Après l'espoir et l'euphorie des premiers jours, les opposants aux méthodes de la guerre contre le terrorisme de George W. Bush commencent à s'inquiéter de voir une administration Obama hésitante et soucieuse de gagner du temps devant les tribunaux sur des sujets clés. Le nouveau gouvernement envoie « des messages déroutants », estime Margaret Satterthwaite, directrice du centre pour les droits de l'homme de l'université de New York. « Nous avons vraiment besoin de savoir si elle va donner l'impulsion aux changements qu'elle a promis et rendre des comptes sur les programmes (d'interrogatoires musclés) abusifs, ou si elle va continuer dans sa langue de bois et son silence », a ajouté cette universitaire, au cours d'une conférence de presse. Demandes répétées de délais, maintien de positions défendues par le gouvernement Bush, invocation de la sécurité nationale pour empêcher des dossiers d'avancer ou pour retarder la publication de documents réclamés au nom de la loi sur la liberté d'information (FOIA), etc. La contradiction apparente entre l'attitude adoptée par la nouvelle administration devant les tribunaux et les premières décisions de Barack Obama — fermeture de Guantanamo, interdiction de la torture et des transferts secrets de prisonniers pour interrogatoires — plongent associations de défense des droits de l'homme, avocats et éditorialistes dans des abîmes de perplexité. Un des principaux faux pas reprochés à la nouvelle administration a eu lieu le 9 février devant la cour d'appel de San Francisco (Californie) qui examinait la réouverture d'une plainte déposée par cinq hommes se disant victimes du programme de prisons secrètes de la CIA. Cette plainte avait été classée à la demande de l'administration Bush au nom du « secret d'Etat ». Or, contre toute attente, l'avocat du nouveau gouvernement a maintenu la position de son prédécesseur. « Les juges ne devraient pas jouer avec le feu sur ce sujet relevant de la sécurité nationale », a-t-il déclaré. L'Association américaine de défense des libertés civiles (Aclu) s'est insurgée, de même que le New York Times dans son éditorial quelques jours plus tard : « les électeurs ont une bonne raison de se sentir trahis. » Autre affaire emblématique, vendredi, toujours à San Francisco, un juge fédéral a empêché le nouveau gouvernement de faire appel de sa décision, d'autoriser la poursuite de la procédure dans une affaire d'écoutes téléphoniques illégales dans lesquelles l'administration sortante était impliquée. Révélé en 2005, le programme d'écoutes téléphoniques, sans mandat du Congrès ni de la justice dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, avait fait scandale, mais peu de plaintes ont abouti, faute de preuves. Or, dans le cas présent, la fondation islamique Al Haramain avait reçu, par erreur, des documents du gouvernement attestant que ses lignes avaient été mises sur écoute. C'est sur cette base qu'elle appuie sa plainte que les avocats de l'administration Obama souhaitent voir classée. « Il apparaît désormais que l'architecture antiterroriste de l'administration Bush gagne une nouvelle légitimité », affirmait récemment le quotidien conservateur Wall Street Journal. Au grand soulagement des observateurs néanmoins, le gouvernement Obama a reculé mardi et réduit de 90 à 30 jours le délai qu'il demandait à la justice pour fournir à l'Aclu des notes de travail (mémos) rédigées par les avocats de l'administration Bush, pour justifier légalement l'usage de la torture.