En 1947, l'ONU, dont l'Assemblée générale, comme le Conseil de sécurité sont largement dominés par les nations occidentales, a voté le partage du territoire palestinien pour permettre, sur environ la moitié de sa superficie, la création de l'Etat d'Israël qui sera peuplé par des greffons prélevés surtout sur des populations européennes de confession juive (ou supposées comme telles) martyrisées par le nazisme. Les deux régions qui échurent aux Arabes palestiniens, Ghaza et la Cisjordanie, séparées par les territoires attribués aux nouveaux venus, étaient en plus convoitées respectivement par le roi Farouk d'Egypte et le souverain hachémite Abdallah de Jordanie qui se trouvaient être eux-mêmes des vassaux de la couronne britannique. Le plan de partage onusien avait mené à la guerre de 1948-1949 — qui fut rapidement conclue par la défaite des armées arabes malgré leur supériorité numérique — et au malheur (la fameuse « Nakba ») qui s'abattit sur les populations palestiniennes, contraintes par le fer et le feu à un exil, dont la fin ne se profile pas encore aujourd'hui à l'horizon. C'est de ce partage, de ces douloureux événements qui le préparèrent, des conditions politiques régionales et internationales qui le marquèrent et des terribles conséquences qu'il laissa au Proche-orient, qu'il est question dans un livre signé par deux éminents journalistes français du Monde diplomatique : Alain Gresh et dominique Vidal. Il y a lieu de signaler qu'il s'agit d'une première édition algérienne et que cet ouvrage a déjà été publié en France. Avec l'édition algérienne, c'est un volume de près de 200 pages, au titre dépouillé : Palestine 1947, et un sous-titre tout aussi sobre Un partage avorté qui est basé sur une recherche documentaire d'une grande richesse. Yacine Hannachi et sa maison constantinoise Média-Plus, grâce à la complicité de l'imprimerie Mauguin de Blida, ont réussi un beau pari éditorial. Il est évident que l'importance de cet ouvrage n'échappera pas aux lecteurs francophones algériens et, pourquoi pas, maghrébins, le sujet étant d'une actualité plus que brûlante, notamment avec la dernière offensive de l'armée israélienne et le sort qu'elle vient de faire subir à la population civile ghazaouie qui a été bombardée avec des bombes au phosphore. En effet, ce sort sanglant imposé aux civils dont les victimes furent (sont) surtout des femmes et des enfants, n'a pas été composé sous un ciel serein. « Voilà soixante ans que l'enterrement du plan de partage structure l'histoire de la région », rappellent les auteurs dans la présentation de leur ouvrage. Au moment où les regards d'une bonne partie de l'opinion internationale sont encore braqués sur le Proche-orient, ravivant curiosité, intérêt et passion pour tous les aspects de ce conflit, ce livre arrive à point nommé rappeler la genèse d'un problème qui dresse face à face deux adversaires, et ce, depuis soixante ans, débordant souvent du contexte géographique pour impliquer de très nombreux autres acteurs régionaux et mondiaux. l'objectif de cet ouvrage consiste à tirer de l'oubli les faits, les motivations, les démarches et les stratégies de ceux qui, d'une manière ou d'une autre, se sont impliqués dans cette confrontation. Pour éclairer le lecteur, Alain Gresh et Dominique vidal, respectivement rédacteur en chef et rédacteur en chef-adjoint du mensuel Le Monde diplomatique, remontent très loin dans l'histoire, de plusieurs siècles, pour expliquer comment s'est formé le destin de la Palestine. Le jeu des grandes puissances des époques précoloniales et coloniales (l'Empire ottoman, la France et la grande-Bretagne), celui des grandes puissances dominantes et de l'ONU au lendemain de la Seconde guerre mondiale et enfin les positions et les actes des acteurs après la disparition de l'URSS et du camp socialiste. tout est passé au peigne fin afin de jeter le meilleur éclairage sur la complexité du conflit. Bien que journalistes, les auteurs ont fait, ici, œuvre d'historiens avec le souci de la précision, de la rigueur et de l'objectivité. Leur livre mérite d'être largement connu, parce qu'il donne de nombreuses clés pour ceux qui cherchent à comprendre pourquoi et comment le sionisme, issu du peuple juif qui a supporté l'exil, l'errance, les injustices, les douleurs et les larmes en est arrivé à faire subir avec autant d'acharnement ce qu'il a lui-même enduré. Il donne un coup de projecteur sur le comportement des Arabes de la région : leurs convoitises, leurs versatilités et leurs faiblesses, d'où leur incapacité à peser efficacement dans la balance mondiale. Les faits que rappellent les deux auteurs, les détails qu'ils donnent, les fonds documentaires qu'ils ont utilisés, font que ce livre doit non seulement être lu d'une seule traite mais qu'il doit figurer également en bonne place dans la bibliothèque de ceux que la Palestine et le Proche-Orient préoccupent. Signalons que Gresh et Vidal n'en sont pas à leur premier coup d'essai sur le conflit israélo-palestinien et le Proche-Orient. En 1984, ils co-signent déjà aux Editions sociales (Paris), Proche-Orient : une guerre de cent ans. Suivront près d'une dizaine d'autres titres dont une partie sera le fruit de leur collaboration et une autre individuelle. C'est dire que les deux auteurs maîtrisent leur sujet, d'où leur efficacité que l'on retrouve dans leurs livres et leurs écrits journalistiques. Alain Gresh et Dominique Vidal Palestine 1947, Un partage avorté. 197 p. Editions Média-Plus. Constantine. 2008