De ces pièces conçues exclusivement pour faciliter les travaux de réparation des réseaux intérieurs d'assainissement, d'électricité et d'eau, il se dégage une odeur nauséabonde. Elles sont dépourvues de fenêtres et de la moindre bouche d'aération. L'atmosphère est tout simplement irrespirable. La seule solution que les occupants de ces sous-sols ont trouvée, c'est de «laisser des ventilateurs en marche pour nous éviter l'asphyxie», déclare cette sexagénaire, originaire de la région. «Nous sommes ici, parce que nous n'avons pas où habiter», dit-elle. Sa belle-fille, enceinte, déclare que son fils est atteint d'hépatite à cause des mauvaises conditions de vie auxquelles ils sont confrontés depuis 1995. Rencontrée devant l'entrée d'un bâtiment avec ses deux filles de moins de 10 ans, une autre crie sa souffrance : «Mon mari est devenu asthmatique et son cas risque de s'aggraver si nous restons longtemps ici. Le médecin lui a recommandé plusieurs médicaments qu'il doit prendre tous les jours.» Poursuites judiciaires Cette dame d'une trentaine d'années venait juste de rentrer après avoir acheté des médicaments pour l'une de ses deux filles atteinte d'allergie. «Nous n'avons pas où aller. Nous avions une location pour 8000 DA que nous avons abandonnée pour venir nous installer ici en 1997», ajoute-t-elle, en nous montrant l'endroit d'où remontent les eaux usées qui bouchent les regards du réseau d'assainissement. La situation se complique les jours de fortes pluies. «L'eau qui remonte à 40 cm dans la maison nous contraint à fuir dehors ou chez des voisins, pendant que les agents de la Protection civile qui nous viennent toujours en aide les pompent vers l'extérieur», raconte Saïd, ouvrier natif de la région de Makouda. Il habite cette cave avec sa femme et ses trois enfants, sa mère et son frère de 35 ans depuis 1995. Il refait la peinture de la masure. «Les autres sont sortis le temps que la peinture sèche», dit-il. Lui aussi a des enfants atteints d'allergies. Il déclare dépenser plus de 6000 DA par mois pour l'achat des médicaments qu'il ne se fait jamais rembourser faute de couverture sociale. «Je ne peux même pas, poursuit-il, chercher un travail stable ailleurs, parce que je n'ai personne à qui confier ma famille en cas d'urgence.» L'occupation de cet endroit ne s'est pas faite sans difficultés. Toutes les familles qui habitent ces caves ont été poursuivies en justice pour squat de logement par l'OPGI et quelques locataires de ces bâtiments qui considèrent que ces caves leur appartiennent. «Nous avons pour chaque famille un membre qui a passé au moins dix jours à la prison de Tizi Ouzou», déclarent nos interlocuteurs. Les responsables des collectivités qui sont au courant des lamentables conditions d'existence de ces familles sont mis à l'index. «Ils nous ont fait toutes les promesses pour régler notre problème. Mais ils n'en ont tenu aucune», atteste, résigné, Mouloud. Il est venu du hameau de Sidi Ali Bounab pour s'installer dans la ville de Draâ Ben Khedda. Il vit le même calvaire que les autres familles. «J'ai déposé un dossier à l'agence foncière de DBK depuis 1983. Il est resté sans suite. Je renouvelle ma demande pour acquérir un lot de terrain ou un logement social, chaque année, en vain», assure-t-il. Sa femme, les larmes aux yeux, s'insurge contre les différents responsables qu'elle accuse de corruption au profit des hommes qui ont le pouvoir de l'argent. Les huit familles de la cité des 400 Logements, même si elles ne désespèrent pas de vivre un jour dans un logement décent, commencent à perdre patience. «Nos gouverneurs qui nous promettent des milliards doivent savoir que, dans l'Algérie d'en bas, il existe encore en 2004 des familles qui vivent dans les caves», conclut Mouloud.