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Scrutin présidentiel d'Avril 2019 : Les oligarques s'impliquent
Publié dans El Watan le 05 - 11 - 2018

Les hommes d'affaires algériens adhérents au Forum des chefs d'entreprises viennent d'annoncer leur ralliement au front populaire, cette association de partis politiques et organisations non gouvernementales, appelées à soutenir la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat présidentiel.
Il faut donc se préparer à assister à un remake de soutien au Président en poste, formulé selon les mêmes termes que pour le quatrième mandat et, à peu près, dans la même ambiance festive, cachant mal un forcing commandité du plus haut de la hiérarchie des faiseurs de rois.
Le soutien de cette classe sociale apparue à l'aune de la démonopolisation du commerce extérieur des années 80, à la faveur de laquelle elle s'est considérablement développée et enrichie au moyen des importations, est d'une importance capitale pour le candidat à sa propre succession, certain d'obtenir par ce moyen le soutien financier et l'appui de ces faiseurs d'opinion.
Ces nouveaux riches sont en effet assis sur des fortunes colossales et dirigent des médias à même de mettre le candidat concerné sur le chemin de la victoire, quel que soit son bilan et sa prédisposition à diriger le pays. Le financement des campagnes électorales par ces richissimes hommes d'affaires ont mis en évidence la présence de ces nouveaux riches, appelés également «oligarques», en comparaison aux hommes d'affaires russes qui se sont enrichis à l'aune de l'effondrement de l'ex-URSS, dont le patrimoine déjà très consistant se renforce au gré du temps et des accointances avec les cercles influents du pouvoir.
Si leur intrusion dans la sphère politique s'est faite de manière discrète durant les années 90, elle le sera beaucoup moins à l'arrivée du président Bouteflika, qui sollicitera leurs services dès les premières années de son intronisation. Il fera des plus nantis d'entre eux des serviteurs zélés, aussi bien pour promouvoir son image en Algérie et à l'étranger, que pour mettre des cagnottes d'argent à son service, notamment pour financer les campagnes électorales.
On se souvient tout particulièrement des tours de table organisés par le Forum de chefs d'entreprises à la veille des 3e et 4e mandats, à la faveur desquels avaient été collectées des sommes très importantes, toutes virées au compte du directeur de campagne électorale du candidat à sa propre succession. Une masse financière considérable qui s'ajoutera aux capitaux et moyens matériels directement mis à sa disposition par l'Etat.
Le 5e mandat qui se jouera, à moins d'un revirement spectaculaire, en avril prochain, promet d'être encore prodigue en collectes de fonds, tant ces richissimes hommes d'affaires sont redevables à ce candidat et à son entourage, auquel ils doivent en grande partie leur ascension sociale et leur enrichissement.
Oligarchie
Cette oligarchie constituée en à peine vingt années est, de ce fait, étroitement liée aux pouvoirs en place qui encouragent son existence et attend en retour un soutien financier et une adhésion politique sans failles. C'est une réalité qui n'est évidemment pas propre à l'Algérie, puisque partout dans le monde les candidats aux élections font appels à des lobbies financiers pour les aider à mener leurs campagnes électorales.
Tous les pays démocratiques sans exception y ont recours et l'on voit même le phénomène prendre une importance démesurée dans certaines contrées du monde, à l'instar des pays de l'ex-bloc soviétique, où les nouveaux riches liés aux clans dominants du pouvoir sont légion. En France également, il n'est pas rare que des patrons du CAC40 se joignent à un candidat dont ils financent dans la discrétion la campagne électorale.
A la tête de grosses fortunes accumulées à la faveur du boum sans précédent des importations, l'oligarchie algérienne est depuis les quatre dernières investitures présidentielles une pièce essentielle dans l'échiquier de la gouvernance politique actuelle. Plus important encore, elle constitue un élément structurant de la stabilité politique et sociale du pays. Tous les connaisseurs de la scène politique algérienne reconnaissent aujourd'hui que nos oligarques sont si riches et si puissants qu'aucun gouvernement ne peut aujourd'hui se passer de leur soutien multiforme.
Ne pas en tenir compte serait suicidaire pour le candidat à un 5e mandat, qui a tout intérêt à en faire des alliés plutôt que de prendre le risque de les voir récupérés par un des camps politiques adverses.
Devant la prolifération de cette classe de richissimes hommes d'affaires, les autorités politiques en place n'ont en réalité pas d'autre choix que de pactiser avec eux, en accordant aux plus accommodants d'entre eux des parcelles de plus en plus larges de pouvoirs et des sources d'enrichissement plus importantes, notamment au moyen d'octrois de commandes publiques.
Les oligarques qui n'adhèrent pas à cette démarche sont, pour les plus vulnérables, torpillés sans aucun état d'âme, ou soumis à de rudes épreuves qui peuvent les mener à l'abandon ou à la ruine.


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