En visite pour la première fois en Algérie, le sénateur américain démocrate Russel Feingold (Etat du Wisconsin) estime que les deux pays ont « une opportunité historique » pour « mieux se connaître ». Il a, à l'occasion d'une rencontre hier avec la presse au siège de l'ambassade des Etats-Unis à Alger, fait un aveu, rare dans les circuits diplomatiques. « Nous n'avons pas accordé de l'intérêt que l'Algérie aurait dû avoir. Le moment est venu de renverser cette tendance », a-t-il dit. Il a plaidé pour un suivi plus soutenu des visites des officiels américains en Algérie et pour « le renforcement constant » des relations entre l'Algérie et les Etats-Unis. « Nos pays doivent travailler ensemble en harmonie sur des questions importantes telles que les grandes initiatives politiques et diplomatiques », a-t-il appuyé avant d'ajouter : « J'admire la capacité de l'Algérie d'être le chef de file dans différents domaines. » Russel Feingold, qui est membre de la commission des affaires étrangères du Sénat, a cité l'exemple de la lutte contre le terrorisme. Feingold est de ceux qui œuvrent pour « une meilleure compréhension » du monde islamique et de l'Afrique pour lutter contre la violence de type terroriste. Ce n'est pas par hasard qu'il visitera, après l'Algérie, le Mali et le Tchad. « Une chose importante qui, à mon avis, devrait être faite par les citoyens et les responsables américains, à travers le monde, y compris en Algérie, est d'écouter les différentes voix qui s'élèvent. Nous devons faire cela particulièrement dans le monde musulman pour mieux comprendre comment notre politique est perçue », a-t-il soutenu. Cette action de « public diplomacy », devenue nécessaire après les attentats du 11 septembre 2001 et l'occupation de l'Irak, s'accompagne, pour ce sénateur diplômé des universités de Harvard et d'Oxford, de la nécessité de préserver les droits humains et les libertés. C'est simple, Feingold est le seul sénateur américain à avoir voté contre le fameux Patriot Act, texte d'un caractère répressif imposé par l'Administration Bush après le 11 septembre 2001 pour prévenir les actes terroristes. « Je suis contre certaines dispositions qui autorisent le gouvernement à fouiller les maisons sans avoir une preuve que les personnes concernées avaient un comportement délictueux », a-t-il expliqué. Lors de la campagne sénatoriale de novembre 2004, il fait l'objet de spots télévisés agressifs de la part des républicains. « Ils ont dit que j'étais faible », a-t-il dit. N'empêche, Feingold a réussi à se faire réélire au Sénat. Avec ses interlocuteurs algériens, il a abordé la question des droits humains et « la nécessité de les respecter même en période de lutte contre le terrorisme ». « Nous souhaitons que la société puisse se développer dans un milieu où règnent la confiance, la démocratie et le progrès », a-t-il plaidé. Reçu par le chef du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères, les présidents de l'APN et du Conseil de la nation ainsi que des membres de la société civile, le sénateur a discuté aussi de la liberté de la presse et de la lutte contre la corruption. « J'ai consacré la majeure partie de mon temps au niveau du Sénat à être chef de file de la lutte anticorruption », a-t-il expliqué. A ses yeux, la lutte contre ce fléau est « importante » pour l'avenir de l'Algérie. « J'ai entendu dire par les membres du gouvernement, les hauts fonctionnaires et des membres de la société civile leur préoccupation devant le niveau atteint par la corruption en Algérie (...). Le chef du gouvernement a exprimé clairement que c'était juste de lutter contre la corruption, mais cela devait se faire pour développer l'économie », a-t-il dit. Des milieux d'affaires américains reprochent à l'Algérie, sans le dire publiquement, la propagation « phénoménale » de la corruption, la persistance de la bureaucratie et la faiblesse du système bancaire. Freins, à leurs yeux, au développement de l'investissement. Pour rappel, la corruption en Algérie a fait l'objet récemment de rapports accablants de la Banque mondiale et de Transparency International, ONG basée à Berlin. « D'après mon expérience au Sénat, j'ai constaté que les pays qui traitaient le problème de la corruption (...) permettaient la promotion de l'investissement étranger et le développement de flux de capitaux », a souligné Feingold. Le sénateur, qui n'a pas rencontré les partis algériens, a eu des entretiens hier avec le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia. Celui-ci a, selon un communiqué repris par l'APS, souligné la volonté de l'Algérie de « développer encore davantage » les liens entre l'Algérie et les Etats-Unis « dans l'intérêt mutuel des deux pays ».