Cet influent conseil, qui a pris du poids depuis les attentats du 11 septembre 2001, était dirigé jusque-là par Condoleezza Rice avant qu'elle ne soit nommée secrétaire d'Etat après la présidentielle de 2004. Elle a été remplacée par Stephen Hadley. «M. Abrams aidera M. Hadley à travailler pour la promotion de la démocratie et des droits de l'homme et continuera à assurer la surveillance du département du NSC pour la démocratie, les droits de l'homme et les organisations internationales», a-t-on annoncé à la Maison-Blanche. Au NSC, qui ne s'occupe pas uniquement de la sécurité intérieure des Etats-Unis, Elliott Abrams, 57 ans, est chargé du dossier de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Il est également «conseiller spécial» de George W. Bush pour les questions moyen-orientales. Elliott Abrams, qui compte parmi ses amis le Premier ministre israélien Ariel Sharon, est précisément chargé de suivre de près les dossiers liés aux relations entre les pays arabes et l'Etat hébreu. Elliott Abrams, d'origine juive, a dirigé, entre 1999 et 2001, la commission américaine sur les libertés religieuses. Il était également président du Centre de l'éthique et de la politique publique. L'homme a été, en 1991, au cœur d'un scandale en avouant avoir menti au Congrès. Il avait retenu des informations sur l'appui, contraire aux règles internationales, de Washington aux rebelles de la Contras au Nicaragua (il était à l'époque en charge du dossier de l'Amérique centrale). Ce soutien avait été, en partie, financé par la vente secrète d'armes à l'Iran (Irangate). Elliott Abrams a bénéficié de «la grâce» de Bush père en 1992. Mais que fait un responsable du Conseil de sécurité dans un poste de promoteur de démocratie ? N'est-ce pas là le rôle du Département d'Etat (ministère des Affaires étrangères) ? C'est que depuis le passage remarqué de Condoleezza Rice à la tête de ce conseil, il n'existe pratiquement plus de séparation entre la politique extérieure des Etats-Unis et la sécurité nationale. La lutte contre le terrorisme est désormais liée à la démocratisation dans les pays considérés, à tort ou à raison, comme éventuels «exportateurs» de violence. Washington a, sur le plan stratégique, abandonné la théorie de la stabilité des régimes au détriment de la démocratie. Autant dire que la principale mission d'Elliott Abrams sera orientée vers la région du Maghreb et du Moyen-Orient. En juin 2004, avant le sommet du G8 auquel des pays arabes avaient été invités dont l'Algérie et le Bahrein, Condoleezza Rice avait annoncé la couleur. Elle a évoqué «la nécessité» d'entreprendre des réformes et de procéder à des changements au Moyen-Orient et «de la nécessité de la modernisation dans cette partie du monde». «On ne peut avoir le genre de renaissance économique nécessaire sans chercher à encourager la créativité de la population, la capacité des femmes à participer à la vie publique, la capacité de tous à poursuivre la réalisation de leurs aspirations», a-t-elle dit. Cela s'est traduit largement dans le discours-programme du 2 février sur l'état de l'Union prononcé Bush devant le Congrès. «La paix que nous recherchons ne sera établie qu'en mettant fin aux conditions qui favorisent l'extrémisme et les idéologies meurtrières. Si des régions entières du monde restent la proie du désespoir et voient la haine se répandre, elles deviendront un terrain propice au recrutement de terroristes, et le terrorisme régnera aux Etats-Unis et dans d'autres pays libres pendant des dizaines d'années», a-t-il déclaré. L'Amérique se tiendra, selon lui, aux côtés des alliés de la liberté afin de soutenir les mouvements démocratiques au Moyen-Orient «et au-delà, avec l'objectif ultime de mettre fin à la tyrannie dans notre monde». «Afin de promouvoir la paix et la stabilité dans le Grand Moyen-Orient, les Etats-Unis coopéreront avec leurs amis dans la région afin de lutter contre la menace commune qu'est le terrorisme, tout en encourageant un renforcement de la liberté (…) Afin de promouvoir la paix dans le Grand Moyen-Orient, nous devons affronter des régimes qui continuent d'abriter des terroristes et cherchent à se doter d'armes de destruction massive», a déclaré le président américain. Bush parle bien de «Grand Moyen-Orient» qui, à ses yeux, s'assimile déjà à une réalité. Cela veut simplement dire que Washington est décidé de faire aboutir ce projet en dépit des résistances et des critiques qu'il rencontre dans la région et en Europe. Le récent vote massif des Irakiens et la réussite du scrutin présidentiel en territoires palestiniens donnent du tonus à cette politique. Les Américains sont également satisfaits de l'accueil réservé au Forum sur l'avenir, organisé en décembre 2004 à Rabat, dans le monde arabe. Ce forum est un prélude au projet du Grand Moyen-Orient. «Il serait utile d'examiner soigneusement ce qui s'est passé à Rabat. Plus que tout ce que les Etats-Unis pourraient dire, les actions prises montrent que l'idée d'un tel forum est bien accueillie et qu'elle répond aux attentes des peuples de la région (…). Il est impossible d'émanciper les gens au plan économique sans leur accorder une certaine liberté et cette liberté ne sert à rien s'ils n'ont aucun moyen d'exercer leurs talents de créateur et d'en tirer le meilleur parti possible», a déclaré dernièrement le porte-parole adjoint du département d'Etat, Adam Ereli.