Il fait des merveilles en peinture. Il est juste doué. Il essaye de transmettre son art à ses élèves et aux collégiens auxquels il donne des cours. Portrait. «Ici, à Mascara, l'artiste se sent abandonné et seul. Il est considéré comme la cinquième roue du carrosse», témoigne avec regret Daïkh Miloud, un artiste peintre qui s'est fait un nom dans le milieu artistique de la ville. C'est avec un air sympathique et souriant que Miloud l'artiste, comme l'appellent les journalistes locaux, nous a rendu visite, ce mardi 13 novembre, dans notre rédaction sise à la maison de la presse de Mascara, baptisée du nom de l'illustre journaliste et critique littéraire Bekhti Benaouda, assassiné par les hordes terroristes le 22 mai 1995 à Oran. «Où sont les autres (les journalistes ndlr) ?» interroge-t-il. Il connaît presque tous les correspondants de la presse écrite à Mascara qui le considèrent comme un membre de la famille de la corporation puisqu'il dessinait des caricatures pour certains journaux, notamment El Khabar et El Djoumouhouria. Né le 13 mai 1969 dans une famille de quinze personnes à quelques encablures du marabout Sidi Bouras dans le vieux quartier populaire de Bab Ali, Daïkh Miloud manifeste très tôt des dons pour le dessin. Après l'obtention, en 1986, de son BEF (Brevet d'études fondamentales), il rejoint l'Ecole des beaux-arts d'Oran. «C'est grâce à mon oncle Ali, âgé actuellement de 80 ans, que j'ai fréquenté cet établissement artistique. A l'époque, il était enseignant en langue arabe en primaire et s'intéressait à mes bandes dessinées et autres caricatures que j'ai réalisées. Sans me demander mon avis, il m'a inscrit au concours d'accès à l'Ecole des beaux-arts d'Oran où j'étais classé parmi les 25 premiers», raconte Miloud l'artiste, avec beaucoup de détails et de passion, ses premiers pas dans le monde de l'art. De 1988 à 1992, le jeune artiste apprend à l'Ecole des beaux-arts à expliciter sa démarche créatrice. Pendant trois ans, il a appris, sous les directives de ses enseignants artistes, à savoir MM. Destin Tayeb Mustapha, Cherfaoui, Saad Houari et Belhachmi, les différents types d'arts, notamment la sculpture, l'architecture, la décoration, la peinture et le dessin. C'est peut-être le destin qui a mis le jeune Miloud sur le chemin qu'avait pris l'enfant de Mascara, Abdelkader Guermaz, l'aîné de la génération des fondateurs de l'art algérien moderne qui a fréquenté, pendant trois ans (de 1937 à 1940), l'Ecole des beaux-arts d'Oran. Le 7 décembre 2009, rappelons-le, la ville natale de Abdelkader Guermaz, le peintre, le poète et le critique d'art (né le 13 mai 1919 à Mascara et décédé le 9 aout 1996 à Paris), lui a rendu hommage en baptisant la galerie des arts plastiques de son nom : Abdelkader Guermaz. «Il est toujours la fierté de tous les artistes», commente Daïkh. En 2009, l'écrivain Yasmina Khadra disait en rendant hommage à Abdelkader Guermaz : «Vivants, les artistes habitent le cœur et l'esprit. Morts, ils ressuscitent dans nos mémoires. Guermaz est cet artiste qui nous manque à chaque fois que notre cœur perd de vue notre esprit.» Mais, être un artiste à Mascara c'est prendre le risque de passer à côté d'une vie normale et surtout d'être considéré comme la cinquième roue du carrosse. Chance Les artistes sont sollicités occasionnellement. C'est-à-dire que l'on fait appel aux artistes, quel que soit leur domaine artistique, que pour compléter un programme culturel et artistique. «Ces dernières années, on n'accorde plus d'importance aux artistes, notamment les plasticiens. L'artiste, dans ce climat de vide, se sent inutile et loin de ses rêves, cause pour laquelle certains artistes, pour ne pas dire la majorité, étaient obligés de partir évoluer sous d'autres cieux ou abandonner avant de disparaitre en silence», nous murmura, mardi, Miloud avec tristesse. L'artiste peintre Miloud Daïkh a eu la chance, comme il le dit lui-même, d'intégrer le corps de l'enseignement moyen comme professeur de dessin. Selon son témoignage, «en 1993, nombreux étaient les diplômés des écoles des beaux-arts à être sauvés d'une vie précaire. Ils ont été recrutés par le ministère de l'Education pour enseigner dans la matière de l'éducation artistique. Pour l'histoire, c'est grâce à l'ancien ministre de la Culture, Hamraoui Habib Chawki, que la décision d'embaucher les diplômés des écoles des beaux-arts a été prise.» C'est au Collège d'enseignement moyen (CEM) de la localité de Oued Taria, à 40 km du chef-lieu de la wilaya de Mascara, que Miloud débute sa carrière d'enseignant de l'éducation artistique et poursuit son parcours d'artiste peintre. Sans tarder, il voit les choses en grand et peint plusieurs tableaux sur des thèmes divers et autres illustrant les différents styles de la calligraphie arabe sur les murs de cette établissement scolaire. «Même les élèves ont profité de cette expérience. C'était une chose nouvelle pour eux», dit-il. Loin des classes, il consacre son temps entre la bande dessinée et la caricature. L'artiste à la barbe très douce se rappelle de sa première participation, en 1994, à l'exposition nationale d'arts plastiques qui a eu lieu à la Bibliothèque municipale de Mascara. Soutien «C'était une nouvelle vie. C'était un rêve qui se réalisait dans la vie réelle», a-t-il relaté. Et d'ajouter : «En 1996, l'art de la peinture a trouvé sa place. Les artistes de Mascara dévoilaient leurs œuvres et se lançaient collectivement à la rencontre du public. En profitant d'une seconde exposition à la bibliothèque municipale, en collaboration avec mon ami, l'artiste peintre Cheriet Abdelkader, nous avons réussi à réaliser une très belle fresque murale sur le thème de la paix. C'est une époque où l'art de la peintre est en plein essor.» L'artiste peintre Mohamed Boutaleb et le calligraphe Mokhtar Maïzi ont soutenu le jeune Miloud. «M. Boutaleb est un artiste peintre professionnel qui a beaucoup donné à la peinture. J'ai appris tant de choses auprès de lui. Même le calligraphe Mokhtar Maïzi, l'un des pionniers de la calligraphie arabe dans la région, est pour moi une référence», a tenu à témoigner notre interlocuteur qui regrette que les artistes qui ont marqué l'histoire de l'art de la peinture vivent dans l'ombre ! L'artiste peintre Daïkh Miloud, père de neuf enfants, rêve d'un logement comme il rêve d'avoir son propre atelier ! «Je partage deux pièces avec mes enfants. Je n'ai pas assez d'espace pour travailler. C'est dur», dit-il. Dans ces conditions difficiles, Miloud consacre son temps à réaliser des tableaux sur la vie saharienne. «J'apprécie beaucoup les œuvres de l'artiste peintre Hocine Ziani, pour qui le Sahara est un thème récurrent. Je m'inspire de lui», nous répond-il. Par ses œuvres, l'artiste peintre Daïkh Miloud de Mascara, loin des clichés, se consacre à traduire les émotions humaines.