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Des écoles de la patience à ciel ouvert
Les oliveraies de la Soummam
Publié dans El Watan le 04 - 02 - 2009

Olives noires, journées sombres », dit un vieux proverbe kabyle pour parler de cette période froide et maussade qui coïncide avec le ramassage des olives. Il fait jour depuis près d'une heure et demie, mais le timide soleil de décembre a toutes les peines du monde à percer les épaisses nappes de brouillard qui sommeillent dans les creux de la vallée de la Soummam.
Dans tous les villages qui s'accrochent aux flans du Djurdjura et des Bibans, c'est la période de la cueillette des olives. Décembre égrène des jours froids et pluvieux, mais cela n'empêchera nullement des milliers de familles à prendre la clé des champs. Face à la pyramide enneigée de Tamgout, le point culminant du Djurdjura, Boudjellil se réveille sous une couche de givre, engourdi par un froid mordant. Des processions de cueilleurs débouchent de toutes les ruelles vers Taqindouchth, la place centrale du village. A pied, à dos d'âne, en voiture, hommes, femmes et enfants vont se disperser dans toutes les directions pour rejoindre les oliveraies. En chemin, ils vont croiser les derniers chacals qui se dépêchent de rejoindre leurs tanières après leurs maraudes nocturnes. Ici, tout le monde possède une ou plusieurs oliveraies.
Le village est riche d'un patrimoine de plusieurs milliers d'oliviers, patiemment constitué durant les sept à huit siècles de son existence. En Kabylie, on reconnaît l'ancienneté d'un village au nombre de terres que ses habitants possèdent. Depuis le temps où le territoire n'était qu'une vaste forêt peuplée de bêtes sauvages, les ancêtres ont déboisé et défriché pour planter des oliviers et léguer une manne nourricière qui se remet à peine d'un abandon qui a duré près d'un demi-siècle. Aujourd'hui que le monde entier découvre les vertus de l'huile d'olive, beaucoup de villageois ont pris conscience que leurs champs d'oliviers cachent un inestimable trésor. Belkacem tient un modeste café sur la place du village. Passé 9 h, sa machine à café chôme. Tout le monde est déjà parti, il ne reste plus que quelques vieux retraités qui n'attendent plus rien de la vie, si ce n'est cette maigre pension que le facteur ramène chaque fin de mois. Une journée de cueillette commence aux premières lueurs de l'aube par la confection du repas de la journée et lorsque les premiers rayons du soleil caressent enfin les flancs des collines, la galette est prête.
Les mets qui vont l'accompagner doivent être assez copieux pour suffire au déjeuner et au dîner de la famille. En fin de journée, le retour se fait tard. La nuit qui tombe vite et la fatigue accumulée ne permettent pas de confectionner un autre repas. Lovée entre deux pinèdes, l'oliveraie de Slimane est une garrigue fleurant bon le thym sauvage, le lentisque et le romarin. Ne vous fiez surtout pas à son allure dépenaillée, Slimane est cadre dans une banque.
Retour aux sources
Et s'il a troqué son costume pour de vieux vêtements usagés, c'est pour mieux rentrer dans la peau du paysan qu'il n'a jamais cessé d'être. D'ailleurs, il vient de prendre son congé spécialement pour ramasser ses olives. Pendant un mois, Slimane oublie les agios et les cours des devises pour devenir un pur produit du terroir et vivre au rythme du temps qu'il fait. C'est une façon pour lui de se ressourcer, de faire le vide et de revenir aux vraies valeurs de la vie. Face à ses arbres centenaires qui supportent stoïquement tous les aléas du climat, Slimane dit avoir appris l'humilité, l'endurance et le goût de l'effort. Pour lui, cultiver son verger, cela participe d'une certaine philosophie de la vie basée sur l'essentiel. « L'olivier vous apprend l'humilité, le travail de longue haleine, la simplicité et la rusticité », dit-il. Au milieu d'une société en mal de repères et de plus en plus matérialiste, Slimane opère un véritable retour aux sources. « Quand on plante un olivier, ce n'est pas pour soi mais pour ses enfants et ses petits-enfants », dit-il.
On l'aura compris, l'oléiculture est une passion que Slimane a héritée de son père et de son grand-père. Autant dire que l'huile d'olive court dans ses veines. Toute l'année, il soigne amoureusement ses oliviers, les taille après la cueillette, leur confectionne des cuvettes pour retenir l'eau de pluie et leur apporte du fumier. Au bout d'une année d'efforts, il peut enfin cueillir ses fruits qui vont donner un nectar aux vertus aussi nombreuses que celles du précieux miel des abeilles. La cueillette cependant n'est pas sans risques. Il y a quelques jours, le voisin de Slimane est tombé d'un arbre et s'est brisé la jambe. Quand on n'utilise pas d'échelle, un pied qui glisse sur l'écorce, une branche qui cède sous le poids, et c'est une chute dont on ne se relève pas toujours indemne.
L'école de la patience
Nous accompagnons pour une journée un groupe de cueilleurs qui a décidé de ressusciter « thiwizi », cette tradition d'entre aide et solidarité qui a fait naguère la force des villages kabyles. Bohou, Omar, Aziz, Mohand et d'autres encore vont ramasser leurs olives ensemble en joignant leurs efforts. Aidés des autres, chacun aura sa journée dans un système tournant. Aujourd'hui, on se rend chez Bouhou à Taguilalt. Les arbres sont majestueux, les branches croulent sous le poids des fruits. La première tâche de la journée consiste à ramasser les olives tombées parterre pour qu'elles ne soient pas piétinées. Les bâches et les filets sont ensuite étalés sous les frondaisons tout autour de l'arbre pour recueillir les olives. On dispose les échelles contre l'arbre, en commençant par le côté exposé au soleil.
La conversation tourne bien évidemment autour des olives et des oliviers. Passionnés, nos amis discutent inlassablement sur cet inépuisable sujet. Les variétés des olives, les différentes manières de tailler, d'élaguer, de greffer, l'entretien d'un arbre, d'un verger, l'apport en eau, en fumure, les maladies, chacun a son point de vue sur la question. Tout en suivant les propos des uns et des autres, les mains travaillent fiévreusement. Les olives qui tombent dans les filets et les bâches font un bruit de grêle. A Boudjellil, il est mal vu d'utiliser une gaule. Les gaules blessent les tiges des arbres, celles qui vont former les futures branches. Gauler un olivier revient à compromettre assurément la prochaine récolte. Au cours d'une journée de cueillette, le moment le plus agréable et le plus convivial est bien entendu celui du repas pris sous les frondaisons des arbres autour d'un bon feu de bois. Cependant, personne ne cherche à prolonger la pause. Les journées étant courtes, il faut se remettre au travail au plus vite.
La cueillette des olives est une véritable école de patience, d'endurance et de persévérance. Les olives se récoltent pratiquement une à une, jour après jour, durant la période la plus difficile de l'année. A ce titre, tous les paysans que nous avons rencontrés sont unanimes à dire que le prix de l'huile est dérisoire au vu des difficultés et des risques de la récolte. Le prix du litre d'huile s'est actuellement stabilisé autour de 350 Da. Mise dans des sacs de jute, la récolte du jour est acheminée en fin de journée directement au moulin où chacun dispose d'un emplacement pour sa récolte. Les vols d'olives se sont accrus ces dernières années. Tard le soir ou bien très tôt le matin, des bandes de jeunes ratissent les champs à la recherche de l'imprudent qui aura laissé ses sacs d'olives dissimulés sous des branchages ou dans une hutte. Ces dernières années, les voleurs ont innové dans leurs techniques, ils scient ou arrachent les branches les plus chargées en fruits pour les emporter dans un endroit sûr et les dépouiller de leurs fruits.
Une parisienne sous un olivier
Dans certains cas, il ne s'agit pas de simples chapardages de voyous, des voleurs professionnels utilisent un camion ou un tracteur et opèrent de nuit avec des projecteurs. Ils scient des branches à tour de bras et chargent les bennes pour disparaître dans la nature après avoir vandalisé sans vergogne des oliveraies entières. A 80 DA le kilo d'olives et 350 DA le litre d'huile, le créneau est rentable. Hakim, la trentaine, est un tâcheron qui vit de menus expédients. Moyennant la moitié de la récolte, il a pris à son compte le champ d'un cousin qui vit à Alger. Après quinze jours de travail, sa part se monte déjà à 120 l d'huile mais il n'en est qu'au début. « C'est la seule période de l'année où l'on peut ramasser de l'argent juste en se baissant », dit-il enthousiaste. Jusqu'à la fin de l'hiver, Hakim ne fera guère autre chose que de chercher des champs à récolter. Ahmed, lui, possède une très fertile oliveraie située au bord de la rivière.
Il a fait une transaction dont tout le monde parle au village, il a vendu ses olives sur pied à quelqu'un qui va s'occuper de les récolter et empoché la rondelette somme de 32 millions de centimes les doigts dans le nez. Cette année, beaucoup d'expatriés dans les grandes villes du pays sont rentrés spécialement pour ramasser leurs olives. Profitant des vacances scolaires, ils sont venus en familles réoccuper les vieilles demeures familiales. Même des émigrés de France sont venus. Kader a débarqué avec femme et enfants pour une quinzaine de jours. Assise sous un imposant olivier au tronc noueux, Hélène, sa femme, dépouille méticuleusement une branche de ses fruits. « C'est d'autant plus magnifique qu'on a bénéficié d'un temps superbe », dit-elle.
Tout autour, sous d'autres arbres, des cousins, venus également en famille, sont au travail. L'ambiance est très conviviale avec des hommes qui s'interpellent et des enfants qui jouent. « Mon séjour m'a permis de découvrir toute la culture qui gravite autour de l'olivier ici en Kabylie », dit encore Hélène. L'année prochaine, c'est promis, cette Bretonne que l'on prendrait aisément pour une Kabyle pure souche reviendra avec une douzaine d'amis et cousins bretons séduits par les récits et les photos qu'ils ont reçus. Une journée de cueillette se termine toujours au moulin. Dans la vaste cour de l'une des huileries du village où les olives sont disposées en tas, c'est un va-et-vient incessant de véhicules qui déchargent des sacs. Le moulin est une ruche où l'on vient déposer le butin du jour. Pour pouvoir triturer toutes les olives, les oléiculteurs du village travaillent de jour comme de nuit. La prestation est facturée, au choix, à raison de 350 DA le quintal d'olives triturées ou en échange d'un dixième de l'huile obtenue. Les machines, lancées à plein régime, font un bruit infernal.
Il flotte dans l'air une odeur entêtante et enivrante d'huile d'olive fraîche. En bout de chaîne, du robinet du séparateur, coule une huile d'un vert fruité intense, le fruit de la peine et de la patience. Il est de coutume de célébrer la fin de la récolte par un repas de fête auquel va prendre part toute la famille. La récolte moyenne d'une seule famille se situe entre 200 et 600 l, mais des récoltes de 8 à 10 q d'huile ne sont pas rares dans la région. On garde une quantité suffisante à la consommation annuelle et on vend l'excédent quand un acheteur se présente. L'Etat, grand absent dans la filière de l'huile d'olive, n'a jamais pensé à structurer ce filon, tout au moins à trouver des débouchés commerciaux pour les producteurs et les oléiculteurs. Pourtant, bon an, mal an, la Kabylie produit aux alentours de 40 millions de litres. Hormis les huileries modernes qui ont fait leur apparition, le secteur n'a pas connu de changement notable depuis l'Aguellid Massenssen. Il ne survit que grâce à la tradition.


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