D'aucuns sont persuadés que la France aura son mot à dire dans la prochaine présidentielle qui devrait se tenir au printemps 2019. Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, ce ne sont là que pures élucubrations. A en croire des sources diplomatiques françaises avec lesquelles nous avons échangé à Paris, en compagnie de nombreux confrères de la presse nationale dans le cadre d'un programme du ministère français des Affaires étrangères, la France n'a aucunement l'intention de peser sur le prochain scrutin dont l'un des enjeux est la succession du président Bouteflika ou sa reconduction pour un 5e mandat dans un contexte où le chef de l'Etat est fortement diminué. «On ne soutient pas de mandat, comme on ne soutient pas de candidat. On ne prend de position sur aucune élection d'aucun pays étranger, fût-il aussi proche que l'Algérie. Cela relève (du choix) des Algériens», ont tenu à préciser nos sources. Le plus important, de leur point de vue, «c'est la stabilité de l'Algérie et la volonté que nous avons de continuer à entretenir un dialogue politique, nourri, de très haut niveau, avec les autorités algériennes. Et que ce dialogue se traduise ensuite par une plus forte intensité de nos relations économiques, culturelles, linguistiques… Et que cela permette aussi à nos deux pays, à nos deux sociétés, en général, et à la communauté franco-algérienne en particulier, de vivre en paix, en liberté, et avec des échanges qui soient continus et réguliers». Et de répéter : «Mais on ne peut pas prendre position. On suit évidemment la situation en Algérie avec intérêt, mais c'est aux Algériens de définir ensemble la préparation des élections, les candidats, les programmes, les propositions qui seront faites au peuple algérien.» Nos sources sont formelles : «On ne pense pas que cette position va changer dans les mois qui viennent. On ne va pas faire d'ingérence et on ne va pas faire de commentaire sur la vie politique algérienne.» Quid de l'impact des récentes déclarations de l'ancien ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet ? «Il n'y a aucun rapport entre les déclarations de M. Bajolet et les autorités françaises», tranchent nos interlocuteurs qui insistent pour dire que «cela ne reflète aucunement ce qu'on connaît ici sur les relations franco-algériennes». «En France, il y a un principe important qui s'appelle le devoir de réserve», rappellent-ils, avant d'ajouter : «Et M. Bajolet, jeune retraité actif, compte tenu des fonctions éminentes qu'il a exercées (…), devrait de lui-même s'appliquer ce devoir de réserve.» Nos sources préfèrent donc dédramatiser. «Ce ne sont que des commentaires personnels», tempèrent-elles. «On n'en fait pas une affaire plus que ça. Il y aura encore du temps avant les élections en Algérie et on ne voit aucune conséquence entre ces déclarations et la suite des élections présidentielles ou sur l'avenir des relations entre la France et l'Algérie. Comme vous le savez, il y a beaucoup de commentaires qui sont faits de part et d'autre de la Méditerranée, sur la relation franco-algérienne (…). A la limite, c'est bien, cela voudrait dire que la relation est forte.» «C'est un choix algérien» Pour rappel, dans une interview accordée au Figaro et parue le 20 septembre dernier, Bernard Bajolet, en pleine promotion de son livre Le soleil ne se lève plus à l'Est – Mémoires d'Orient d'un ambassadeur peu diplomate (Plon), avait déclaré : «Le président Bouteflika, avec tout le respect que j'éprouve pour lui, est maintenu en vie artificiellement.» L'ancien patron de la DGSE en remet une couche quelques jours plus tard en déclarant au Nouvel Obs : «Soyons clair, je souhaite longue vie au président Bouteflika : je ne suggère donc pas qu'on le débranche.» Il renchérit : «Mais cette momification du pouvoir algérien sert certains groupes qui, ainsi, se maintiennent au sommet et espèrent continuer à se maintenir et à s'enrichir.» Autant dire un véritable pavé dans la mare presque de même calibre que les fameux câbles WikiLeaks et leurs télégrammes peu diplomatiques. La sortie de Bernard Bajolet a obligé l'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, à clarifier les choses. «Bernard Bajolet, c'est Bernard Bajolet. Il s'exprime à titre personnel, il n'engage en aucun cas, je dis bien en aucun cas, le gouvernement, le président et l'administration française», a-t-il précisé, selon des propos rapportés par TSA. Nos interlocuteurs à Paris abondent dans le même sens. Pour eux, «compte tenu de l'émotion que cela a suscité au sein d'un certain cercle», il était naturel qu'il y ait une réaction. «Maintenant, c'est fini, l'affaire est close», rassurent-ils. Rappelant les grands principes qui guident Emmanuel Macron dans sa relation avec l'Algérie, ils affirment : «L'Algérie est au cœur de ses priorités.» Le successeur de François Hollande, poursuivent-ils, considère que l'Algérie est un partenaire-clé sur le plan économique mais également sur le plan humain, eu égard «aux nombreux Français qui ont la double nationalité». Pour E. Macron, la relation entre Alger et Paris constitue un «enjeu européen par son ancrage et son arrimage entre l'Europe et l'Afrique». Il faut donc «s'appuyer sur cette relation très forte», soulignent nos sources en rappelant les positions exprimées par Emmanuel Macron, lors de sa visite à Alger en février 2017 en tant que candidat. Il avait, on s'en souvient, qualifié le colonialisme de «crime contre l'humanité». Le 13 septembre dernier, il a eu ce geste fort pour la mémoire de Maurice Audin en reconnaissant que ce dernier, qui a été arrêté le 11 juin 1957, est «mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France». Pour revenir à l'échéance électorale de 2019, l'issue de la prochaine présidentielle ne changera rien à la nature de la relation algéro-française qui demeure une «relation fondamentale», estiment nos sources. Et le bulletin de santé du président Bouteflika ne semble pas si déterminant à leurs yeux. «Pour nous, la question ne se pose pas en ces termes. C'est un choix algérien», arguent-elles. «Ce qu'on constate aujourd'hui, c'est que les relations sont très bonnes, que le dialogue existe. On a bien identifié les sujets sur lesquels on doit travailler ensemble, et il faut poursuivre les efforts de part et d'autre pour les faire avancer.» Parmi les sujets prioritaires : la coopération économique, l'énergie, l'éducation, la formation, la circulation des personnes ou encore la coopération sécuritaire. Rappelons qu'un certain nombre de ces dossiers sont suivis dans le cadre du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) et ont donné d'ores et déjà lieu à la conclusion d'accords stratégiques. Il y a aussi le Cofema, le Comité mixte économique franco-algérien, qui «réunit régulièrement les ministres chargés des Affaires étrangères et de l'Economie de chaque pays» pour dynamiser le partenariat économique entre les deux rives. «Ce qu'on souhaite, c'est que quelle que soit l'issue des élections, ce climat-là se poursuive» et que la relation «s'approfondisse», espèrent nos interlocuteurs en insistant : «Il n'y a pas d'interrogation ou de spéculation sur l'avenir par rapport à l'impact que cela (la présidentielle, ndlr) peut avoir sur la relation franco-algérienne.»