Le prince héritier MBS et le roi Salmane ont jusque-là nié avoir connaissance du sort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. La version des autorités saoudiennes est néanmoins remise en cause par l'enquête menée par la police turque, qui tend à prouver que l'assassinat de Khashoggi a été commandité par des personnalités saoudiennes haut placées. De nombreux médias américains, dont le New York Times, ont affirmé hier que les responsables de la disparition de Jamal Khashoggi appartiennent à l'entourage du prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS), confirmant ainsi l'implication de la famille royale dans cette sordide affaire. Le journal américain, qui publie plusieurs photos pour appuyer ses dires, soutient que parmi ces responsables figure Maher Abdulaziz Mutreb, qui a notamment accompagné le prince lors de déplacements aux Etats-Unis, en mars 2018, ainsi qu'à Madrid et à Paris, en avril 2018. Les autorités turques ont aussi diffusé une photo de lui arrivant à l'aéroport d'Istanbul. Le New York Times ajoute que trois autres suspects – qu'il identifie comme Abdulaziz Mohammed Al Hawsawi, Thaar Ghaleb Al Harbi et Muhammed Saad Alzahrani – ont été liés, par des témoins ou d'autres sources, aux services de sécurité attachés au prince de 33 ans. Et un cinquième homme, un médecin légiste identifié comme Salah Al Tubaigy, a occupé des postes à hautes responsabilités au ministère saoudien de l'Intérieur et dans le secteur médical saoudien, poursuit le journal, soulignant qu'«un personnage de cette stature ne pourrait être dirigé que par une autorité saoudienne de haut rang». Le quotidien affirme avoir confirmé par lui-même qu'«au moins neuf des quinze (suspects) ont travaillé pour les services saoudiens de sécurité, l'armée ou d'autres ministères». Le Washington Post estime, pour sa part, que 11 des 15 suspects saoudiens mentionnés par les autorités turques ont des liens avec les services de sécurité saoudiens. Pour le New York Times, la position des suspects au sein du gouvernement saoudien et les liens de plusieurs d'entre eux avec le prince héritier «pourraient rendre beaucoup plus difficile de l'absoudre de toute responsabilité» dans la disparition de Jamal Khashoggi. «Et la présence d'un médecin légiste spécialisé dans les autopsies suggère que l'opération pourrait avoir été préparée avec un objectif fatal depuis le début», relève le journal. Selon le Washington Post, Ankara a dit aux Etats-Unis détenir des enregistrements audio et vidéo montrant comment Jamal Khashoggi a été «interrogé, torturé puis tué» à l'intérieur du consulat, avant que son corps ne soit démembré. Ce n'est pas tout. De nouvelles révélations sur la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, probablement assassiné dans le consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre, sont apparues hier. Le quotidien turc Yeni Safak et le site Middle East Eye livrent des détails sordides autour de sa mort. Se basant sur des enregistrements sonores, le journal raconte que l'éditorialiste critique aurait été torturé pendant un interrogatoire au cours duquel il a eu plusieurs doigts coupés. L'homme a ensuite été décapité avant que son corps ne soit démembré par des agents saoudiens à l'intérieur du consulat. La voix du consul saoudien Mohammad Al Otaibi serait audible sur l'un des enregistrements. «Faites ça dehors, vous allez m'attirer des problèmes», aurait-il dit. Ce à quoi un individu non identifié lui aurait répondu : «Si tu veux vivre quand tu reviens en Arabie Saoudite, tais-toi». Mohammad Al Otaibi a quitté la Turquie mardi. Des médias américains avaient rapporté, lundi soir, que l'Arabie Saoudite envisageait de reconnaître que le journaliste de 59 ans était mort lors d'un interrogatoire qui aurait mal tourné au consulat. Selon CNN, citant deux sources anonymes, Riyad préparerait un rapport tentant de minimiser son implication dans la disparition du collaborateur de Washington Post. Le rapport, a avancé l'une de ces sources, conclurait que l'opération a été menée «sans autorisation ni transparence» et que «les personnes impliquées seront tenues pour responsables». Mais avec les nouvelles révélations qui viennent d'être rendues publiques, il sera difficile pour MBS de soutenir une telle version.