Je suis un ancien officier de l'ALN et je viens à peine de rentrer d'un pèlerinage effectué aux Lieux saints de l'Islam. J'excelle dans le domaine agropastoral », lance tout de go un septuagénaire, B. Lahcen. « Je possède des troupeaux de moutons et de vaches. J'ai également des chevaux et des terres agricoles », énumère-t-il. La présidente l'observe un moment et lui demande : « Vous avez combien de villas « Je suis propriétaire d'une villa à Aïn El Beïda, bourgade située dans la région ouest d'Oran, d'une maison à Bab El Assa, près de Tlemcen et d'une autre à Aïn Ouzad, dans la région de Maghnia. » La présidente lui fait remarquer qu'il vient d'acheter une autre villa dans la station balnéaire de Canastel à l'est d'Oran. « Oui, effectivement. Je l'ai payée à 400 millions de centimes. » La présidente l'interrompt : « Vous dites que vous êtes un hadj ! Une villa dans un endroit aussi huppé vaut beaucoup plus. » Elle appelle alors à la barre, en qualité de témoin, le propriétaire de l'agence immobilière qui a conclu la transaction entre le fils de B. Lahcen et le vendeur, une émigrée. « Je lui ai vendu la villa à 1,350 milliard de centimes ». « Puis-je connaître le montant de votre pension ? », demande la juge. Il lève la tète et déclare : « 9,2 millions de centimes et, en ma qualité d'ex-officier, je bénéficie de certains avantages auprès de l'administration. » B. Lahcen comparaissait devant le tribunal du pôle judiciaire spécialisé d'Oran, le 28 janvier dernier, en compagnie de ses trois fils, Tahar, Mohamed et Sif Eddine ainsi que son neveu C. Fethi, sous les griefs d'accusations de trafic de drogue, blanchiment d'argent et de faux et usage de faux. Selon les faits consignés dans l'arrêt de renvoi, les mis en cause, membres d'une même famille, auraient approvisionné en résine de cannabis des dealers de la région est du pays, notamment depuis l'été 2004. La drogue, provenant du royaume chérifien, aurait été acheminée à bord de camions à partir de leur localité d'origine, située sur la bande frontalière algéro-marocaine. Les enquêteurs des services de sécurité, ont découvert qu'un véhicule de marque Peugeot 406, appartenant au septuagénaire impliqué dans cette affaire, aurait été utilisé pour ouvrir la voie aux convoyeurs qui ont acheminé 166 kg de kif traité à partir de la ville frontalière de Maghnia. Cette quantité de drogue a été découverte lors d'une perquisition effectuée, le 12 avril dernier, dans une villa du quartier de Seddikia, dans la banlieue est d'Oran. Un véhicule utilitaire de type Boxer, spécialement aménagé pour le transport de drogue, avait également été trouvé dans le garage. La villa, lieu de cette saisie record, avait été louée quelques jours auparavant par les deux frères mis en cause. Les résultats des investigations ont fait aussi ressortir que le blanchiment d'argent s'effectuait à travers des transactions dans le domaine de l'immobilier ainsi que dans d'autres activités commerciales douteuses, comme celles relatives aux fruits et légumes en gros et le bétail, entre autres. L'enquête a, en effet, révélé que les mis en cause avaient des accointances avec certains mandataires de la place d'Oran. Les présumés accusés ont réfuté en bloc les griefs retenus contre eux à travers des déclarations contradictoires et quelque peu virulentes. La présidente du tribunal a fait preuve de beaucoup de patience pour ne pas prononcer contre eux l'outrage à corps constitué. Le représentant du ministère public a requis une peine de 20 années de prison ferme pour chacun des cinq principaux inculpés et 6 ans d'emprisonnement pour B. Lahcen, le septuagénaire (sous contrôle judiciaire). Les avocats de la défense ont plaidé non coupable et ont demandé l'acquittement en faveur de leurs mandants. Le verdict a été rendu hier 4 février après une semaine de délibérations. Le maintien des peines requises par le représentant du ministère public a été prononcé contre les trois principaux accusés. Deux autres ont écopé chacun de 12 ans de prison ferme, alors que B. Lahcen, le septuagénaire, a été condamné à 5 années d'emprisonnement pour blanchiment d'argent. Le tribunal a également prononcé trois peines de 20 ans de prison par coutumace et la saisie de tous les biens des accusés.