Le roman Balak dont l'acception peut signifier : attention ou peut-être, s'ouvre sur une citation de Pythagore : «Dieu a tiré la Terre du Néant comme il a tiré le un du zéro pour créer la multitude.» Chawki Amari signe un nouveau livre inattendu et iconoclaste. Tant par sa fraîcheur que par son actualité bien que fictive. Mais dans une Algérie actuelle. Tout en forçant le trait. Tout en tutoyant la chance, la providence, la veine, le destin, la fortune ou l'infortune du pot. Où le quantique le dispute à l'aléatoire, l'improbable au l'improviste, l'hypothétique à l'avéré, l'illogique au certain. Entre éventualité et assertion. Entre l'effet «big bang» et superstition. Entre vérité générale et croyances. Chance et sort. C'est que Chawki Amari est déroutant. D'où le questionnement : «Un être humain, de surcroît algérien, peut domestiquer, contrôler, voire anticiper le hasard…?» Mystère… L'étymologie du mot hasard est arabe «zahr» signifiant à l'origine «dés» et ayant pris la signification de «chance». Par extension, l'acception du mot «hasard» et «hazard», en anglais, veut dire : danger. Les Zahiroune, les Ghadiboune, les Zemiatis, les Chechnaquis… L'auteur Chawki Amari évolue crescendo et puis ça va très vite. Une célérité livresque, cursive, haletante semant le doute. Une course contre la montre. Car ce roman a une ponctuation, une ponctualité. Un compte à rebours… J-43. Que va-t-il se passer le jour J. Le D-day ! Un débarquement anachronique, un embarquement immédiat… Une histoire d'amour qui se construit au hasard. Comme par hasard à Alger dans un bus. Et non pas un tramway (nommé désir). Balak, le héros éponyme, la débrouillarde incarnée, et Lydia, elle aussi, a oublié d'être une potiche, une ingénue. L'histoire d'amour de deux trentenaires. Leurs chemins et surtout leurs regards, de braise, se sont croisés. Une sorte de conte urbain, selon le schéma de Propp, avec sa situation initiale, ses adjuvants et opposants et puis, le rééquilibre, ou le happy ending. Quoique comme dit Catherine Ringer des Rita Mitsouko : «Les histoires d'amour finissent mal en général.» Dans un univers apocalyptique, à Alger, des sectes ne faisant pas dans la scientologie, pullulent, décuplent, fourmillent. Elles se font appeler les Zahiroune dont Balak est un fervent adepte, les Ghadiboune, les Zemiatis, les Aguris, les Chechnaquis, les Tabis'is mouchrikine, les Iliis, les Ammoniens, les Wahhabites (avec deux h), les Ibadites… A chacun sa prophétie, sa «fatwa», son code, sa norme, sa vérité… D'où l'existence d'une direction des sectes au niveau du ministère de l'Intérieur. Une révolution qui se bruisse ou bien c'est de la paranoïa… Le pouvoir peut changer de main… heureuse. «La secte Wahabia a réussi parce qu'il y a une puissance derrière…» Commentant son nouveau roman Balak, Chawki Amari a indiqué : «C'est un livre sur le hasard. Le hasard, c'est la fleur, c'est Vénus. La face du dé. Qui a inventé le jeu ? Une grande énigme. Qui a inventé le hasard ? Dure question ? Le hasard, c'est quelque chose qui est visiblement prédestiné à l'invention du sacré. Les gens ont commencé à prier Dieu en voyant des phénomènes aléatoires. Incendie, tremblement de terre…Donc, ils étaient obligés d'inventer des Dieux à l'époque… Il y a un million ou deux millions d'années. Pour justifier que quelqu'un joue au dé. Le hasard et Dieu, qui contrôle l'autre…Bien sûr, c'est de l'hérésie. Dieu est unique. C'est une histoire d'amour entre deux jeunes, Balak et Lydia, qui se rencontrent par hasard. Mais pas vraiment par hasard. Mais Balak est dans la secte des Zahiroune, les adorateurs du hasard, la chance. Pour réussir à un examen, par exemple, ils se disent : implorer Dieu ou le hasard ? En fait, ils jouent sur cela. Ce n'est pas un livre politique. On croit que l'islam est monobloc. Mais en fait, il y existe tellement de courants. Quelle est la différence entre les sectes légales et celles illégales ? La secte Wahabia n'est pas légale. Mais comme il y a une puissance derrière… Une secte qui a réussi…».