Les avocats de Mohamed viennent de perdre le recours introduit auprès du tribunal de Buffalo concernant un premier jugement rendu en octobre 2004, relatif à une demande de statut de réfugié émanant du citoyen algérien. Ce dernier pourrait, si le Canada ne le récupère pas, regagner Alger via Casablanca sans dispositions policières spéciales, puisque sa situation relève d'une simple expulsion du territoire que vont exécuter les agents de l'INS à l'aéroport de New York. Le cas de Mohamed Cherfi n'est pas du tout ordinaire, vu la genèse de l'affaire. L'Algérien est arrivé en 1998 au Canada par la voie terrestre en provenance des Etats-Unis. A Québec, il formula une demande de statut de réfugié qui lui a été refusée. Ce jugement fut ensuite confirmé en appel, et Mohamed Cherfi devint automatiquement candidat à l'expulsion. Cependant, un sursis vint lui donner un espoir, puisque un moratoire décrété par une ancienne ministre de l'Immigration du Canada suspendit l'expulsion vers l'Algérie de tous ceux qui ont été déboutés par les tribunaux de recours. Mais en 2002, le ministère de l'Immigration revint à un Québécois de service qui afficha, illico, ses allures islamophobes par l'introduction d'une loi dite C35. Le nouveau ministre fit un saut à Alger puis revint à Ottawa afin de décider de l'annulation définitive du moratoire. Le Canada s'engage ainsi dans un plan visant à reprendre les expulsions, ce qui provoqua une vive protestation. Les Algériens ne se laissèrent pas faire, ils s'organisèrent dans un comité de Sans Statut piloté par Mohamed Cherfi lui-même. Ils réussirent à faire échouer l'opération d'expulsion et amenèrent le ministère de l'Immigration du Canada à demander aux protestataires de préparer des dossiers dans le cadre d'un recours humanitaire. La démarche aurait ainsi permis la régularisation de 460 demandes sur les 513 présentées. Curieusement, le chef du mouvement, Mohamed Cherfi, n'obtient pas régularisation, et après quelques mois il s'est vu signifier un ordre d'expulsion vers le pays par lequel il est entré, c'est-à-dire les Etats-Unis. Toutefois, le jeune Algérien refuse de quitter le territoire et se réfugie dans une église de la ville de Québec. En mars 2004, une armada de policiers fit irruption dans le lieu de culte et l'arrête. L'incident était considéré comme grave. D'ailleurs, une crise éclata entre le gouvernement fédéral et les autorités religieuses, poussant encore le Bloc québécois, un parti luttant pour la souveraineté du Québec, à prendre, au sein du Parlement, le parti de Cherfi en défendant son action de se réfugier dans l'église. Mais les choses s'envenimèrent lorsque l'Algérien fut remis aux autorités de l'immigration américaine. S'ensuit alors une mobilisation pour le retour de l'expulsé au Canada, une mobilisation qui continue jusqu'à l'heure où nous écrivons ces lignes. Un site a été créé spécialement pour la cause (www.mohamedcherfi.org). Par ailleurs, un groupe de 5 riches citoyens s'est dit volontaire pour sponsoriser le jeune Algérien, avec une contribution individuelle de 31 000 dollars chacun. Gerald Dore, pasteur de l'église où Mohamed Cherfi avait trouvé refuge, n'est pas en reste ; il se dit aussi prêt à payer toutes les allocations d'aide sociale que recevait Mohamed, et ce, dans le but de mettre un terme à l'argument du ministère de l'Immigration canadien disant que le concerné ne s'est pas intégré, car il vivait de l'aide sociale de l'Etat. En tout cas pour Evelyne Pednaeult, la lutte doit continuer, même après la décision des Américains de lui refuser le statut chez eux. L'affaire pourrait être gagnée par une pression accrue sur le Canada, lequel a l'obligation morale de le récupérer.