La rue s'est encore une fois prononcée en faveur du «changement des politiques actuelles du développement local». Ni les appels au calme, ni les promesses de «bien faire», ni la reconnaissance des «torts» n'auront eu raison de la manifestation annoncée il y a une semaine par le Collectif du comité de la société civile de Ouargla, regroupant des dizaines de comités de quartiers, des activistes et des citoyens lambda, acquis à la cause au fil des réunions de préparation, qui ont sillonné la ville ces derniers jours, rassemblant chaque soir, dans des rencontres populaires de rue, des participants venant écouter et débattre de la situation actuelle de la wilaya. «Mon émotion est si grande que je ne veux rien de plus que rester ici à l'ombre, voir ces jeunes qui veulent changer le cours des choses», confie hadj Mohamed, 75 ans, un des nombreux seniors à s'être déplacés pour soutenir le mouvement. Badie, 35 ans, venu du ksar voisin, souligne que «la mobilisation est à la hauteur des promesses et même si nous n'avons pas été associés à sa préparation, nous sommes solidaires, car les revendications nous concernent tous». Hier à la place de la Rose des sables de Ouargla, près de 5000 personnes, 25 000 selon les organisateurs, se sont rassemblées dès 8h30 pour exiger le dégel des projets mis dans les tiroirs, des postes d'emploi et l'achèvement de la réhabilitation des réseaux d'assainissement et d'eau potable. Ce rassemblement, qui a vu la participation de citoyens de toutes les tranches d'âge et de toutes les franges sociales, venus des quatre coins de la wilaya mais aussi de certaines villes environnantes, tels que In Salah, El Ménéa et Illizi, a mis en avant le vœu d'une «tanmiya chamila», «le tout-développement». En face des camions antiémeute et des agents de l'ordre qui quadrillaient les lieux, des citernes d'eau douce et des fontaines fraîches ambulantes pour aider à supporter la canicule ambiante. Des gaz lacrymogènes contre les manifestants L'objectif des policiers était de cantonner les manifestants à la placette qu'ils ont choisie comme point de regroupement avant de s'ébranler vers le siège de la wilaya. La suite des événements les contraindra à rester sur place jusqu'à 11h et tenter de supporter tant bien que mal les gaz lacrymogènes propagés par des policiers, qui ont réprimé le mouvement dès les premières secondes. Les affrontements entre un groupe de jeunes et les forces de l'ordre se sont poursuivis jusqu'à 13h. Deux blessés parmi les manifestants ont été évacués et ont reçu des soins à l'hôpital de la ville. Les heurts ont fini par se calmer et les manifestants ont procédé au nettoyage de la placette avant de quitter les lieux. Pour les orateurs qui se sont succédé au micro, parler d'insuffisances dans tous les secteurs, de manque d'infrastructures sanitaires, éducatives et de loisirs ou bien encore de disparités régionales en comparaison avec d'autres villes du pays, n'était plus d'actualité. Les banderoles ont porté très haut des slogans pour : une école et une santé publiques de qualité, l'emploi pour la main-d'œuvre locale et le rattrapage du retard cumulé depuis l'indépendance «que les différents plans et budgets successifs n'ont pas suffi à combler». Des voix discordantes ont bien essayé des comparatifs avec la manifestation du million organisée en 2013 par le mouvement des chômeurs, de par le nombre de participants et la force des messages, mais cette mobilisation de la rue porte une symbolique nouvelle de représentativité, partagée entre les différents quartiers et la composante ethnique de Ouargla qui n'apparaissait pas avant. «L'union fait la force» un des slogans majeurs de la manifestation d'hier, sa promesse d'une continuité du combat de la société civile locale pour donner un sens au pouvoir du peuple, lui confère une fraîcheur et une authenticité qui veulent peut-être dire qu'il y aura aussi un avant et un après 15 septembre 2018 à Ouargla.