*Après la récente guerre contre Ghaza, ses victimes et ses massacres, que reste-t-il au Hamas ? Est-il plus puissant ? Plus populaire ? Que signifie ce que Hamas proclame comme « sa victoire » ? Yahia Zoubir, professeur des relations internationales à l'université Euromed (Marseille) : Le Hamas est sorti renforcé de cette crise même si le prix est excessivement lourd. Mais voilà, Israël n'a pas atteint ses objectifs, il n'a pas détruit le Hamas, il n'a pas pu le séparer de la population qui, au contraire – vu le génocide commis par les Israéliens –, s'est mise du côté de la résistance. En plus, cette crise a démontré la lâcheté des pays arabes et le renforcement de l'axe Syrie-Iran aux côtés des Palestiniens. Un des objectifs israéliens que les Egyptiens ont compris en fermant l'accès du passage de Rafah : les attaques israéliennes visaient aussi à faire fuir les Ghazaouis hors de la bande pour mieux accaparer Ghaza. Bien sûr, Le Caire a également fermé Rafah pour d'autres considérations liées à ses propres intérêts. Durant cette agression, l'Egypte, l'Arabie Saoudite, la Jordanie et les pays occidentaux espéraient remettre en place le pouvoir de l'Autorité de Abbas, mais l'issue de l'agression a imposé le Hamas comme mouvement nationaliste de résistance, car la normalisation n'a rien donné : pas plus de droits obtenus pour les Palestiniens, plus de colonies, Ghaza transformée en immense prison, etc. On voit ainsi l'émergence d'acteurs non étatiques (comme le Hezbollah au Liban) et qui prennent de plus en plus d'ampleur. Mustapha Adib, directeur du Centre d'études stratégiques pour le Moyen-Orient (Tripoli-Liban) : De son propre point de vue, le Hamas a empêché le gouvernement Olmert et l'armée israélienne d'atteindre leur double objectif : changer la donne politique à Ghaza et faire cesser les tirs de roquettes (la donne militaire). Maintenant peut-on parler de « victoire » avec plus de 1300 morts et plus de 5000 blessés, les enfants victimes, etc. ? Or, il est incontestable que le Hamas soit sorti de cette guerre avec plus de popularité dans la rue palestinienne. Car quand on voit les images de ces enfants tués, on ne peut se mettre du côté anti-Hamas. D'ailleurs, si l'on organisait des élections, ce mouvement l'emportera certainement. On voit maintenant l'Autorité de Mahmoud Abbas qui tente de gagner la bataille diplomatique autour des budgets de reconstruction. Hamas, de son côté, a proposé une autorité indépendante pour gérer ces fonds : c'est devenu un important enjeu électoral. *Maintenant que les rapports de force semblent avoir changé au profit du Hamas, quel avenir politique attend la bande de Ghaza ? Le Hamas entendra-t-il les appels de Mahmoud Abbas pour former un gouvernement « d'entente nationale » ? Mustapha Adib : Tout dépendra des prochaines élections. Mais le Hamas n'est pas prêt à abandonner ses positions. Le représentant du mouvement à Beyrouth, Oussama Hamdan a déclaré dimanche que le Hamas va continuer à s'armer et à développer ses capacités militaires et qu'aucune force ne l'empêchera d'atteindre ses objectifs. Je reste pessimiste sur les chances de la réconciliation Hamas-Fatah. Yahia Zoubir : On va voir avec Obama et ce que feront également les Arabes. L'urgence est maintenant humanitaire. Il faut reconstruire. Les Arabes laissent les Palestiniens se faire massacrer puis viennent pour financer la reconstruction. Alors que, en principe, c'est l'agresseur qui indemnise, qui paie pour rebâtir ce qu'il a détruit ! Toutes les factions palestiniennes cherchent l'union, mais maintenant le Hamas peut dire au Fatah que ce n'est plus lui qui négocie au nom de tous. Les rapports de force ont changé. Lorsque l'opinion publique palestinienne voit les leaders du Hamas mourir avec leurs familles sans fuir Ghaza, c'est très marquant pour la rue palestinienne. Il est vrai que le Hamas a commis des erreurs, mais d'un autre côté, les gens du Fatah ne sont pas des enfants de chœur !