La nouvelle épreuve de force à Ouargla a nécessité un travail de longue haleine. Sillonnant les quartiers, faisant appel à des personnalités et orateurs écoutés et ayant une représentativité au sein de chaque grande communauté, l'idée motrice derrière la mobilisation qui a dépassé les espérances des organisateurs semble être la démonstration de la faisabilité d'un rassemblement pour une dynamique sociale nouvelle dans la ville, par-delà les origines et les obédiences. D'ailleurs, «Koulouna Ouargla» («nous sommes tous Ouargla»), le mot d'ordre qui a émergé dès les premières heures de la mobilisation virtuelle devenue réalité, samedi 15 septembre à 8h30, sur la place Rose des Sables, n'est pas très revendicatif mais plutôt un message porté par une nouvelle génération d'activistes qui veut conjurer la discorde et le tribalisme qui ont miné Ouargla pendant des décennies et qui a failli tourner au dérapage lors des dernières élections locales marquées par des listes électorales tribales et par quartier. Lazhar Nacer, sociologue de formation, président du café littéraire de Ouargla et membre de l'Observatoire citoyen algérien (OCA) pour la wilaya de Ouargla, estime que «la plate-forme publiée à l'issue de la manifestation de Ouargla représente une action citoyenne en rupture avec l'indifférence et le laisser-aller apolitique». Il propose la constitution d'une cellule de coordination avec l'APW et le pouvoir exécutif de la wilaya qui a publié samedi soir un communiqué s'engageant à ouvrir le débat sur les requêtes des manifestants et à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour leur concrétisation. Tout a commencé au lendemain de l'installation des nouvelles assemblées élues après une vague de contestation des résultats. Une nouvelle prise de conscience citoyenne a émergé de la rue avec le fabuleux consensus d'une large frange de Ouarglis sur la problématique des urgences médicales, jugées bâclées. Vint ensuite l'affaire des époux Massaoudi, victimes d'un incendie qui les a conduits tous deux au coma, leur décès un mois plus tard au CHU de Douéra, qui a ressuscité l'idée du projet d'un hôpital des grands brûlés dans la zone pétrolière en vogue dans les années 1990 mais aussi celle du CHU, mort-né suite à un problème de foncier contesté par une famille de Mekhadma et que la politique d'austérité enverra à la trappe, de même que la dernière tranche de 3km du tramway de Ouargla. Mais la contestation sociale par les manifestations pacifiques pose la problématique de la représentativité de la rue.Certains acteurs veulent s'imposer comme alternative de proposition sur la gestion des affaires de la cité et penser localement le développement et la nomenclature des projets. Les réponses des gouvernements successifs via les walis et assemblées élues consécutifs n'ont jamais été que des calmants pour une situation explosive. Et si la contestation soulevait d'abord le problème de l'«équité» dans l'emploi et le droit à une «priorité» de la main- d'œuvre locale les premières années, la cristallisation d'une revendication du «tout-développement», (tanmiya chamila) est l'aboutissement d'un mouvement social qui aspire à renverser l'ordre établi. Comment mesurer l'impact de cette dynamique citoyenne renouvelée ? Comment mesurer son succès ? Faut-il considérer que son inscription dans la durée soit déjà un acquis, une avancée ? Le mouvement social de Ouargla est en passe de se transformer en un contrepoids politique sur l'échiquier local, régional et national. Ouargla et le Sud dans sa globalité faisaient partie de la marge dont on ne parlait que pour évoquer les paysages sahariens, le folklore et au mieux des richesses naturelles qui profitent à la communauté nationale. Avec cette nouvelle manifestation, c'est l'image d'un Sud dynamique, qui bouge et qui sait se faire entendre, que se mesure le succès du mouvement citoyen de Ouargla représentatif des autres villes sahariennes qui se sont portées solidaires et se sont reconnues dans sa démarche.