L'Algérie retrouvée se situe entre le carnet de voyage, le reportage et le journal intime d'un homme qui a milité pour l'indépendance de l'Algérie, qui a vécu en Algérie jusqu'à la fin des années 1970 et qu'il a formé quelques générations de lycéens en classe de philosophie au lycée Abdelkader en particulier et on sait combien cette année est importante, j'en faisais partie. L'intérêt de cet ouvrage est double, d'une part, la vision de l'histoire et la manière dont les sentiments et les ressentiments sont exprimés, parlent à toute une génération et la réconforte dans ses certitudes, et d'autre part l'ouvrage communique sur une idée de l'Algérie, celle du partage, de l'échange, de la générosité, de la communication pour ceux qui doutent ou ont une idée stéréotypée de ce pays. A travers un périple qui le mène d'Alger à Oran en passant par Ghardaïa, Laghouat, Skikda et Constantine, l'auteur va à la rencontre d'intellectuels, d'universitaires, d'amis, de parents, d'anonymes, mais aussi de gens connus comme un ancien élève devenu ministre, de journalistes comme Ali Bahmane ou une figure incontournable de la radio Chaîne III comme Leila Boutaleb. Les échanges sont clairement basés sur la vérité, sur la parole juste qui vient du cœur, où la langue de bois est systématiquement mise de côté. La force des prises de parole montre le refus de la fatalité, souligne la bouderie, indique parfois le désespoir et surtout démontre une grande envie, celle de transformer les choses négatives en choses positives. Le texte est écrit sur deux niveaux qui se mélangent : la parole brute des personnes qui expriment leurs opinions se mêle au commentaire de Maurice Maschino qui se veut équitable, sans excès mais qui n'épargne pas le système qui broie les bonnes volontés, celles qui croient en l'effort du travail, des lois, des études qui permettent la réussite personnelle et l'ascension sociale. Le livre dénonce l'Algérie d'un commerce souvent débridé, d'un commerce de bazar qui permet aux plus débrouillards de réussir par la magouille et le trabendo, et où la culture dans son sens le plus noble, celle qui donne aux personnes la possibilité d'être meilleurs est jetée aux orties. La femme est au centre du débat, car bafouée dans ses droits les plus élémentaires. Mais Maurice Maschino rencontre des Algériennes qui réussissent et c'est le paradoxe de ce pays où les femmes prennent cette liberté de s'en sortir coûte que coûte. Les statistiques prouvent qu'il y a plus de femmes qui étudient et qui travaillent, paradoxalement depuis dix ans. Dans le même temps, celles qui ont le plus besoin d'être protégées, les femmes de la province sont les plus mal nanties. La réussite d'une société passe par la réussite de la moitié de sa population, les femmes. Le message d'espoir vient de cette photographe Fatma-Zohra qui «regrette que tant de femmes qui ont la possibilité de s'affirmer restent dans la plainte.» Elle affirme avec conviction : «Aujourd'hui, une femme qui veut être libre y parvient. Si elle le veut vraiment, elle s'impose. Et force le respect.» Il faut que les lois suivent. Cet ouvrage démontre la lucidité des Algériens, et Maschino de dire que ce qui manque c'est un dénominateur commun à créer, à élaborer, un dénominateur commun basé sur une réelle démocratie car aujourd'hui : «la parole est libre en Algérie, il n'y a pas de tabous, pas de peur, pas de “ces” choses qu'on murmure à l'oreille d'un ami en regardant autour de soi si personne n'écoute.» Si beaucoup est à revoir, s'il faut être vigilant, pour Tarik Maschino «l'Algérie, c'est les Algériens, des êtres à la fois insupportables et adorables, bourrés de défauts, mais plus riches encore de qualités dont la moindre n'est pas cette extraordinaire volonté de vivre, qui justifie toutes les espérances.» L'Algérie retrouvée, un reportage autobiographique à méditer.