Quittant le bois des prétoires pour les planches de théâtre, le célébrissime avocat, Jacques Vergès, a mis en scène sa carrière et ses visions d'une profession qui demeure fascinante, surtout quand elle est pratiquée par quelqu'un d'aussi passionné. Une heure et demie où, d'entrée, il apostrophe les spectateurs, les faisant réfléchir sur l'opposition apparente entre « la gravité supposée d'un procès à la prétendue frivolité d'un spectacle » ! Le titre de la pièce est aussi savoureux : Serial Plaideur… En l'occurrence, l'avocat plaide pour sa cause, profitant de l'élégante entremise théâtrale pour expliquer encore sa conception de la défense et la projeter dans de belles références historiques, philosophiques et littéraires. Vergès vient rappeler aussi qu'une plaidoirie est autant un argumentaire qu'un jeu dramatique, en fait, pour prendre une référence télévisuelle, de la « théâ-réalité » avec force effets de manche et surprises rhétorique. Il vient ainsi nous rappeler Apulée de Madaure, amazigh de l'actuelle M'daourouche, qui fut un des plus grands avocats de l'Antiquité, comme un homme de lettres, Me Vergès parle longuement dans sa pièce de la guerre d'indépendance algérienne. Selon notre confrère du bureau APS de Paris, il déclame notamment : « Quand ma cliente fut condamnée à mort, elle éclata de rire. Le lendemain, la presse commentait ce rire. Et j'ai compris que le procès allait prendre le sens que nous souhaitions lui voir prendre, parce que le rire de ma cliente était l'expression d'un mépris souverain. Dès lors on ne débattait plus du terrorisme aveugle, mais de la légitimité d'un tribunal qui justifiait la torture. Lequel des deux était le plus méprisable ? Le rire de Djamila Bouhired a tranché une fois pour toutes ». Plaidons donc pour que la pièce soit donnée à Alger.
