eau dessalée, le transport urbain par métro et tramway, les subventions d'équilibre pour l'autoroute Est-Ouest et celles à prévoir pour le transport par chemin de fer et la production d'électricité s'additionnent pour atteindre des sommes très importantes qui sont autant de charges pour le budget. Leur chiffrage n'est pas définitif. Cela peut représenter une dépense majeure, aussi forte que celle liée au service de la dette publique dans les années 1990 et 2000, avant le paiement par anticipation de la dette extérieure. Au total, la barque budgétaire est chargée et le budget 2008 qui retient un prix de référence de 37 dollars le baril n'est en fait à l'équilibre qu'avec des rentrées équivalentes à 70 dollars le baril, le déficit atteignant, au prix de référence choisi, près de 18% du PIB. En raison des engagements pluriannuels et incompressibles du Trésor, dans la conjoncture pétrolière nouvelle, les ressources du Fonds de régulation des recettes seront sollicitées en vertu de l'article 25 de la loi de finances complémentaire pour 2006. Elles se sont élevées à 4200 milliards de dinars fin 2008, soit plus de 55 milliards de dollars, donnant au Trésor une certaine liberté de manœuvre pour autant que la baisse de la fiscalité pétrolière ne soit ni profonde ni durable. Mais la situation budgétaire globale mérite attention en raison des engagements pluriannuels pris au cours des dernières années et malgré le dégonflement massif de la dette publique grâce aux ressources du Fonds de régulation des recettes. En raison des nouvelles charges importantes du budget de fonctionnement, la volatilité des prix du pétrole constitue une menace permanente pour l'effort d'équipement du pays. Le principe de précaution exige dorénavant une vigilance accrue en matière de programmation et d'exécution budgétaire dans le cas d'une baisse plus longue de l'épargne budgétaire. Il faut aussi souligner ici l'interdépendance des situations financières du Trésor, de Sonatrach et partiellement de Sonelgaz : outre la fiscalité pétrolière qui fait de Sonatrach le premier contribuable, les bénéfices de l'entreprise déterminent le niveau des dividendes qui seront versés à son unique actionnaire, l'Etat. La politique de distribution des dividendes est évidemment importante pour l'équilibre financier du Trésor. Elle l'est aussi pour la conduite de la stratégie financière de l'entreprise. Au cours des dernières années, à la faveur de l'augmentation des ressources fiscales pétrolières, l'autofinancement de l'entreprise semble avoir primé sur la distribution de dividendes à l'actionnaire. Par ailleurs, la garantie donnée par le Trésor aux emprunts bancaires de Sonelgaz pour le financement de ses grands projets constitue une contrainte budgétaire supplémentaire si, au moment du remboursement, l'entreprise ne dégage pas un cash-flow suffisant pour faire face aux remboursements ou si le propriétaire des banques doit apporter des fonds propres supplémentaires pour respecter les ratios prudentiels. Comme chacun sait, la politique des prix et des volumes d'électricité est au cœur du problème.
C- La crise et la balance des paiements
On a assisté au cours des dernières années à une croissance rapide du commerce extérieur du pays, les exportations suivant le prix des hydrocarbures et les importations la dynamique des dépenses publiques et l'effet du taux de change entre l'euro et le dollar. Le secteur du BTP, un des moteurs de la croissance de cette époque, a profité de l'importation massive de matériaux de construction : les importations de ciment, de bois, des constructions en préfabriqué et des fils machines et barres en fer ou en acier ont enregistré des croissances respectives de 70, 61, 56, et 55% en 2003 par rapport à 2002. Les producteurs étrangers ont profité pour l'essentiel de la hausse de la dépense publique. L'excédent commercial a été la source principale de l'accumulation des réserves extérieures.
Les exportations hors hydrocarbures n'ont jamais représenté plus que 2% du total des exportations, et le déficit de la balance des services non facteurs, se creusant d'année en année, a atteint plus de quatre milliards de dollars en 2007. Le paiement par anticipation de l'essentiel de la dette extérieure, ramenée de 23,3 milliards de dollars à fin 2003 à 5,6 milliards de dollars à fin 2007 a libéré la balance des paiements d'une charge annuelle importante liée au service de la dette. Dans un contexte de stagnation sinon de recul du flux d'investissement direct au cours des dernières années, pour des raisons qui restent à élucider étant donné l'attractivité potentielle de l'économie, mais de croissance relative des exportations de profits liés aux investissements anciens, l'évolution de la balance des paiements, et les variations des réserves de change qui lui sont associées, vont dépendre fortement des revenus pétroliers futurs et de leur recul probable au cours des prochaines années. Les réserves de change se sont élevées à 147 milliards de dollars fin 2008 et représentent plus de cinq années d'importations au rythme de 2007.
D - La crise et la croissance
La crise a nécessairement un impact sur la croissance d'aujourd'hui en limitant les débouchés extérieurs du secteur des hydrocarbures et sur celle de demain en raison de son impact sur l'épargne nationale et sur les investissements, encore que l'excès structurel de l'épargne sur l'investissement au cours des dernières années laisse une marge de manœuvre en ce domaine. En premier lieu, l'impact de la baisse des prix pétroliers sur la croissance sera nécessairement fort en raison de la place importante des hydrocarbures dans la structure de la production.
Entre 1970 et 2003, le secteur des hydrocarbures a représenté en moyenne un tiers de la richesse du pays produite annuellement. En 2007, il en a représenté plus de 44% et la situation est restée stable en 2008. En 2006 et 2007, le taux de croissance du secteur des hydrocarbures (-2,5% puis -0,9% en volume) a tiré vers le bas celui de l'économie. Cette croissance en yoyo est inévitable en raison de la discontinuité des niveaux de production dans ce secteur : nouvelles mises en production, nouvelles capacités de transport aussi bien pour le pétrole que pour le gaz naturel. Cette volatilité s'est déjà manifestée de façon brutale en 2006 avec un recul du taux de croissance global de 1,8 % selon des sources statistiques concordantes. Plusieurs facteurs ont tiré ce taux de croissance du secteur vers le bas : l'arrêt de capacités de production pour maintenance, des incidents techniques sur les champs et sur les canalisations ainsi que des glissements dans les plannings de mise en production. Au cours des années 2009 et 2010, la croissance de ce secteur, et avec elle celle de l'économie dans son ensemble, dépendra de l'effet conjugué des quantités et des prix. Si les volumes exportés ne compensent pas la baisse moyenne des prix attendue, de l'ordre de 50%, d'une année sur l'autre, on assistera nécessairement à un recul de la croissance économique impossible à chiffrer avec précision maintenant. Dans ces conditions, pour un volume produit donné, la baisse de 50% en moyenne des prix de 2009 signifiera près d'un quart de croissance en moins. En second lieu, la crise pétrolière entraînera aussi automatiquement une baisse de l'épargne nationale, budgétaire d'abord directement liée à la fiscalité pétrolière et celle de Sonatrach bien entendu. En raison de la hausse du prix du pétrole depuis 2004, le taux d'épargne nationale en proportion du PIB n'a cessé de croître et dépasse celui de l'investissement brut dont il représente plus de 152 % au cours des six dernières années. En 2007, ce rapport est monté à plus de 160% : l'épargne excède massivement l'investissement. Entre 2003 et 2007, le taux d'épargne a progressé de 14 points, ce qui est considérable alors que celui de l'investissement n'a progressé que de cinq points au cours de cette période. Pour cela, la crise des débouchés, en diminuant l'épargne nationale, ne limite pas nécessairement le financement de l'investissement, celui-ci étant actuellement largement inférieur à l'épargne. En troisième lieu, la baisse du prix du pétrole a un impact sur les plans d'investissement et sur les résultats financiers des sociétés pétrolières.
A travers le monde, beaucoup de sociétés pétrolières révisent leurs plans d'investissement à la suite de la baisse des prix de l'automne 2008, mais aussi faute de ressources financières dans le nouveau contexte international. Certains prédisent que ce recul des investissements dans le secteur aura à terme des répercussions sur l'offre pétrolière et donc sur les prix, confirmant ainsi l'existence d'un cycle dans cette industrie. Ainsi, on a vu le maigre résultat de l'appel d'offres lancé par l'agence En-Naft pour l'octroi de permis de recherche et d'exploration. Seize périmètres avaient été mis sur le marché dont certains déjà octroyés à Sonatrach ont été remis sur le marché. Plus de soixante sociétés avaient participé aux consultations techniques d'usage, avec un intérêt variable d'un périmètre à l'autre. Mais en définitive, seules neuf sociétés sont restées en course et seuls quatre périmètres ont été octroyés. On aura noté l'absence des grades sociétés comme BP, Shell, Repsol, Statoil et la présence discrète de Total. On aura en sens contraire noté la présence active de Gazprom qui a obtenu un permis et l'arrivée, pour la première fois, de l'allemand EON qui a aussi obtenu un permis. Seule une analyse détaillée des résultats de cet appel d'offres permettra de comprendre, les causes, les motivations et les stratégies des sociétés pétrolières vis-à-vis du secteur des hydrocarbures en Algérie dans le nouveau contexte international. En cas de baisse durable de l'attractivité du secteur des hydrocarbures pour les investisseurs étrangers, le programme d'investissement en amont de Sonatrach doit retenir encore plus l'attention parce qu'il est le garant de notre sécurité financière et du respect de nos engagements commerciaux. Sonatrach, qui dispose d'excédents financiers importants, s'est engagée dans un plan d'investissement, à moyen terme 2008-2012, de 76 milliards de dollars, mais le coût de ce programme peut évoluer. L'investissement dans la recherche, l'exploration et la production pour la période 2008-2012 s'élève à quelque 35 milliards de dollars, incluant les investissements actuels en association. L'investissement en aval, pétrochimie, engrais, aluminium, représente aussi une trentaine de milliards de dollars, mais la part de Sonatrach qui était variable d'un projet à l'autre doit être dorénavant majoritaire. Cinq projets ont déjà été signés et leur réalisation est lancée. D'autres sont en négociation, dont le plus important qui concerne l'aluminium à Beni Saf avec Dubal semble compromis par l'effondrement mondial du prix de l'aluminium. De même, le grand projet de la raffinerie de Tiaret, en négociation avec les Saoudiens, est réexaminé. On doit noter que Sonatrach a vu le coût des services pétroliers augmenter de 67 % depuis 2000. Les coûts de construction dans le GNL ont été multipliés par 4 durant les 5 dernières années ($250/tonne à $800-$1000/tonne). A Skikda, comme à Gassi Touil, on sait que tout est devenu beaucoup plus cher, les équipements comme les services. Le financement de la part de Sonatrach dans les programmes d'électricité et de dessalement de l'eau de mer dont la croissance a été très rapide au cours des dernières années, alourdit son programme d'investissement sans parler des investissements indispensables à la rénovation et à la modernisation des réseaux de transport. En complément de ses ressources disponibles, il est possible que l'entreprise soit conduite à diversifier ses sources de financement et à procéder à des emprunts à l'extérieur. Mais le coût du crédit à l'international s'accroît en raison de la raréfaction des ressources. La crise de l'endettement extérieur du milieu des années 80 était due, en grande partie, aux grands projets d'hydrocarbures et ceci oblige à mieux définir les modalités de l'endettement extérieur éventuel dans le financement des investissements de l'entreprise, qui ne peut évidemment pas financer tout son programme en cash. Cela oblige aussi à examiner plus attentivement le niveau des fonds prêtables de la place d'Alger et les conditions et modalités de leur mobilisation efficace sans créer d'effet d'éviction des entreprises des autres secteurs. Sonelgaz, qui a un programme d'investissement très important de l'ordre de 15 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, fait face à d'autres problèmes. Elle constate un doublement des prix des équipements accompagné d'un allongement rapide des délais de livraison pour tous les types d'équipements. Pour cette société, les pouvoirs publics doivent mener une analyse approfondie sur la cohérence entre investissement, prix et financement. Sinon, la charge pour le Trésor, qui a donné sa garantie aux banques pour les emprunts de l'entreprise, risque d'être lourde. En quatrième lieu, la dépense publique, très dépendante de la fiscalité pétrolière, est le moteur principal de la croissance des secteurs de la construction et des services et joue aussi un rôle important dans l'équipement et la croissance de l'agriculture. (A Suivre)


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