L'amélioration des prix du pétrole permettra-t-elle à terme d'inverser la courbe d'évolution des réserves officielles de change ? Pour l'expert en finances et ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Badreddine Nouioua, l'érosion des réserves en devises se poursuivra, tant que ne sera pas résorbé le déficit de la balance des paiements, ce qui est, selon lui, loin d'être acquis, au vu de l'ampleur de la facture des importations. Même avec un prix du baril de pétrole à 100 dollars, les équilibres macroéconomiques, nous explique-t-il, resteront toujours sujets à «des fluctuations catastrophiques», car le problème profond, estime-t-il, est que «les réserves de change sont mal gérées». Les avoirs en devises du pays, poursuit-il, «ont toujours été gérés comme des actifs dormants, qui profitent davantage aux banques et aux Trésors publics étrangers qu'au développement et à la diversification économique de l'Algérie». Même à l'époque où leur encours avoisinait les 200 milliards de dollars, «les réserves de change n'ont pas servi à développer le pays», relève notre interlocuteur, en soulignant que des pays disposant de réserves nettement plus faibles ont, au contraire, réussi à relancer leur économie. Dans le contexte actuel, ajoute-t-il, il est difficile de dire à quel niveau de prix de pétrole les réserves en devises cesseront de reculer, «mais si les dépenses d'importations, dont surtout celles des services, continuent à être aussi importantes, leur montant risque de chuter à zéro, avec toutes les contraintes financières extérieures que cela pourrait provoquer». Pour l'ancien gouverneur de la Banque centrale, il est aujourd'hui vital de mettre l'accent sur le financement de l'investissement afin de sortir de la dépendance à l'extérieur. Et pour ce faire, soutient-il, il serait opportun d'envisager «un recours à des financements extérieurs mesurés et contrôlés, en sollicitant des institutions où l'Algérie pourrait bénéficier de conditions avantageuses». A souligner que l'encours des réserves officielles de change, qui avoisinait les 200 milliards de dollars avant la crise pétrolière de 2014, a chuté à moins de 89 milliards de dollars à juin dernier, selon les chiffres publiés hier par la Banque centrale. Malgré la nette amélioration des prix du pétrole en 2018, le matelas des devises de l'Algérie s'est encore contracté de près de 9 milliards de dollars, rien qu'entre janvier et juin écoulés. Et si les déficits respectifs des balances commerciale et des paiements continuent à reculer ces quelques derniers mois, cette évolution n'est due qu'à l'amélioration des recettes de l'exportation des hydrocarbures, laquelle est induite par la hausse des cours du brent, dont le prix moyen sur les huit premiers mois de l'année en cours est calculé à quelque 71 dollars le baril, contre une moyenne de 51 dollars une année plus tôt. La facture d'importations, quant à elle, ne connaît que de très légères baisses, malgré tout l'arsenal de restrictions au commerce extérieur mis en place par le gouvernement ces quelques dernières années. Selon le dernier bilan établi par les services des Douanes, de janvier à août 2018, la facture globale des achats de l'Algérie à l'étranger a ainsi atteint plus de 30 milliards de dollars et risque donc fort de finir l'année à un niveau alarmant de plus de 45 milliards de dollars.