Ounès B., de nationalité algérienne, vit en France depuis vingt ans. Marié, père d'une fille de treize ans, il vient de purger une peine de douze ans de prison ferme suite à un acte irréparable commis sur son épouse en 1996. En 2004, alors qu'il était incarcéré à la prison centrale de Toulouse, les autorités pénitentiaires l'informent d'une proposition d'expulsion vers l'Algérie. En récompense, il aura une remise de peine de quatre ans. Ounès refuse ce marchandage. Il préfère accomplir la totalité de la peine et ne pas être expulsé. Il ne veut pas abandonner sa fille qu'il n'a pas vue depuis les premiers mois de sa naissance. Elle lui envoie régulièrement ses bulletins scolaires, ses photos et des lettres pleines d'espoir et d'émotion. Ce lien unique avec le monde extérieur a permis au vieux prisonnier de puiser la force de surmonter toutes les dures épreuves du monde carcéral. A son arrestation, il était en situation régulière sur le territoire français. Il pouvait donc espérer trouver un petit job à sa libération. Il a 55 ans. Ce refus de quitter la France fait réagir les autorités judiciaires et pénitentiaires avec un durcissement du traitement en vue de le briser dans sa volonté de résister psychologiquement. Ounès est muté de Toulouse, où il avait ses repères. Il passe ses quatre dernières années au Val-de-Reuil de sinistre réputation avec un régime de vie plus austère. Il est malade et les soins tardent à se mettre en place. Son état s'aggrave. Il est invalidé à 80% pour une sévère affection cardiovasculaire. Malgré tout, il finit sa peine totalement et se considère comme ayant soldé sa dette envers la société. Le 28 janvier 2009, il est sortant. Ce jour qu'il attendait depuis si longtemps se transforme en instants de cauchemar. Ounès est menotté et embarqué sans ménagement à quatre heures du matin dans un fourgon de police à destination de l'aéroport d'Orly. Il ne s'attendait pas à l'application de la double peine. Il ne verra pas sa fille. On lui retire sa carte de séjour périmée. Il devient un « sans-papiers » officiel, donc sans droits. Ce comité d'accueil musclé est missionné pour une expulsion sur la base d'un arrêté que le destinataire lira juste avant son embarquement... Ce stratagème juridico-administratif illégal assure l'absence de défense et de recours. Son avocat ne peut engager aucune action. Dans le froid matinal de l'aéroport où il attend le prochain vol pour Béjaïa, le supplicié se sent mal. Sa poitrine est compressée. Les douleurs sont intenses avec des sensations qui envahissent le bras gauche. Dans un état critique, il est orienté en urgence vers l'hôpital de Créteil puis à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis où il est dirigé vers le bloc opératoire. Quarante-huit heures après le choc de l'anesthésie, Ounès ouvre les yeux. Il est perfusé et branché aux appareils. Son cœur bat. Il respire sans assistance. Tout va bien ? Non. Le médecin qui assiste à ce beau retour à la vie se penche tristement sur son malade et lui annonce la mauvaise nouvelle : la police va débarquer au service incessamment pour l'expulsion… Alors, comme un loup pris au piège, le malade réunit ses dernières forces pour se débrancher dans une quête de survie. Deux infirmières, qui assistent à la triste scène, pleurent à chaudes larmes. Le malade s'en va lentement vers la sortie laissant derrière lui une traînée de sang. Il a disparu. Cet acharnement, qui n'est pas un cas particulier dans la France d'aujourd'hui, illustre les dessous à peine cachés de la terrible réalité du programme de rafle générale initié par le ministère de l'Immigration que dirige désormais Eric Besson depuis le 15 janvier. Les méthodes inspirées de Vichy en termes de nettoyage ethnique et de pureté raciale ont cristallisé la colère des défenseurs des droits de l'homme. La machine infernale mise en route par Brice Hortefeux a pour mission de capter un électorat qui ne cherche même plus à dissimuler son penchant national socialiste. Du reste, c'est bien à Vichy que la conférence européenne sur l'immigration s'est tenue en novembre dernier. Un hasard ?