Après le retour des vacances, l'équipe d'Ahmed Ouyahia devra se pencher sur l'examen de nouveaux projets de loi inscrits dans son agenda, comme le Code des collectivités locales, la loi sur les hydrocarbures, la réorganisation des crèches et du transport en commun. Ce qui a fait dire à un journaliste d'un quotidien proche des cercles du pouvoir qu'«il n'y aura pas de remaniement gouvernemental à court terme !» Les Algériens devront-ils pour autant s'interdire de penser à la nature et aux contours du gouvernement qui, forcément, s'installera au palais du docteur Saâdane, au lendemain des élections présidentielles d'avril 2019 ? Le président de la République qui sortira des urnes va-t-il, encore une fois, puiser dans le corps des walis pour nommer ses ministres, faire confiance aux technocrates, ou s'en remettre aux partis politiques qui l'auraient soutenu dans sa campagne pour former son gouvernement? Autant de questions qui préoccupent les observateurs de la vie politique, qui rappellent que l'Algérie, ayant opté pour un système présidentiel, la désignation du Premier ministre reste du ressort exclusif du président de la République, ce qui élimine tout suspense quant à celui qui conduira l'Exécutif, contrairement aux ministres qui composeront son staff. Rappelons déjà qu'avec l'arrivée de Abdelmalek Sellal à la tête du gouvernement, les walis sont entrés au gouvernement en nombre sans cesse croissant. Il y a eu, tout d'abord, Nouria Zerhouni et Abdelkader Kadi, nommés respectivement au ministère du Tourisme et de l'Artisanat et au ministère des Travaux publics. Expérience non concluante, qu'on peut résumer comme suit : «Trois petits tours et puis s'en vont!» On pensait, alors, que le président de la République allait renoncer à rechercher des ministrables dans la filière des walis. Il n'en fut rien, et à la surprise générale, Mohamed Ghazi, Abdelmalek Boudiaf, Abdelouahab Nouri et Abdelkader Ouali ont intégré le gouvernement. Le premier nommé a été placé à la tête du ministère chargé de la Réforme du service public : ça sera un «ministère transversal», qui se nourrirait des propositions qui seront portées par les départements ministériels et les institutions concernées, avait affirmé Abdelmalek Sellal, lors de la cérémonie d'installation de Mohamed Ghazi. A la surprise générale, le ministère a été supprimé à la faveur du remaniement ministériel qui s'en est suivi, et son titulaire qui, pourtant, n'avait aucun bilan à faire valoir, s'est vu attribuer le portefeuille de ministère du Travail, à partir duquel il a réussi le tour de force de s'aliéner et de mettre à la rue, l'ensemble des syndicats à la faveur de la très contestée loi sur la retraite. N'étant pas, à l'évidence, l'homme de la situation, surtout pas l'«expert» qui serait en mesure de porter «le Code du travail», il a été débarqué ! Le deuxième wali à être nommé ministre est Abdelmalek Boudiaf. Pour tout le monde, notamment médical, ce n'était pas l'homme de la situation. Contesté par toutes les corporations du secteur, il a tenu bon malgré le scandale du fameux «RHB». Son limogeage a été accueilli avec soulagement. Abdelouahab Nouri, quant à lui, après avoir été nommé au ministère de l'Hydraulique et des Ressources en eau, il a atterri à la tête du ministère du Tourisme et de l'Artisanat. N'étant pas expert en la matière, il a contribué par son manque d'imagination au grand gâchis touristique qui fait, par ailleurs, le bonheur de nos voisins de l'Est et de l'Ouest et qui à inscrit en lettres noires sur le registre des faillites celle de l'Algérie indépendante. Les noms des ministres qui l'ont précédé et qui ont mal géré le secteur ont contribué à sa ruine aussi ! Abdelkader Ouali, après un passage éphémère au ministère des Travaux publics, s'est retrouvé au ministère de l'Hydraulique et des Ressources en eau, sans pour autant avoir fait avancer les questions du «tri sélectif» des déchets et des milliers d'emplois qui en découleraient, de réalisation de «retenues collinaires», là où le relief le permet, d'éradication des «décharges sauvages» et d'«envasement des barrages». Avec son collègue de l'Agriculture, il avait également l'objectif de valoriser les terres irrigables et de porter leur surface globale à un million d'hectares, conformément au programme du président de la République. Les deux ministres ont payé cash leurs défaillances. Faut-il conclure, s'agissant des walis promus ministres, qu'ils n'ont pas été à la hauteur des attentes ? Non, si l'on se réfère au bilan du ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, qui a engrangé un réel succès grâce «au choc de simplification des procédures administratives» et à «la réanimation du service public», qu'il a mené de main de maître, du ministre de l'Habitat, Abdelwahid Temmar, qui a réussi «à sortir de terre» tous les programmes d'habitat que son prédécesseur (un wali, celui de Annaba !) n'a pas su dynamiser, ou encore le ministre de l'Agriculture, Abdelkader Bouazgui, qui se démène pour réduire les factures d'importation alimentaire et mettre au pas les agriculteurs voyous qui irriguent leurs cultures à partir d'eaux usées ! De ce qui précède, peut-on encore prétendre que la filière des walis reste, malgré tout, un vivier de compétences ? Oui, semble-t-il, car malgré leurs échecs successifs, on continue en haut lieu à puiser dans le corps ! Et de les affubler du titre de «technocrates» ! Alors qu'ils ne sont que des grands commis de l'Etat qui ont, pour la plupart, «touché à tout», sans être pour autant des experts dans un domaine précis.D'ailleurs, et dès l'annonce de la formation ministérielle de Abdelmadjid Tebboune, les observateurs se sont précipités à parler d'un «gouvernement de technocrates». Evidemment, ce n'est pas vrai, même si certains ministres, comme Abderrahmane Raouya, Mustapha Guitouni, Mourad Zemali et Mokhtar Hazbellaoui, entre autres, peuvent s'en revendiquer. Dans un gouvernement de technocrates, ce sont ces derniers qui décident de tout et restent impuissants devant les problèmes de société ! L'idée d'une technocratie demeure pourtant hypothétique, même si des nations ont, par le passé, été considérées comme soumises à une forme de gouvernement d'experts. Pour fermer la parenthèse, «le phénomène semble aussi facile à expliquer que la théorie de la relativité d'Einstein», expliquait un politologue. Mais sinon, un gouvernement politique à 100% est-il envisageable pour 2019 ? Une réédition de l'Alliance présidentielle FLN-RND-MSP ? Un gouvernement de «salut public» ? C'est ce que les observateurs ont cru déchiffrer de l'initiative menée par le chef du MSP, Abderrezak Mokri qui, coup sur coup, a été reçu par les deux poids lourds du paysage politique qui ont accepté de lui avccorder une audience, suite, à en croire ce qui se dit, à une instruction venue «de très haut» pour montrer que le pouvoir est favorable au dialogue politique. Le message de Makri a consisté à dire à ses interlocuteurs qu'aucun parti n'arriverait à gouverner seul en 2019 ! Ould Abbès & Co, qui ont été obligés de l'écouter «poliment», n'en pensent pas moins de son initiative et sont en tout cas d'accord pour que «le changement ait lieu, mais dans la continuité!»
Par Cherif Ali Cadre à la retraite [email protected]