Elles foisonnent, prolifèrent et se multiplient à vitesse grand V. Elles font le bonheur des familles démunies et le désespoir des gérants de boutiques de prêt-à-porter. Les friperies sont-elles exclusivement réservées aux pauvres ? Non ! Il n'est pas rare de voir des personnes apparemment aisées y faire un tour, en quête d'un pantalon, d'un pull ou d'une chemise en bon état. Car ces endroits réservent parfois de bonnes surprises. Il paraît qu'on peut y dénicher des vêtements neufs (jamais portés) et souvent de grande marque : Dior, Yves Saint Laurent, Kenzo, Cacharel… A Bab El Oued, Alger-Centre, El Biar, El Harrach…, les friperies sont implantées dans tous les quartiers de la capitale. Chaque magasin réserve une journée de la semaine pour «le nouvel arrivage». Les bonnes affaires sont réalisées le matin, de bonne heure, vers 8h, dès l'ouverture de la friperie. «Généralement, ce sont les hommes qui arrivent en premier, explique le gérant d'une friperie de la rue Hassiba Ben Bouali. A l'ouverture des ballots, ils se précipitent sur les bonnes occasions. Parmi eux, il y a des revendeurs qui écouleront la marchandise à des prix élevés dans les marchés appelés d'lala.» A mesure que les jours passent, les prix connaissent des baisses considérables. Si le jour de livraison, soit samedi, les articles sont vendus entre 300 et 500 DA, les jours suivants, des réductions considérables sont consenties allant jusqu'à moins de 50 DA l'article à l'approche de la prochaine livraison hebdomadaire. Une dame nous a avoué avoir acheté une dizaine de shorts pour ses enfants. «A 50 DA la pièce, j'ai vraiment l'impression d'avoir fait une bonne affaire. En tout cas, c'est mieux que de les payer 600 ou 700 DA.» Outre les vêtements, des chaussures et même des articles de maison sont proposés : draps, nappes, serviettes de table, rideaux, couvre-lits, couettes… à des prix défiant toute concurrence. L'un des vendeurs nous apprend que de nombreuses clientes ont constitué leur trousseau de mariage à partir de ces articles ! Ces friperies connaissent des pics de fréquentation lors d'événements spéciaux : rentrée scolaire, approche de l'Aïd, arrivée d'une nouvelle saison (été-hiver). Une planche de salut pour ces nombreux pères de famille ayant plusieurs enfants à charge. «Avec mon maigre salaire, je n'ai pas les moyens d'acheter du neuf, nous révèle un quinquagénaire. C'est d'ailleurs grâce à ces friperies que j'ai pu offrir des tenues à mes 4 enfants à l'occasion de la rentrée scolaire.» Durant notre petite virée, nous avons aussi croisé quelques jolies jeunes filles, sapées à la dernière mode, mais qui n'hésitent pas à venir «chiner» de temps en temps dans ces lieux. «Je suis toujours à la recherche du petit truc orignal, sympa et unique que mes copines de fac m'envieraient», confie l'une d'elles. La recette ? «Avoir une sacrée dose de patience et un bon flair. On finit toujours par trouver chaussure à son pied sans avoir le sentiment de s'être ruiné !» Et cette odeur si particulière imprégnant tous les vêtements quelle que soit la friperie, d'où provient-elle ? «C'est un désinfectant, explique un vendeur. Les clients s'y sont habitués. Ils savent qu'il faut laver le linge avant de le porter. C'est une question d'hygiène !» En plus des friperies, l'inondation de nos marchés de fringues made in China, à des prix dérisoires, soulage un tant soit peu les maigres bourses. Un phénomène qui inquiète les vendeurs de vêtements made in : «Ils sont en train de nous couper l'herbe sous le pied», s'écrie le vendeur d'une boutique de prêt-à-porter au tunnel des facs. «Si ça continue, nous serions contraints de mettre la clef sous le paillasson !» Pendant longtemps, les boutiques prétendument «chic» ont boudé les moyennes et petites bourses. Aujourd'hui, ces mêmes «modestes gens» tiennent enfin leur revanche… en affichant fière allure.