En 2004, les Palestiniens sont toujours en attente de leur Etat indépendant. «Feuille de route» processus de paix, plans internationaux, plus ou moins entendus, rien n'y fit, et les Palestiniens sont en ce début de troisième millénaire le seul peuple de la terre qui dispose d'un nom mais pas de territoire, du fait de la seule volonté de l'occupant israélien. Ainsi, 2004 vient de s'achever sans qu'aucun des plans ainsi concoctés n'ait abouti à mettre un terme à la tragédie que vit le peuple palestinien depuis 57 ans, sans que n'apparaisse à l'horizon l'espoir d'un changement, alors que la longue patience des Palestiniens est ainsi mal récompensée. Or, cet espoir de voir s'ériger l'Etat de Palestine a été maintes fois déçu du fait de l'impuissance de l'ONU à faire appliquer ses résolutions par l'Etat hébreu d'une part, de la défaillance et de la faiblesse insigne des pays arabes à faire pression sur la communauté internationale pour que le droit et les lois internationaux puissent s'appliquer dans les territoires palestiniens occupés. Le 29 novembre dernier, cinquante-sept ans se sont écoulés depuis l'adoption en 1947 par le Conseil de sécurité de l'ONU de la résolution 181 qui a décidé du partage de la Palestine historique, alors sous mandat britannique, en deux Etats, l'un arabe, pour les Palestiniens, le deuxième pour la diaspora juive, Israël. Seule la moitié de cette résolution fut concrétisée par la création de l'Etat hébreu, son pendant arabe attend toujours de voir le jour. Selon le texte de la résolution 181 de l'ONU, la création des deux Etats serait effective un an après l'adoption de la résolution. Or, prenant tout le monde à contre-pied, avec l'aide des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, le mandataire en titre du territoire, les juifs proclament «l'Etat d'Israël» le 8 mai 1948, six mois avant l'entrée en vigueur de la résolution du Conseil de sécurité. Washington reconnaîtra le nouvel Etat, moins de deux heures après sa proclamation, ce qui montre la connivence existant entre les dirigeants américains de l'époque et les juifs qui foulèrent aux pieds le droit international et la loi onusienne, en l'occurrence la résolution 181. De fait, alarmés par le soutien trop ostensible des Etats-Unis aux groupes sionistes, les ambassadeurs américains auprès de la poignée d'Etats arabes de l'époque en firent la remarque au président Harry Truman (c'est ce dernier qui mobilisa les diplomates américains et fit pression sur les pays asiatiques les incitant à voter la résolution qui avait de fortes chances d'être rejetée) qui eut cette réplique édifiante: «Sachez Messieurs, que moi je n'ai pas des millions d'électeurs arabes aux Etats-Unis». Le reste allait sans dire et le lobby sioniste fit ce qu'il fallait pour qu'il en soit ainsi. Cela n'a pas changé depuis, et c'est le lobby pro-israélien qui, quasiment, oriente la politique moyen-orientale de la première puissance mondiale. Lors de son premier mandat, le président américain George W.Bush, reçut à sept reprises le Premier ministre israélien, Ariel Sharon. Un record absolu en matière de diplomatie, sans que cela n'eut le moindre effet sur l'avancée du dossier du conflit israélo-palestinien. Au contraire, de tous les chefs d'Etat du monde, M.Bush a été le seul, en mimétisme avec les Israéliens, à considérer hors-jeu le président palestinien, Yasser Arafat, considéré par les analystes et politologues comme la clé du dossier proche-oriental. Un Yasser Arafat que George W.Bush a toujours refusé de rencontrer, ne serait-ce que pour écouter l'autre point de vue, celui des Palestiniens, à moins que Sharon - qu'il a reçu sept fois- n'ait aussi parlé au nom des Palestiniens? En épousant sans nuances ni précautions le seul point de vue des Israéliens - pour lesquels la résistance du peuple palestinien contre l'occupation n'est que du terrorisme - le président Bush s'est mis en porte-à-faux du rôle qui est, devait être, celui des Etats-Unis, l'unique superpuissance mondiale. En fait, en se mettant au service des Israéliens, alors que leur cause, du point de vue du droit international et de la Charte de l'ONU, reste indéfendable - Israël occupe un territoire qui ne lui appartient pas, comme l'indiquent toutes les résolutions de l'ONU, notamment les résolutions 242 de 1967 et 338 de 1973 - les Etats-Unis, dans le même temps, grande puissance mondiale, membre permanent du Conseil de sécurité et, last but not least, principaux parrains du processus de paix au Proche-Orient, administrent la preuve qu'ils ne sont plus qualifiés, du moins leurs dirigeants, pour jouer les arbitres dans les crises qui éclatent ici et là dans le monde, notamment celles mettant aux prises Israéliens et Arabes. Et le dossier palestinien, qui aurait pu et dû être résolu depuis des décennies, risque d'être toujours en l'état, du fait que la seule puissance pouvant agir sur les Israéliens refuse de le faire parce que ses dirigeants se soucient plus de leurs réélections que de contribuer concrètement à la résolution d‘un problème en suspens depuis plus d'un demi-siècle et dont Washington assume une énorme responsabilité dans sa persistance par notamment, l'usage excessif du veto mis au service d'Israël, faisant de l'Etat hébreu un Etat hors des lois qui régissent le commun des pays dans le monde, lui assurant en contre-coup l'impunité pour tous les crimes qu'il a commis contre les Palestiniens. Aussi, il est patent que ce n'est pas demain que l'Etat palestinien verra le jour si aucune pression n'est faite sur Israël pour qu'il se conforme aux résolutions du Conseil de sécurité et applique dans son intégralité la «feuille de route» qui, théoriquement, devait donner naissance à l'Etat de Palestine à l'horizon 2005. Or, la construction par Israël du mur de l'apartheid, comme le qualifiait le défunt président Arafat, l'empiétement des colons sur les villes palestiniennes, la réoccupation des territoires palestiniens par l'armée israélienne, sont autant d'obstacles sur la voie de la mise en oeuvre du processus de paix. De fait, la vision du président Bush de deux Etats, Israël et la Palestine, et l'avènement de l'Etat palestinien à l'horizon 2005, n'était en fait qu'un leurre. Un leurre qui apparaît dans toute sa laideur lorsque le président réélu, George W.Bush, parle aujourd'hui de l'horizon 2009 pour l'Etat palestinien. M.Bush jouait ainsi sur du velours, en 2005, c'était la fin de sa magistrature, et s'il n'avait pas été réélu, personne n'aurait eu à redire, estimant que le président américain a «consenti des efforts» pour que sa «vision» de deux Etats se concrétise sur le terrain. Mais pourquoi la reporter en 2009, une date butoir qui est aussi la fin du second mandat de M.Bush? Cela lui laisse quatre ans pour encore tenir en laisse et faire patienter les Palestiniens. N'est-ce pas son collègue britannique, le Premier ministre Tony Blair, qui veut organiser une conférence, au premier trimestre 2005, pour «habiliter» les Palestiniens alors que ceux-ci n'ont eu besoin de personne pour négocier pied à pied avec les Israéliens l'accord d'Oslo en 1993, -accord rendu caduc, comme chacun sait, par les Israéliens qui revinrent sur leurs engagements et refusèrent d'en appliquer les articles, notamment ceux afférents au désengagement total des territoires palestiniens. Les Palestiniens luttent depuis cinquante-sept ans pour que l'on reconnaisse leurs droits et c'est encore sur eux, spoliés de leurs territoires, «ghettoïsés» par Israël qui a transformé la Cisjordanie et la bande de Gaza en énormes prisons à ciel ouvert, sous le regard d'une communauté internationale pusillanime et tétanisée par l'accusation d'antisémitisme que brandit Israël à tout bout de champ. Que dire de l'assignation du président Yasser Arafat dans sa Mouqataâ par Sharon, qui, à défaut d'empoisonnement, a précipité la mort du président palestinien par l'isolement qui lui a été imposé durant plus de trois ans. Qu'a fait en fait la communauté internationale pour mettre un terme à ce scandale, pour aider les Palestiniens et les Israéliens à résoudre leur conflit? C'est la question que se posait l'autre jour, le diplomate algérien Lakhdar Brahimi, conseiller du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, sur l'Irak, lorsqu'il s'interrogeait dans une conférence devant les sénateurs belges: «Que fait-on pour résoudre ce problème, pour rendre justice au peuple palestinien, pour établir une paix juste et durable, pour permettre aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en bon voisinage dans la sécurité et la dignité pour tous?» La sécurité pour tous, c'est d'abord, le retrait d'Israël des territoires palestiniens, ensuite, le retrait des territoires palestiniens, enfin le retrait des territoires palestiniens. L'équation est simple, si quelqu'un bloque le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens ce sont les Israéliens eux-mêmes en continuant d'occuper des territoires ne leur appartenant pas, voulant par là la paix et la sécurité sans pour autant céder la terre comme le stipule l'accord d'Oslo sur lequel les Israéliens sont ensuite revenus. Les Israéliens qui refusent l'envoi par l'ONU d'une force d'interposition veulent être juges et partie, ne considérant pas les Palestiniens comme un partenaire pour la paix, mais au plus des «indigènes» dont le seul droit est celui de s'exécuter face au diktat israélien. C'est en cela que la communauté internationale a un rôle à jouer en indiquant enfin une ligne rouge à Israël, au- delà de laquelle la mansuétude dont il est l'objet peut ne plus jouer. Mais gageons que ce n'est pas demain la veille que l'on verra les lois internationales s'appliquer à un Etat non concerné par le droit international, ce droit qui créa l'Etat hébreu grâce à la résolution 181 dont seul Israël en tira bénéfice. Même là, Israël, ne souscrivant pas à l'esprit universel de la résolution, devança son application en décidant unilatéralement la proclamation de l'Etat juif. Ainsi, se plaçant au-dessus du droit international, Israël n'obéit à aucune loi régissant la communauté des nations. Et c'est cela aussi le drame du peuple palestinien abandonné par tous, l'ONU, la communauté internationale et les pauvres Arabes, qui ne savent par quel bout traiter ce «monstre» créé par les Nations unies nommé «Israël».