L'installation du chantier des travaux tant attendus sur la légendaire place du 1er Novembre où des ouvriers ont commencé déjà à défaire les pourtours en béton entourant les gros platanes vient enfin d'être engagée. Il s'agit d'une opération de réhabilitation et d'embellissement de cette place publique, dit-on, si chère au cœur des autochtones, en particulier les anciennes générations de l'époque coloniale. Cet espace est un patrimoine symbolique d'une valeur inestimable, du fait qu'il a été reconquis grâce au sacrifice et à la bravoure de valeureux martyrs tombés au champ d'honneur. Après cette triste époque coloniale, l'endroit a pris la date mémorable du déclenchement de la lutte armée du 1er Novembre pour qu'il reste gravé à jamais dans la mémoire des générations montantes. Des hommes de culture, du 4e art, du 7e art, des écrivains, des poètes, des musiciens, des sportifs de talent … ont peuplé ces endroits si sympathiques. Ils se retrouvaient quotidiennement sur ces belles terrasses de café, où les chaises et les tables étaient arrangées impeccablement et bien entretenues par des serveurs vêtus d'un tablier d'une blancheur éclatante et autour du bras gauche une serviette pendante. Selon des témoignages de quelques vieux citadins, la jeunesse de cette époque vivait comme une grande famille qui se rassemblait dans ces lieux devenus mythiques pour s'épanouir, réfléchir et débattre de l'actualité autour d'une table cordiale bien garnie. Aussi, des soirées musicales de chants chaâbis, animées par des orchestres locaux, se produisaient sur le pittoresque et fantastique kiosque à musique se dressant au milieu de l'esplanade, où sa porte en fer forgé garde encore la date de sa réalisation, en 1864. Aujourd'hui, tout ce beau monde qui gravitait autour de cette belle placette et son espace verdoyant fleuri a disparu au fil du temps à cause des négligences coupables et du laisser-faire des responsables locaux. La jeunesse médéenne, qui avait contribué énormément à l'essor culturel, sportif et musical de la ville millénaire durant cette période, s'est évaporée dans la nature, ne laissant aucune trace pour la relève. Ces terrasses qui meublaient et faisaient le charme de la place Foughania, pour les nostalgiques, ont disparu. «On dirait qu'un tsunami a frappé ces endroits, laissant place à des vendeurs occasionnels, des marchands de figuesde Barbarie, des charlatans de tous bords et des joueurs de bâtons offrant des combats spectaculaires violents à de nombreux badauds», regrette un ancien habitué des lieux. Dans la soirée, c'est la mauvaise fréquentation autour des jeunes vendeurs de gadgets asiatiques et de téléphones portables qui envahissent à leur tour ces lieux devenus un dépotoir d'ordures pour les commerçants avoisinants. Les vieux de Médéa, de retour dans la ville qui les a vu naître et grandir, aiment visiter cet endroit symbolique de leur adolescence pour d'éventuelles retrouvailles entre amis d'enfance et se rappeler du bon vieux temps. Mais surpris, ils repartent déçus et le cœur serré, ne reconnaissant plus personne au milieu de ce décor d'une clochardisation ahurissante d'un espace si symbolique, vitrine de la cité antique. Devant cette situation de fait, par quel prétexte peut-on justifier ce viol collectif d'un tel espace à forte connotation historique au profit d'une catégorie de gens pour qui ne compte que le gain d'argent, en violation des règles du bon sens et de l'esthétique de la cité ?