Le courant n'est jamais passé entre les deux hommes. Les Marocains estiment que Bouteflika “est incapable de tenir ses promesses”. Lors d'un entretien avec l'ambassadeur de France à Rabat, le ministre marocain des Affaires étrangères a qualifié le président Bouteflika de “sénile” qui “dit une chose et son contraire”. C'est un sérieux revers diplomatique que vient de subir le Président algérien. Depuis quelques semaines, le roi du Maroc ne considère plus Abdelaziz Bouteflika comme un “interlocuteur sérieux”. Et son gouvernement vient de le faire savoir aux Français, il y a quinze jours, en recevant l'ambassadeur de France à Rabat. Le ministre marocain des Affaires étrangères a eu des mots particulièrement durs pour le chef de l'Etat algérien. Mohamed Benaïssa a, en effet, qualifié Abdelaziz Bouteflika de “vieux sénile, incapable de tenir une promesse”, qui “dit une chose et son contraire”. Du coup, Mohammed VI ne veut plus parler avec Abdelaziz Bouteflika. Ce qui explique pourquoi les nombreux appels à une relance des relations bilatérales, lancés récemment par le Président algérien, n'ont pas été entendus à Rabat. Visiblement, les dirigeants marocains, vexés, réagissaient à l'annonce du plan Baker sur le Sahara occidental. Soutenue et défendue par Alger, la proposition de l'ancien secrétaire d'Etat américain sur l'avenir du Sahara est jugée “défavorable” au Maroc. Les Marocains entendaient aussi répondre aux pressions exercées depuis maintenant quelques mois sur Alger et Rabat par Jacques Chirac en personne, qui veut que les deux grands voisins du Maghreb se réconcilient rapidement. De préférence avant le Sommet européen de Rome qui aura lieu les 3 et 4 décembre prochain. Le président français souhaitait, en effet, saisir cette occasion pour convaincre ses partenaires européens et annoncer une grande initiative en faveur du Maghreb, devenu depuis le conflit en Irak la priorité de la diplomatie française. En l'absence d'une amélioration sensible des relations algéro-marocaines, la France devrait réviser ses ambitions à la baisse. Mais il y a plus inquiétant pour Abdelaziz Bouteflika : le président Chirac entretient des relations exceptionnellement bonnes avec le roi du Maroc, Mohammed VI. Et dans le différend qui oppose Alger à Rabat, il est peu probable que Paris se range aux côtés des Algériens. Au Conseil de sécurité des Nations unies, les Français ont d'ailleurs voté contre la résolution sur le Sahara occidental, soutenue par Washington et Alger. Or, en désignant directement le président Bouteflika comme responsable de l'échec des tentatives de réconciliation entre les deux pays, Rabat visait aussi et surtout le candidat Bouteflika qui a besoin d'un soutien de taille comme celui du président français. Jusqu'à présent, en effet, malgré les réserves du Quai d'Orsay et de Dominique de Villepin, Jacques Chirac n'a jamais caché son soutien à Abdelaziz Bouteflika. À plusieurs reprises, il s'est dit favorable à un second mandat du président Bouteflika qu'il considère comme le véritable artisan du rapprochement algéro-français. Le président français s'apprête même à le recevoir en grande pompe à Paris, en novembre prochain, à quelques mois de la présidentielle d'avril 2004. Ce qui risque d'être considéré par les adversaires politiques d'Abdelaziz Bouteflika, en Algérie, comme un soutien clair à la candidature du Président pour un second mandat. Mais la virulence des propos des dirigeants marocains à l'égard du chef de l'Etat algérien pourrait faire changer d'avis au président français sur le sujet. Jacques Chirac devrait, en effet, se rendre au Maroc dès octobre prochain pour une visite d'Etat de trois jours. Celle-ci sera sans doute l'occasion pour le locataire de l'Elysée de réaffirmer son soutien ferme et inconditionnel à son grand ami Mohammed VI. N. L.