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Le mécontentement des promoteurs
Publié dans El Watan le 27 - 07 - 2004

Il s'agit de l'importation à partir de la Turquie d'un chalutier de 20 m de long sur 6 m de large, doté d'un moteur d'une puissance de 800 cv. L'investisseur a opté pour ce type de chalutier qui est adapté à la pêche côtière jusqu'à 200 brasses, soit une profondeur de 400 m. Ce chalutier est immobilisé au port de Cherchell depuis le 17 mai. Le patron pêcheur estime qu'il a été piégé par certains textes des nouvelles dispositions relatives aux conditions et modalités d'exercice de la pêche, en particulier les zones de pêche. Une contrainte. Il s'est engagé dans un investissement très lourd, alors que le législateur a conçu des lois sans se concerter avec les promoteurs, de surcroît sans les avertir des procédures d'actualisation des textes de loi. Le promoteur demeure bloqué, incompris par les employés de l'agence de la BADR de Cherchell, qui interprètent à leur manière les textes de loi. L'investisseur vient de payer en plus la taxe douanière, l'équivalent de 5 % de la valeur du chalutier, soit un montant de 140 millions de centimes. Il rencontre beaucoup de difficultés pour payer l'assurance tous risques. Même en procédant au paiement de toutes les charges, cet investisseur ne peut pas utiliser son navire, car les éléments des garde-côtes qui veillent à l'application des nouveaux textes, l'empêcheront d'aller pêcher là où il veut. Le respect des zones est obligatoire. Cet investisseur n'a pas les moyens de s'aventurer au-delà de six mille marins. «Je me suis endetté pour acheter ce navire, dit-il, j'ai des marins qui se trouvent au chômage d'une part et d'autre part, je dois honorer mes engagements avec la banque. Or, il y a des patrons pêcheurs qui ont été aidés par d'autres agences de la BADR, ce qui n'est pas mon cas, hélas.» Selon un cadre du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques, l'arrêté n° 201 du 25 juin 2003 portant création et organisation de la commission nationale, et ce, pour une meilleure gestion du plan de soutien à la relance économique du secteur de la pêche et de l'aquaculture, stipule que la prise en charge des droits douaniers s'applique pour les acquisitions par voie d'importation des navires de pêche dont la longueur est égale ou supérieure à 18 m. Néanmoins, les opérateurs ont la possibilité de changer leur projet d'acquisition de chalutier, en augmentant les dimensions. Le contraire, c'est-à-dire la diminution des dimensions, n'est pas accepté. L'investisseur, lassé par cette attente, après avoir sollicité le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, a constitué un dossier relatif à la taxe douanière déjà payée par ses soins, pour le déposer à la direction de la pêche de Tipaza, en attendant de régulariser la situation, en commençant par récupérer 140 millions de centimes.
Des ressources halieutiques impressionnantes
Cet autre investisseur, ayant bénéficié de la décision de soutien, a opté pour le chantier naval de l'Ecorep, afin de construire son chalutier en bois. Son projet avoisine 36 millions de dinars. C'est un bateau qui est large de 6 m, long de 20 m, alors que la puissance du moteur est de 900 cv. Selon notre interlocuteur, ce même navire devra coûter jusqu'à 70 millions de dinars en Italie, l'Espagne, alors qu'en France, les prix sont inabordables. Un vrai professionnel de la pêche n'opte pas pour la construction d'un bateau en acier, de surcroît à partir de la Turquie. L'Etat a estimé jusqu'à 45 millions de dinars les navires mesurant de 18 à 24 m, alors que le montant des navires dépassant 24 m de long est limité à 70 millions de dinars. Notre interlocuteur est partant pour la protection des espèces de poisson. Cependant, pour lui, la loi est incompréhensible. Les professionnels de la pêche n'ont jamais été conviés à un débat et à un enrichissement des textes, afin que les lois soient adaptées à la réalité du secteur de la pêche. La décision de créer trois zones de pêche n'existe nulle part au niveau des pays du bassin méditerranéen, même pas en Tunisie, pays voisin qui dispose d'un plateau continental sous la mer qui est 5 fois plus important que celui de l'Algérie. Au préalable, ces textes de loi, qui n'ont pas été débattus par les professionnels du secteur de la pêche, sont tout de même adoptés par l'APN. Le gouvernement algérien incite les citoyens à importer de grands navires. Pour notre interlocuteur, si toute la superficie de l'Algérie ne se prête pas à l'agriculture, c'est la même chose pour la superficie marine. La pêche du poisson est limitée à certaines zones. La Méditerranée s'est appauvrie en poissons. Plusieurs espèces ont disparu, y compris les algues. Ces propos sont démentis par le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques qui confirme que très prochainement, les pêcheurs algériens prendront connaissance des cartes marines établies par le bureau d'études espagnol qui a effectué des recherches au niveau des eaux territoriales algériennes. Il ressort que la ressource halieutique en Algérie est impressionnante. Cela a conduit l'Etat à encourager les promoteurs à acquérir des embarcations à partir des chantiers de l'Ecorep en Algérie, sinon à importer, pour mieux exploiter cette richesse.
Exportation de la crevette
Dans le cadre de sa stratégie de développement, à travers le Fonds national pour le développement de la pêche et de l'aquaculture (Fndpa) d'un montant de 9,5 milliards de dinars, le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques a attribué les décisions d'acquisition d'importation de 38 embarcations (sardiniers et chalutiers), alors qu'il existe 150 embarcations toutes dimensions confondues, qui sont en cours de construction en Algérie. L'apport personnel varie entre 10 et 18 % du montant de l'investissement. Le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques a chargé un bureau d'études de mener des travaux d'expertise et de débusquer les promoteurs tricheurs. Il est évident que la BADR s'entoure d'un maximum de précautions pour que chaque investisseur soit solvable. Un proche du ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, qui a refusé de livrer les noms, a dénoncé ces opérations frauduleuses qui ont été effectuées grâce à la complicité de l'investisseur algérien et le constructeur du navire étranger. Des montants exagérés ont été relevés. A la suite d'une enquête, non seulement les dossiers ont été rejetés, mais des poursuites judiciaires à l'encontre de certains promoteurs ont été entamées. L'Etat algérien participe au soutien jusqu'à l'acquisition maximum de six embarcations, tandis qu'il prendra en charge la taxe douanière d'une seule embarcation. Selon les statistiques officielles, 95% des projets concernent l'acquisition de navires. Cette dernière ne suffit pas à développer le secteur, car il est impératif pour l'Etat d'intervenir afin d'orienter les promoteurs vers la réalisation des structures d'accompagnement, notamment la réparation navale, la construction des unités de transformation, de conditionnement et de distribution. Le mécontentement des promoteurs et des patrons pêcheurs ne se limite pas à l'encontre de ces nouveaux textes de loi inadaptés selon eux, mais ils se sentent méprisés par l'Etat algérien, quand celui-ci autorise de grosses «machines» à venir pêcher au niveau des côtes algériennes. Nos interlocuteurs estiment que ces types de navires sont interdits de pêche en Méditerranée dans leurs pays respectifs. La politique du partenariat ne doit pas se réaliser au détriment de l'intérêt national. En matière de pêche côtière, il est strictement interdit de pêcher plus de cinq jours par semaine et plus de douze heures par jour. L'Etat algérien, selon nos interlocuteurs, a permis à ces étrangers de faire ce qu'ils ne peuvent pas entreprendre dans leur propre pays. Ils raclent les fonds des eaux territoriales d'une manière continue, 24 h/24. Le corail a été massacré dans le passé, aujourd'hui, c'est au tour du poisson, à cause de l'utilisation de ces navires appartenant aux «partenaires» qui mesurent 30 m et plus avec une puissance du moteur de 1000 cv. Selon un responsable du secteur de la pêche, l'Etat a décidé souverainement de faire appel aux partenaires espagnols, afin justement d'augmenter la production du poisson. L'Algérie tire profit de cette expérience. Les patrons pêcheurs algériens estiment que la présence des navires étrangers au large des côtes algériennes, invités à pêcher le poisson de grande valeur, n'est en fait qu'un alibi pour nos responsables de se justifier par des chiffres, alors qu'ils n'ont aucune connaissance du milieu des pêcheurs ni celui de la mer. Après quatre années de politique de partenariat, la même crevette coûte 2000 DA le kilo. Pourtant, l'objectif de l'Etat est de faire baisser justement le prix de la crevette pour ne citer que cet exemple.
Des explosifs pour pêcher
Un armateur, irrité, avoue ne rien comprendre sur le résultat des recherches du bureau d'études espagnol, confirmant ainsi que la mer est poissonneuse d'une part et d'autre part la présence des navires espagnols dans les côtes algériennes. Toute la production de crevette est débarquée en Espagne, sachant que la crevette à l'étranger a un coût qui varie entre 40 et 100 euros le kilo. Le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques sera-t-il en mesure de nous dévoiler le montant exact de la vente ? Est-ce que les caisses de l'Etat ont reçu cet argent ? L'argument avancé sur les superficies est, pour de nombreux pêcheurs que nous avons pu rencontrer, chimérique. La richesse halieutique ne se renouvelle que dans un espace bien défini. Il s'agit du plateau continental, des fonds marins très accidentés qui constituent une barrière. C'est un lieu idéal pour la reproduction de certaines espèces de poissons très, rémunératrices. Or, cette partie de fonds marins est aujourd'hui agressée, à cause de l'homme. Cette partie qui génère des ressources halieutiques est devenue vulnérable, car les rejets des eaux usées attaquent à partir du Sud, tandis que des pêcheurs utilisent des explosifs pour pêcher. Ces explosions dévastatrices pour la faune et la flore marines attaquent à partir du Nord. Le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, en raison de la gravité de la situation, évoque la constitution à l'avenir d'un corps de la police des pêches, afin de mener des mesures répressives contre ces utilisateurs de TNT en mer. Les patrons pêcheurs sont unanimes pour dénoncer les prédateurs en mer qui agissent en toute impunité grâce à l'autorisation de l'Etat. «Que les sommes colossales d'argent soient utilisées à bon escient pour le secteur de la pêche et non pas pour d'autres intérêts personnels», concluent-ils.


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