Implanté, non loin du premier campus de l'université Sétif I (Ferhat Abbès), le grand mausolée romain, connu sous le nom de Tombeau de Scipion datant de la fin du IIIe et début du IVe siècles après J-C, le mausolée se trouve dans un état lamentable. A l'indifférence des chargés de la protection d'un tel monument, s'ajoutent les agressions des riverains, faisant d'un patrimoine d'une incommensurable valeur historique, une décharge. L'héritage de la civilisation romaine est non seulement squatté mais violé par des désœuvrés sans loi ni foi. N'ayant épargné aucun centimètre de l'antique Sitifis, le béton a, quant à lui, assigné un coup mortel, au caveau. Lequel est «cerné» pour ne par dire «agressé» par des dizaines de constructions à usage d'habitation. Signifiant clairement qu'on ne doit pas construire dans un périmètre de plus de 200 m de chaque monument historique, l'article 17 de la loi 04/98 datant du 15 juin 1998 est foulé aux pieds. La situation de ce témoin d'une histoire millénaire offusque aussi bien les initiés que le citoyen lambda. «A l'instar d'autres monuments de la ville et de toute la wilaya, le tombeau de Scipion agonise. Le coma perdure depuis de longue date. Nos richesses historiques et archéologiques feraient pâlir de jalousie les plus grands Tours Operators touristiques de la planète. Des sites de ce genre feraient partie d'une industrie touristique des plus développées. Un monument comme celui-là serait une importante source financière pour la collectivité. Malheureusement, le site est livré aux vandales des temps modernes», soulignent non sans une forte émotion des archéologues de la ville. Ayant gros sur le cœur, nos interlocuteurs enchaînent : «En matière de vestiges de civilisations anciennes, l'Algérie est parmi les pays les plus riches. Néanmoins, la conservation de ces sites est non seulement aléatoire mais inexistante.» Pour connaître, l'autre son de cloche, on a essayé de joindre, le premier responsable de l'Office de gestion des bien culturels protégés (OGBC) qui n'a pas jugé utile de répondre à nos sollicitations. Outrés, des citoyens s'offusquent : «Scipion comme Aïn Fouara fait partie du patrimoine archéologique et historique national. Le laisser à l'abandon serait criminel», tonnent des Sétifiens s'expliquant mal, la manière de faire des services du ministère de la Culture ne faisant rien pour redorer le blason de cette inestimable richesse. Pour rappel, Scipion est issue d'une grande famille qui a régné à Rome durant l'antiquité. Elle fut connue surtout lors des trois guerres puniques qui avaient opposé Carthage à Rome pendant deux siècles. Vers 216 avant J.-C., les troupes carthaginoises commandées par le général Hannibal Barca défont, à Cannes au sud de Rome, l'armée romaine, la plus grande puissance au monde de l'époque. La famille Scipion prépare alors une revanche contre Carthage en constituant une armée dirigée par le général romain Cornélius Scipion. L'armée d'Hannibal est vaincue par Scipion vers 202 avant J.-C. à Zama (près de Seliana en Tunisie). Cette victoire fut un tournant majeur dans l'histoire de l'Algérie, car c'est elle qui a ouvert la voie à la conquête romaine en Afrique du Nord. Les victoires de Scipion en Afrique du Nord et en Espagne contre Carthage lui ont valu le titre Scipio Africanus. Cependant, très peu de documents évoquent l'histoire de ce «tombeau» de Sétif. Toutefois, les documents d'histoire indiquent qu'il est décédé en Campanie, au Nord d'Italie vers 183 avant JC. D'autres sources énoncent que sa dépouille aurait été transférée à l'endroit où se trouve le tombeau. Ces hypothèses ne semblent pas exactes car la présence romaine dans la région date vers 98 après J.-C., c'est-à-dire plus de 250 ans après sa mort. Le tombeau de Scipion aurait été donc construit par les Romains de l'époque sitifis pour rendre hommage à leur général qui leur avait ouvert le chemin à la conquête de l'Afrique du Nord. L'histoire d'un tel guerrier doit donner à réfléchir et éveiller les consciences des responsables concernés…