«Des conseils d'administrateurs de certaines entreprises publiques augmentent notre endettement extérieur. Des décisions sont prises sans que le ministre soit informé», a rapporté la presse nationale. Même s'il convient de noter que ces affirmations ne dévoilent pas tout, il n'en demeure pas moins que le ton vient déjà d'être donné pour un nouveau tour de vis au niveau des banques publiques et des entreprises du secteur public. Le ministère des Finances s'emploie actuellement à préparer le prochain renouvellement des conseils d'administration des banques dont le mandat est arrivé à échéance cette année. Selon des informations en notre possession, deux grands axes détermineront un changement important au niveau des établissements bancaires et des assurances du secteur public. Il s'agit premièrement d'introduire des «administrateurs indépendants» ayant la qualité de «professionnels» du secteur au niveau des conseils d'administration des banques et des assurances. Ces administrateurs «professionnels» seront désignés en remplacement des «fonctionnaires» membres des conseils d'administration. Selon nos sources, la nouvelle catégorie de ces administrateurs professionnels qualifiés dans le domaine des finances pourront à ce titre mieux contrôler l'action du dirigeant de l'entreprise. Car un autre point de changement, et non des moindres, concerne le dirigeant d'une banque ou d'une compagnie d'assurances. Le ministère des Finances, qui s'emploie à «séparer la propriété de la gestion» au niveau desdits établissements, compte «séparer les deux fonctions de directeur général et de président du conseil d'administration». En d'autres termes, désormais, les banques et les compagnies d'assurances n'auront plus de PDG, mais un directeur général chargé d'appliquer les décisions du conseil d'administration et d'un président de ce conseil, dont la responsabilité est surtout de contrôler l'action du directeur général. Ainsi, c'est tout bonnement les pouvoirs des patrons des banques et des assurances qui seront réduits d'une part importante au profit d'un président du conseil d'administration qui peut, le cas échéant, sanctionner le directeur général. Selon une source proche du milieu bancaire, bien au fait du dossier, «la séparation des fonctions de directeur général et de président du conseil d'administration va permettre de délimiter la responsabilité de l'un et de l'autre». Et d'ajouter : «Actuellement, le PDG est juge et partie.» Selon notre source toujours, un appel à candidature au poste d'administrateur a déjà été lancé par le ministère des Finances à l'adresse des professionnels du secteur bancaire. Cet appel devrait être clos le 28 février. Jusque-là, tout semble être une affaire technique pour que ce changement au niveau des organes d'exécution des banques soit d'un intérêt particulier pour tenter de mieux saisir l'étendue des propos du président Bouteflika. En effet, jusqu'ici, les conseils d'administration des banques et des boîtes d'assurances publiques sont théoriquement le reflet de la volonté de l'Etat propriétaire puisque des représentants (fonctionnaires) du ministère des Finances (directeur général du Trésor et directeur général des Domaines) sont en tout cas représentés au sein des conseils d'administration desdits établissements. A ce niveau, la nouveauté aurait pu être une simple retouche technique sans attention fort particulière. Mais les affaires semblent être d'une autre nature. Les actuels administrateurs des établissements financiers, qui ont la qualité de fonctionnaires n'ayant pas la qualification requise pour la chose bancaire et financière, sont, selon une source bancaire, souvent en situation de «conflit d'intérêt». En clair, c'est que leur situation d'administrateurs est souvent doublée d'un fonction dans une autre institution ou un établissement économique. Ce profil de «double casquette» n'arrange donc pas les choses. Cela est pour ce qui est des banques. Un autre élément du puzzle : les entreprises publiques économiques dont les conseils d'administration viennent d'être admonestés par Bouteflika pour des affaires de financement de l'entreprise en recourant aux crédits extérieurs. Les entreprises publiques, à la faveur de ce réaménagement des pouvoirs au sein des établissements financiers, pouvons-nous l'interpréter, garderont-elles les possibilités de «sortir du ton» de l'Etat, qui ne veut plus qu'on cherche des financements auprès des établissements financiers étrangers. Toute la stratégie de mise en place du marché obligatoire en Algérie, en vue d'un financement des entreprises publiques par le marché local, a été instituée à l'effet de ne plus permettre l'endettement extérieur pour les entreprises. Les banques publiques algériennes ont-elles eu à donner leur accord aux entreprises publiques pour une mobilisation des crédits sur le marché financier extérieur ? D'aucuns affirment que les entreprises publiques économiques (EPE) doivent bénéficier de la garantie de ces banques pour qu'elles puissent lever des financements auprès des banques étrangères. Si tel était le cas, la redéfinition des pouvoirs au sein des banques, telle que citée plus haut, devra normalement changer la donne pour ne plus permettre aucune influence. Contrôler le pouvoir des banques, c'est aussi contrôler l'action des entreprises.