La crevette rouge est pêchée par les chalutiers de la région algéroise à une taille moyenne de 24 millimètres de longueur céphalothoracique alors que sa taille de maturité sexuelle est de 27 mm. Autrement dit, elle est pêchée avant que les populations n'aient le temps de se renouveler. De plus, un modèle analytique appliqué à nos données indique nettement une situation de surexploitation. » Hanane Kennouche, étudiante à l'université Houari Boumediene à Alger, a soutenu dimanche dernier sa thèse de magistère sur l'écologie, la biologie et l'exploitation de la crevette rouge (Aristeus antennatus) sous la direction d'Ahmed Nouar du laboratoire halieutique, en même temps que Nawel Aïnouche, qui présentait la sienne sur la crevette blanche (Parapenaeus longirostris). Les plus fréquentes et les plus abondantes dans les eaux algériennes, ces deux espèces sont donc aussi celles qui présentent le plus grand intérêt commercial. La crevette rouge — aussi précieuse que le thon et le corail rouges représente 4% de la production annuelle de pêche et plus de 10% de la valeur économique globale. En plus des données et observations récoltées à partir des débarquements et des données recueillies par le navire océanographique Visconde de Eza lors de la campagne algéro-espagnole, les étudiantes se sont rendues au moins une fois par semaine au port d'Alger à 4h. « Nous allions mesurer les crevettes pêchées, racontent-elles. Plus de 5000 individus de crevette blanche et 9000 de crevette rouge ! Et ce n'était pas facile compte tenu de la haute valeur commerciale de ce produit à l'état frais et fortement demandé sur le marché. » Objectif : évaluer l'état des ressources et les potentialités du stock en vue de recommander de nouvelles mesures pour une exploitation durable. « La pêche à la crevette rouge se fait au chalut, surtout de nuit entre 200 et 500 mètres de profondeur sur des fonds de vase, poursuit Hanane Kennouche. En appliquant des modèles d'évaluation aux données récoltées, nous pouvons estimer de manière fiable les rendements. Un chalutier qui pêche en moyenne 9 heures par jour prend environ 5 kilos par heure, contre… un rendement horaire de plus de 30 kilos dans les années 90 ! » Pour la crevette blanche, très fréquente entre 200 et 400 mètres de profondeur, zones fortement exploitées, elle se trouve moins ciblée que la crevette rouge. « Son état est moins critique, note Nawel Aïnouche, mais on a tout de même atteint la limite optimale de son exploitation. Le rendement, d'1 kilo par heure, a nettement diminué puisqu'il était de 10 kilos en 2005 et de 25 kilos avant 2000. » Ces études ont permis de dégager quelques recommandations destinées aux décideurs. « Actuellement, les décideurs raisonnement sur le ratio alimentaire, souligne Ahmed Nouar, leur directeur au laboratoire halieutique de la faculté de biologie. Selon les recommandations de l'Organisation mondiale pour la santé, il faudrait consommer plus de poisson. Mais il faudrait aussi se demander si nos stocks peuvent suivre ces exigences ! ». Les étudiantes préconisent d'instaurer des quotas d'exploitation de ces deux espèces ou de limiter les sorties ou le nombre de chalutiers surtout entre 200 et 400 mètres de profondeur, d'interdire la pêche de nuit, de modifier la réglementation actuelle, de déplacer l'effort de pêche vers des zones plus profondes, d'opter pour une maille carrée du chalut qui, contrairement à la maille en losange utilisée, laisse échapper les jeunes individus de crevette permettant ainsi un bon renouvellement du stock.