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Les ambitions du secteur de la pêche
Tipaza
Publié dans El Watan le 26 - 01 - 2005

Telle était l'affirmation du ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques lors de sa dernière visite dans cette wilaya. Le membre du gouvernement avait pris le soin d'éviter de préciser si ces milliers de tonnes de poissons ont été pêchés sans avoir eu recours dans de nombreux cas à l'utilisation des explosifs en mer pour obtenir des quantités aussi énormes en si peu de temps.
Bien entendu, certains armateurs des ports de Cherchell et de Bouharoun, contactés par nos soins, avaient du mal à « digérer » ce résultat très officiel, d'autant plus que quelques-uns ont préféré aller vers d'autres horizons plus poissonneux pour pêcher, afin de rentabiliser leurs investissements. Les citoyens ne peuvent plus se permettre d'acheter du poisson même pas la sardine, jadis à la portée des faibles bourses. Quant à la crevette, en bon état et de surcroît fraîche, elle est devenue imprenable depuis qu'elle a atteint le prix de 2000 DA le kg. Les magasins de vente du poisson congelé prolifèrent dans les principales localités de la wilaya. Certains vendeurs se croyant plus « clairvoyants » ne s'empêchent pas de décongeler certaines espèces de poisson très demandées, de les exposer sur les étals pour les écouler aux prix du poisson frais, en exploitant l'ignorance de très nombreux clients, d'une part, et, d'autre part, l'absence du contrôle dans le circuit de la distribution et dans la qualité des poissons proposés à la vente. L'inexistence d'une association de protection du consommateur dans la wilaya de Tipaza a favorisé cette anarchie qui règne dans ce secteur tertiaire. Dans la perspective d'une relance du secteur de la pêche et de l'aquaculture, l'Etat a mobilisé des moyens financiers colossaux pour soutenir les promoteurs, normalement les authentiques gens de la mer. Or, un très grand nombre de ces derniers regrettent l'état actuel de la situation. Selon nos interlocuteurs, dans l'écrasante majorité des cas, les subventions de l'Etat étaient destinées à des « promoteurs » qui n'avaient aucun lien avec la vie de pêcheurs. C'est la loi de l'argent qui a dérouté cette initiative de soutien de l'Etat vers un secteur d'activité supposé stratégique pour l'économie algérienne. Tandis que d'autres prétendants à l'investissement, en dépit du versement de l'apport personnel, attendent depuis des mois la concrétisation de leurs projets. Le membre du gouvernement avait réitéré à Tipaza l'ambition du secteur de la pêche. La production annuelle du poisson bleu est estimée à 187 000 t. Pour préserver les emplois ; l'Etat compte développer la pêche côtière, mais son souci actuel demeure l'incitation des marins algériens à aller pêcher au large. Le plateau continental est accidenté aux deux tiers de sa superficie. Cela constitue un gros handicap dans le chalutage pour les pêcheurs, surtout lorsqu'ils travaillent avec des moyens matériels obsolètes, inadaptés. Le plateau continental est trop étroit au centre, alors que son relief s'allonge à l'est de la côte algérienne jusqu'à 32 milles nautiques et à l'Ouest jusqu'à 52 000 nautiques. Ce bassin de la mer méditerranée abrite 5 % de la faune et de la flore. C'est précisément au sein de ce plateau que se trouve le plancton. Or, le plancton constitue la nourriture vitale pour plusieurs espèces animales marines. On distingue le plancton végétal (phytoplancton) et le plancton animal (zooplancton). Cet état des lieux exige une mise à niveau des moyens humains et des équipements, d'où la nécessité de la modernisation de la flottille de pêche. Naturellement pour aller pêcher dans les eaux profondes, il faut avoir un navire de pêche d'une longueur de 25 m au minimum. La pêche côtière en Algérie, selon Mimoun Smaïl, a atteint la limite de la saturation. Les patrons pêcheurs doivent inévitablement se diriger au large lointain, au-delà du plateau continental et du talus continental pour être sûr de réussir de bonnes productions de poisson. La profondeur du plateau continental ne dépasse guère les 200 m. La zone fréquentée très faiblement et occasionnellement, ayant une profondeur qui varie entre 200 et 500 m, c'est bel et bien le talus continental. Mais au-delà de cette profondeur de 500 m, la zone demeure encore vierge, hautement riche en faune marine. La flottille algérienne a plus de 25 ans d'âge. L'Etat ne peut plus aider les promoteurs intéressés pour l'achat de navires ayant dix années d'âge. L'apport de l'Etat dans le montage financier du projet est arrêté à 40 % du montant global, tandis que la Badr accorde un crédit jusqu'à 50 % du coût financier du projet, le reste, 10% constitue l'apport personnel du promoteur. La wilaya de Tipaza enregistre 69 projets soutenus qui cumulent un montant global de 636 milliards de centimes. La subvention de l'Etat est estimée à 226 milliards de centimes. Ces projets soutenus s'articulent autour de l'acquisition de 69 navires de pêche de 11 projets de réhabilitation et rééquipement des navires de pêche déjà en activité, de 59 autres projets d'activité, de soutien et enfin de 6 projets d'aquaculture. Sur ce lot de 69 projets, la wilaya de Tipaza a déjà réceptionné 15 navires de pêche et concrétisé 3 projets de réhabilitation et de rééquipement de navires de pêche. Notre source a confirmé que 14 navires de pêche sont en cours de construction. Au ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques, on demeure très vigilant, car certains promoteurs ne se sont pas gênés pour gonfler les montants des factures des projets réalisés avec des fournisseurs étrangers, complices de cette fuite déguisée de devises ; une manière de constituer une fortune avec l'argent de l'Etat, en important des navires de pêche d'occasion maquillés. Certains promoteurs ont été poursuivis en justice. En matière de pêche côtière, l'administration de la pêche de la wilaya de Tipaza a atteint les objectifs fixés par le plan de développement à moyen terme. Des jeunes sans emploi et démunis des localités côtières de la partie ouest de la wilaya se sentent frustrés depuis la mise en œuvre de cette politique de développement, notamment ceux de Damous et de Larhat. C'est à juste titre d'ailleurs à cause de l'inexistence d'infrastructures d'accueil, que la wilaya a jugé utile de ne pas faire bénéficier d'un programme d'attribution d'un quota d'embarcations de petits métiers. Dans le cadre de la consolidation de la relance économique, la wilaya de Tipaza a proposé l'inscription de deux plages d'échouage au profit des communes de Hadjret Ennous et de Fouka, pour pouvoir établir un programme de développement de la pêche artisanale. Le problème du foncier d'un autre côté entrave le développement de l'aquaculture dans la wilaya, notamment le long de la côte. En revanche, l'aquaculture continentale demeure un créneau qui n'est pas du tout sollicité. A partir du mois de juillet 2005, selon les déclarations du promoteur de Aïn Tagouraït (ex-Bérard), le kilogramme de moules avoisinera 100 DA. Ce projet a coûté un peu plus de six milliards de centimes. La subvention de l'Etat s'élève à 800 millions de centimes. Cette activité théoriquement favorise la création de 36 emplois. Pour le gouvernement, l'aquaculture demeure l'unique solution qui permettra à l'Algérie d'atteindre le ratio normal de la consommation du poisson par habitant. Pour orienter les patrons-pêcheurs vers les zones poissonneuses sans subir des dégâts, il faut attendre l'achèvement de l'imprimerie de cartes marines. Certains patrons pêcheurs espèrent participer aux débats, selon eux une halte impérative et incontournable permettra d'en faire une évaluation en toute objectivité, et éviter de se contenter des discours officiels. Le temps presse pour le secteur de la pêche, selon nos interlocuteurs, l'exploitation rationnelle des potentialités et la protection de la faune et de la flore marines nécessitent une conjugaison des efforts de l'ensemble des parties intervenantes. Il y va pour l'avenir du secteur de la pêche et de l'aquaculture, une des trois vocations de la wilaya.

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