Les milliers d'Algériens en situation irrégulière au Canada croisent, depuis vendredi, les doigts. Le gouvernement canadien s'apprête à lever le moratoire sur le renvoi des Algériens en situation irrégulière au Canada. Ce moratoire en vigueur depuis plus de cinq ans constituait un véritable abri à des milliers d'Algériens qui ont fui vers le Canada pour différentes raisons. Cette décision, qui semble être justifiée par les attentats de 11 septembre, touchera une bonne partie des 40.000 Algériens établis essentiellement à Montréal dans la partie francophone du Canada, puisque, selon des statistiques, plus de la moitié de la communauté algérienne a épuisé toutes les voies possibles pour l'obtention du statut de réfugié. D'ici à la fin de l'été, les Algériens concernés par cette décision seront donc massivement expulsés pour la première fois par un pays occidental. Cette décision, qui survient au lendemain de la visite du Premier ministre canadien, Jean Chrétien, en Algérie, a été confirmée par le ministère de l'Immigration dans un communiqué et ce, après avoir été révélée par le quotidien de Montréal, La Presse. Selon les autorités, l'argument de la situation politique en Algérie utilisé comme le principal motif par les demandeurs d'asile au Canada, ne tient plus la route pour les autorités canadiennes. La levée du moratoire sur les expulsions vers l'Algérie «reflète les conclusions de notre évaluation selon lesquelles les citoyens algériens ne courent aucun risque en étant renvoyés dans leur pays», a affirmé le ministre, Denis Coderre. Depuis mars 1997, Ottawa s'abstenait, pour des raisons humanitaires, d'expulser des Algériens, qui s'étaient vu refuser une demande d'asile politique au Canada. Même si cela n'a pas été dévoilé explicitement par les autorités canadiennes, certains observateurs canadiens ont directement établi le lien entre les attentats du 11 septembre ainsi que les conclusions des enquêtes antiterroristes avec cette décision inattendue. Le moratoire avait permis à des individus comme Ahmed Ressam et Mokhtar Haouari, tous deux condamnés aux Etats-Unis pour un complot avorté contre l'aéroport de Los Angeles à la veille de l'an 2000, de rester au Canada, malgré le rejet de leur demande de statut de réfugié. Les enquêtes qui ont suivi l'arrestation de Ahmed Ressam et ses aveux aux agents du FBI, ont fait état de l'existence d'un véritable réseau des GIA à Montréal. Il a même été baptisé «le GIA montréalais». D'ailleurs Ottawa aurait même décidé de retirer à certains ressortissants algériens le droit d'asile. Ces derniers, soupçonnés d'être liés au groupe montréalais, sont classés comme «personnes susceptibles de représenter un danger à la sécurité de l'Etat». «Avec la fin du moratoire, les vrais réfugiés pourront rester. Les autres, ceux qui essaient de déjouer le système, seront renvoyés», a déclaré à la presse, un haut responsable gouvernemental qui a requis l'anonymat. Allusion aux nombreux islamistes algériens réfugiés au Québec. En outre, on apprend que le Canada prévoit, parallèlement à la décision d'une levée du moratoire pour les ressortissants algériens et Rwandais, une nouvelle loi plus stricte et protectionniste. Ainsi, le rêve de l'eldorado canadien s'écroulera sous le regard impuissant des centaines d'associations d'aide aux réfugiés qui qualifient la levée du moratoire comme un prélude d'une véritable «déportation». La nouvelle loi sur l'immigration doit entrer en vigueur en juin prochain.