Paniqués, ils avancent sans savoir où ils vont. Certains bousculent. Ils entrent dans un bâtiment, attendent plusieurs minutes avant de se demander pourquoi ils sont là. Et surtout est-ce qu'ils sont au bon endroit ? D'autres, sans doute un peu moins paniqués, suivent la foule amassée devant les tableaux d'affichage, situés à l'entrée de l'université. Les attributions définitives y sont indiquées. Il faut dire que la plupart de ces futurs étudiants se sont rendus aux différents centres d'inscription de la capitale sans même connaître leur affectation définitive. Mais le tableau d'affichage ne règle en rien leur problème. Il ne fait que les éclairer. Ces jeunes le savent : la clé qui ouvre toute les portes, ici, c'est la fiche d'affectation établie selon les choix et la moyenne du bachelier. Ce document, indispensable pour toutes les démarches administratives, aurait dû leur parvenir avant le début des inscriptions par la poste. Mais leur boîte aux lettres n'a toujours pas reçu ce précieux papier. Les choses s'annoncent donc un peu plus compliquées. Avant de s'inscrire ou de déposer un recours, il faudra d'abord passer par la bibliothèque centrale, récupérer le document, pour ensuite passer à l'étape supérieure. Midi, toujours autant de monde. Ni le soleil brûlant ni la foule ne vont décourager ces jeunes. Ils veulent tous s'inscrire aujourd'hui. Comme si c'était le dernier jour. Pourtant, ils le savent, ils ont jusqu'au 31 août pour les recours et jusqu'au 6 septembre prochain pour les inscriptions. Au quatrième étage de la bibliothèque, dans le petit bureau du vice-recteur chargé de la pédagogie, M. Berraghda, on peut aisément entendre les cris, les réclamations, les bagarres et les chutes provoquées par les bousculades. «La culture populaire impose cette précipitation», déclare M. Berraghda. «Les Algériens pensent que le premier arrivé est le premier servi. Or les 20 431 étudiants seront tous inscrits», ajoute-t-il. Pour le vice-recteur, le pire est à venir : 90% de ces jeunes ne seront pas satisfaits de leur attribution et entameront un recours. «Si au moins ça servait à quelque chose !» soupire-il. «Ils vont nous donner du travail pour rien, car la plupart des recours n'ont pas lieu d'être.» Selon notre interlocuteur, il y a trois catégories de bacheliers : les satisfaits qui s'inscrivent tôt, ceux dont le recours est légitime car victimes d'une erreur et puis tous les autres qui veulent à tout prix faire médecine avec seulement 11 de moyenne. «Le pire c'est qu'ils alimentent la dérive de la société, l'esprit de népotisme et de corruption», explique M. Berraghda. «Car pour arriver à leurs fins, ils passent bien sûr par les interventions, ce qui complique encore plus notre travail.» Pourtant, le vice-recteur assure que le service des préinscriptions a essayé d'éviter cette vague de recours. «Ce sont des enseignants qui ont sacrifié leurs vacances. Ils ont conseillé ces jeunes comme leurs propres enfants.» Des conseils apparemment vains. Notre interlocuteur n'hésite pas à parler de «caprices» qui mènent finalement à «l'échec». Toutefois, ces jeunes pleins d'ambitions sont aussi des victimes. Le vice-recteur, M. Berraghda, ne le nie pas. «Nous n'avons pas la culture de l'organisation», lance-il. Et d'ajouter : «Nous aurions pu éviter les bousculades pour les fiches d'affectation, si nous nous étions pris un peu plus tôt.» Le vice-recteur ne rejette pas la balle à la poste ou à l'Institut national d'informatique (INI) chargé de traiter les fiches de vœux et de transmettre les résultats. Pour lui, il faudrait réorganiser tout : de la date des examens, aux résultats. «Les préinscriptions se feront plus tôt et nous aurons donc plus de temps pour les inscriptions et les recours», a-t-il déclaré en substance. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Les étudiants devront comme chaque année supporter les aléas des inscriptions. 14h 30, des personnes continuent à arriver. Les plus chanceux ressortiront avec une inscription, d'autres, en revanche, ne pourront peut-être même pas récupérer leur fiche d'affectation. Il existe même une troisième catégorie de jeunes bacheliers : celle de Hakima qui ne franchira même pas la porte de l'université. Elle a oublié «le papier qui lui permettra de retirer celui» qui lui ouvre droit à une inscription. Elle a jusqu'au 6 septembre pour revenir. Les bureaux sont ouverts de 9h à 16h.