C'est dans cet esprit que nous avons procédé à la sélection des matériaux et établi un classement par thèmes», précisent les historiens Mohamed Harbi et Gilbert Meynier. L'ouvrage se compose d'un avant-propos et d'une introduction historique rédigés par Mohamed Harbi et de documents et de textes dont le choix revient à Gilbert Meynier. Mohamed Harbi précise qu'il est «destiné à tous ceux qui veulent faire le point sur le conflit franco-algérien et la gestation de l'Etat-FLN selon l'expression usitée en Algérie, il permet au lecteur de les découvrir et de les évaluer par lui-même». Il signale que «l'état de nos connaissances a progressé. «Les bouches s'ouvrent» …Des versions nouvelles de la période 1954 – 1962 ont vu le jour, en France plus qu'en Algérie même où, malgré des avancées, l'histoire reste «sous surveillance». L'état des sources est devenu plus favorable aux chercheurs. Documents de première main Cet ouvrage en témoigne. On y trouve la trace, outre d'archives privées dont les détenteurs ont demandé l'anonymat, de mes archives personnelles, patiemment réunies depuis les années 1960, et de plus en plus étoffées à partir de 1974. A cette date, le colonel Boumédiène, ébranlé par les révélations d'Yves Courrière sur la guerre d'indépendance révélations obtenues auprès des fondateurs du FLN écartés de la scène politique, dont Krim Belkacem, a estimé prématurée toute histoire de la guerre d'indépendance. Il s'est toutefois résigné à circonscrire le feu qui menaçait les hommes sans biographie sur lesquels son régime s'appuyait…. A tort ou à raison, ses opposants l'ont soupçonné de faire disparaître des documents compromettants comme étant susceptibles de lui nuire, ou de les manipuler pour les réduire au silence. C'est dans ces circonstances que des acteurs politiques de premier plan, qui ont requis l'anonymat, m'ont ouvert leurs archives et m'ont autorisé à les photocopier. L'autre source, qui a permis l'élaboration de cet ouvrage, est les archives du Service historique de l'armée de terre (SHAT), «archives d'une grande richesse, où figurent, entre autres, les documents saisis par l'armée française au cours d'opérations militaires» indique encore Mohamed Harbi qui signale qu'à ces documents ont été ajoutés quelques textes historiques synthétiques et des interviews de témoins. Les parties qui composent l'ouvrage traitent des grands thèmes suivants, eux-mêmes subdivisés en sous-thèmes : «La guerre et l'Armée de libération nationale» ; «Le peuple algérien», «le FLN et la guerre» ; «La militarisation de la société et du pouvoir» ; «Le fonctionnement de la direction» ; «L'encadrement de l'Armée de libération nationale (ALN)» ; «Les crises de l'ALN» ; «Les courroies de transmission du FLN et les services» ; «Le FLN et le monde» ; «Le FLN et la France.» Trajectoire historique Dans l'introduction historique, Mohamed Harbi indique qu' «on ne peut comprendre le FLN si on ne voit en lui que le producteur d'un système et non un produit social», «d'où, précise-t-il, l'intérêt de connaître les racines historiques de la société qui l'a vu naître et sa préhistoire» et de poser la question : «d'où vient l'Algérie ? Quelle a été sa trajectoire politique ?» Mohamed Harbi écrit que «l'histoire du FLN démontre qu'une société divisée contre elle-même peut, à travers secousses et crises, tenir debout quand ses enfants n'ont pas de maison où habiter. Consacré vainqueur au moment même où il se délitait en organisations héritières de la résistance au colonialisme, mais rivales clans de wilaya (s), Parti de la Révolution socialiste de Mohamed Boudiaf, Front des Forces socialistes de Hocine Aït Ahmed, Mouvement démocratique pour la Révolution algérienne de Belkacem Krim, ses troupes connurent l'épreuve douloureuse de la réinsertion dans la société.» Acharnement colonial C'est au cours de cette épreuve que l'on songea à rassembler des factions opposées, dominées par les ressentiments et les animosités réciproques consécutives aux luttes internes au sein de l'Association des anciens moudjahidine, consacrée comme matrice de la formation et de la défense d'intérêts égoïstes privés. «La libération accomplie, le FLN révéla son autre visage, celui d'un mouvement investi par des forces sociales aspirant à prendre la relève des colons. La révolution anticoloniale était une nécessité. Sa gestation s'est opérée dans une société en pleine effervescence. Les formes qu'elle a revêtues, ses évolutions n'étaient pas inéluctables. Les Européens ont quitté un pays qui, sans les crispations coloniales, aurait pu aussi rester le leur comme nous le montre l'expérience sud-africaine. Aucun mouvement avant la guerre n'avait envisagé leur départ. Mais l'acharnement colonial, la mise hors jeu de l'Algérie urbaine, cultivée et séculière, recyclée dans les prisons, les camp et l'exil, et mise sous tutelle par l'élite plébéienne du FLN, et l'émergence de l'Algérie rurale fondée sur la communauté religieuse rendaient la coexistence aléatoire. Aujourd'hui l'Algérie est en crise. Les héros ont disparu, sont fatigués ou ont rejoint la cohorte des prédateurs. Une prime est ainsi donnée aux nostalgiques du passé colonial. Mais l'histoire continue.»