«C'était un génie. Et s'il était encore en vie, on lui aurait consacré le même hommage. Il reste un grand Monsieur du théâtre. Il force encore le respect», a déclaré l'actuel directeur du théâtre, M.Omar Fatmouche. Le Théâtre régional de Béjaïa a rendu mercredi un hommage appuyé à son ancien directeur, Abdelmalek Bouguermouh, ravi à la vie, il y a exactement 20 ans, jour pour jour, dans un tragique accident de la route. L'exposition retraçant sa vie et son oeuvre, témoignages de sa famille, ses amis et ses collaborateurs, documentaires sur l'homme et sa passion, sont autant de pauses choisies pour rallumer la flamme et entretenir le souvenir de celui qui a marqué de son empreinte le renouveau de la scène, pas seulement dans la wilaya, mais dans le pays entier. «C'était un génie. Et s'il était encore en vie, on lui aurait consacré le même hommage. Il reste un grand Monsieur du théâtre. Il force encore le respect», a simplement dit de lui un de ses fidèles collaborateurs, l'actuel directeur du théâtre et metteur en scène, M.Omar Fatmouche. «En quête permanente de perfection, il n'était jamais content de son travail», a ajouté M.Fatmouche. Ce constat est également partagé par le comédien Hakim Dekkar qui estime devoir la réussite de sa carrière à Abdelmalek dont il continue à éprouver les conseils. «Un tantinet caractériel, il (Bouguermouh) me poussait jusqu'à mes dernières limites. Si bien, que souvent j'ai eu envie de faire la malle. Mais rapidement, je me ravisais, réalisant qu'il le faisait dans mon intérêt et de plus, il prenait toujours le temps de s'en expliquer. Au fond, c'était un coeur tendre. Il nous manque beaucoup.» Infatigable, exigeant, Abdelmalek a forgé son tempérament de feu pendant sa formation en ex-Urss (1968-1973) où il étudia au prestigieux Institut du théâtre de Moscou, le Gitis, sous la houlette d'un professeur émérite, M.Gontcherov, un éminent metteur en scène. Pendant cinq ans, il s'est investi corps et âme, apprenant et fréquentant d'illustres théâtres, dont celui de Mïakovski. «Aussi, à son retour au pays, il ne pouvait évoluer autrement sinon que de reproduire la puissance et la rigueur auxquelles il était confronté», a rapporté Omar Fatmouche. Seulement, «faute de réelle opportunité, en relation avec le contexte culturel qui prévalait en Algérie, il a dû faire du sur-place, et vivre une traversée du désert qui aura durée, près d'une douzaine d'années». C'est au Centre culturel d'Alger, en 1975, dirigeant un modeste atelier dramatique qu'il signa sa première oeuvre, une satire des Frères Grimm, transformée en conte pour enfant, auréolée d'un prix au 15e Festival du théâtre pour enfant, à Sibinik, en Yougoslavie. En 1978, il monte pour le compte de la télévision, son premier spectacle, intitulé El Mahgour, une adaptation d'une pièce de S.Benaïssa, suivi d'une autre oeuvre en 1986, Tariq Essaâda. En fait, ce n'est qu'à son arrivée à Béjaïa qu'il donna pleine mesure à son talent en montant, coup sur coup, deux pièces à succès, Hzam El Ghoula et R'djel Ya Hlalef. Malheureusement, alors qu'il était en plein filage de la dernière pièce, il a tiré sa révérence dans un accident de voiture alors qu'il revenait d'Alger avec la comédienne Lynda. Grâce au courage de ses comédiens, la pièce a été quand même jouée et obtenu un succès retentissant. Aussi, l'occasion de cet hommage, qui a vu la participation de toute sa famille, son épouse, sa fille et son fils ainsi que son frère, le cinéaste Abderrahmane, les comédiens qu'il a encadrés ou qu'il a aidés à mettre le pied à l'étrier, des anonymes qui l'ont fréquenté, a donné l'opportunité à tous, d'appuyer l'idée du renfilage de R'djel Ya Hlalef. Le projet, selon Fatmouche, «ne saurait aller au-delà de la fin de l'année». Emue par les témoignages poignants apportés par tous, Mme Bouguermouh, étant complètement investie de la préservation de cette flamme théâtrale que son mari à insufflée, a décidé de remettre au TRB qui porte désormais le nom de son mari, tous ses fonds documentaires, notamment ses livres et ses revues, soit quelque 400 unités, tous traitant du théâtre. Cet hommage, étalé sur trois jours, sera par ailleurs ponctué par le déroulement de plusieurs pièces, notamment Les vigiles de Tahar Djaout, et le Foehn de Mouloud Mammeri, qui sont autant de clins d'oeil hommages à leurs auteurs, également disparus.