En s'adressant uniquement à des étrangers, le président Bouteflika considère peut-être que les choses lui sont acquises en Algérie et qu'il n'a pas besoin de convaincre pour faire passer ses messages. C'est devenu une règle d'or chez Bouteflika : toutes les grandes décisions qui intéressent le pays sont annoncées soit à l'extérieur du pays par le chef de l'Etat, soit à l'intérieur du pays au détour d'une audience présidentielle accordée à des personnalités étrangères en visite dans notre pays. Bouteflika a récidivé lundi en recevant le président du Conseil régional des Bouches-du-Rhône (France) à qui il avait confié qu'il préparait sa succession allant jusqu'à révéler le nom de son dauphin tout en entretenant le doute sur sa candidature, en affirmant qu'il n'avait pas encore pris une décision à ce sujet. Il y a quelques mois, alors que les spéculations les plus vives circulaient sur la présence de Bouteflika au sommet constitutif de l'Union pour la Méditerranée (UPM) de Paris, le chef de l'Etat, après s'être imposé un long silence, a choisi le sommet du G8 à Tokyo pour annoncer dans le creux de l'oreille du président Sarkozy sa décision de se rendre au sommet de l'UPM, laissant le soin au président français d'annoncer triomphalement l'information aux médias. On se rappelle également de l'épisode de l'admission de Bouteflika à l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris où les quelques informations qui avaient filtré avec parcimonie sur son dossier médical étaient le fait de son médecin traitant étranger. Des exemples de ce genre de confidences sur l'Algérie livrées à des personnalités étrangères peuvent être cités à l'envi. C'est un style de communication. Le président Bouteflika considère peut-être que les choses lui sont acquises en Algérie et qu'il n'a pas besoin de convaincre pour faire passer ses messages. SORTIES MEDIATIQUES CIBLEES Pour lui, la bataille de la communication se joue à l'extérieur du pays. D'où ses sorties médiatiques ciblées aussi bien du point de vue du timing que du vecteur de l'information choisi. D'ailleurs, connaissant le parcours de Bouteflika qui maîtrise à la perfection l'art des arcanes politiques, il n'est pas impossible que Bouteflika soit derrière la fuite (organisée ?) quant à ses intentions politiques comme il avait reconnu, par le passé, avoir « inspiré » une dépêche de l'agence de presse britannique Reuters sur ses relations avec la hiérarchie militaire. On voit mal la sénatrice PS Samia Ghali oser trahir un secret aussi jalousement gardé par le chef de l'Etat si elle n'avait pas eu le feu vert de Bouteflika pour rendre public la teneur des confidences faites à la délégation française sur son avenir politique. Ou du moins des signes que le sujet n'était pas tabou pour l'étaler dans la presse. Certains trouveront cette façon de communiquer du Président inélégante, voire méprisante pour le peuple algérien qui est informé sur les réalités nationales via des relais étrangers. Mais qu'importe le flacon, diront d'autres, l'important c'est le contenu. On attendait que Bouteflika annonce sa candidature et voilà qu'il brouille encore davantage les cartes en révélant à la délégation française qu'il préparait sa succession. Ce qui, décodé, laisse croire qu'il n'est pas candidat pour un troisième mandat. C'est là une lecture politique au premier degré ou au degré zéro de la communication politique. Autre hypothèse : Bouteflika est peut-être sincère quand il évoque la question de la succession. Mais il se projette non pas dans le futur très proche, c'est-à-dire pour le scrutin d'avril prochain, mais dans cinq ans. Hypothèse haute, si tout se passe bien pour lui au plan santé, notamment, il ira volontiers au bout de son mandat. Hypothèse basse, à tout moment du troisième mandat, il n'hésitera pas à rentrer chez lui pour reprendre sa formule, s'il n'a pas d'autre choix, s'il est contraint de rempiler pour les mêmes raisons ou pour d'autres considérations. C'est la lecture la plus plausible qu'il convient de faire des confidences faites à ses hôtes français. Car on ne comprend pas, sinon à quoi rime toute cette fièvre électorale qui s'est emparée des comités de soutien à la candidature de Bouteflika lesquels s'apprêtent, dit-on, à fêter ce jeudi en grande pompe à la Coupole l'annonce officielle de la candidature de Bouteflika. Qui peut imaginer un seul instant, devant des sympathisants surexcités, Bouteflika annoncer non pas sa candidature mais le nom de son successeur ? Hypothèse absurde et surréaliste.