La 9e édition du Festival international du théâtre de Béjaïa (FITB) a démarré dans la soirée de dimanche dernier dans la sobriété, contrastant fortement avec l'ambiance festive des éditions précédentes. Le seul côté festif de cette fois-ci a résidé dans les rythmes du bendir et des cymbalettes d'un tambourin d'une troupe féminine de musique traditionnelle, dans la pure tradition des chants des femmes kabyles, dont la défunte Cherifa a été un porte-flambeau. La cérémonie d'ouverture, sans fards, a été marquée par la présence des officiels et l'absence de la grosse foule qui a pris l'habitude d'encombrer le hall du Théâtre régional Abdelmalek Bouguermouh (TRB). Le principe de l'entrée payante, annoncé par le commissaire du festival, Slimane Benaïssa, n'a pas été appliqué, mais le changement d'horaire de la représentation théâtrale de la soirée, avancée d'une heure, a pris à contre-pied une partie des absents. Au programme de l'inauguration, la pièce du théâtre de Skikda, Mabkat Hadra, premier prix du Festival national du théâtre, a fait défaut. Pour un problème de contrat arrivé à terme, la troupe n'a pu se reconstituer. Le commissariat du FITB s'est rabattu sur une pièce qui a fait les beaux jours du TRB, Hzam El Ghoula. Mise en scène en 1989 par Abdelmalek Bouguermouh, Hzam El Ghoula est une tragi-comédie qui a été savamment retouchée par le metteur en scène et comédien Mouhoub Latreche, qui y joue un rôle. Dans l'espace exigu d'une chambre, qui sent le dénuement et traversée par une tuyauterie encombrante d'une cave, deux étudiants entreprennent d'aménager de la place pour leurs fraîches épouses. Brahim et Aïssa se sont mariés en cachette l'un de l'autre. Mais comment le dire, l'annoncer et se faire accepter dans leur pauvre réduit. En même temps qu'elle pose le problème classique du logement, la pièce enlace une problématique beaucoup plus profonde et complexe, celle de la difficile cohabitation, à laquelle se greffe un ensemble de sujets d'ordre social, politique et existentiel. Des projets de société s'affrontent entre deux couples qui tentent de s'accepter avec leurs idées divergentes et leurs aspirations contradictoires. L'amitié de Brahim et Aïssa ne pèse pas sur les lourds conflits qui naissent. Aïssa a l'esprit révolutionnaire des prolétaires, complètement en contradiction avec ce qu'est sa femme Djamila, une jeune femme élevée dans l'opulence et l'aisance de son père bourgeois. Entre le prolétariat et la bourgeoisie, il y a un fossé historique, mais l'amour aveugle et la jeunesse de «Aïssous» et Djamila en ont fait l'impasse pour un temps. Brahim et Nadia forme un autre couple des impossibles. Lui est noyé dans la religion et la charia, elle, est engagée dans le combat pour l'émancipation. Deux mondes qui ne vont pas de pair, que tout sépare. Quatre personnages, une chambre et mille et une étincelles, ce mariage risqué est présenté dans l'agréable moule de l'humour mordant qui nous renvoie l'image riante de notre réalité. La religion décline son omniprésence et son irruption par une de ses expressions matérielles qu'est un tapis de prière. Un bout d'osier a suffi pour traduire amplement le caractère tragique du sacré et de l'intolérance : Brahim veut une place pour son tapis de prière. Le propriétaire des lieux intervient pour faire adopter un règlement intérieur qui pourrait symboliser la Constitution d'un pays. La petite pièce et ses tuyaux qui fuient sont la représentation en miniature d'un Etat avec ses frontières internes imaginaires qu'imposent les différentes expressions du rejet de l'autre.