d'administrateur d'EPELa réforme que tente d'introduire Abdelatif Benachenhou dans le mode de gestion des entreprises rattachées à son secteur, à savoir les banques et les compagnies publiques d'assurances, est d'une importance capitale. S'il venait à être appliqué comme le souhaite notre ministre des Finances, ce retour à l'orthodoxie managériale des sociétés par actions parfaitement clarifiée par le code de commerce en vigueur constituera à n'en pas douter le commencement des changements sérieux pour ces institutions. Sans cette clarification dans leur mode de gestion, aucun changement sérieux ne pourra être introduit dans le système bancaire algérien qui navigue à vue en raison de la confusion et du chevauchement des compétences entre propriétaires du capital des banques et des compagnies publiques (l'Etat) et les acteurs chargés de leur administration (conseils d'administration) et de leur gestion (directeurs généraux et cadres dirigeants). Le code de commerce en vigueur duquel les pouvoirs publics chargés pourtant de l'appliquer est en effet on ne peut plus clair en la matière. Il place l'administration des sociétés par actions, et les banques publiques algériennes le sont même si l'Etat est pour l'instant leur unique actionnaire, sous la responsabilité des administrateurs censés veiller à la sécurité et à la rentabilité des capitaux qu'il y a investis. Pour mieux impliquer ces administrateurs dans la gestion des entreprises publiques économiques, le même code de commerce leur offre la possibilité, voire même l'obligation de détenir jusqu'à 20% du capital social des entreprises où ils sont placés. C'est évidement une exigence que les autorités algériennes ont pour diverses raisons refusé d'appliquer, ce qui fait que les banques, les compagnies d'assurances et autres entreprises publiques économiques ont continué à être gérées non pas comme des firmes autonomes, mais comme des administrations soumises à toutes sortes d'ingérences et prédations contre lesquelles les administrateurs et les PDG en poste n'y peuvent rien. Ils sont d'autant plus impuissants qu'ils savent pertinemment qu'ils ont été placés à ces postes beaucoup plus pour appliquer les directives des pouvoirs publics (gouvernement, ministère et SGP) que pour gérer rationnellement leurs entreprises. Et pour que ces dernières n'échappent pas à leur mainmise, les pouvoirs publics ont fait entorse au code de commerce en cooptant directement les présidents des conseils d'administration et les directeurs généraux des entreprises concernées auxquels est généralement attribué la double casquette de président de conseil d'administration et de directeur général, assurant aux PDG ainsi créés les attributs pourtant inconciliables en matière de gestion de juge et partie. Compétences Le code de commerce prévoit pourtant expressément que le président du conseil d'administration (PCA) soit élu selon des critères bien précis par ses pairs, que le directeur général placé sous son contrôle soit désigné également selon un certain nombre de critères par le conseil d'administration. C'est à cette logique universelle parfaitement prise en charge par notre code de commerce que veut revenir à juste titre Abdelatif Benachenhou pour faire avancer le processus de réforme qui consistera, pour l'essentiel, à diversifier et à augmenter le nombre de propriétaires des banques et assurances aujourd'hui détenues exclusivement par l'Etat. Le changement qu'il souhaite introduire est de toute façon indispensable si l'Algérie souhaite réellement ouvrir ses entreprises aux investisseurs privés qui n'accepteront d'y mettre leur argent que s'ils sont certains d'y détenir un pouvoir réel d'administration et de contrôle. Et le seul moyen d'y prétendre est d'être membre à part entière des conseils d'administration. Même s'il ne l'a pas clairement affirmé, le souhait de Abdelatif Benachenhou consiste à mettre en place, du moins pour son secteur, un corps d'administrateurs professionnels ayant les compétences requises pour conduire avec compétence les changements managériaux requis. On ignore s'ils détiendront une partie du capital des entreprises concernées ou le mode de rémunération avantageux qui leur sera appliqué, mais on sait qu'il est urgent de mettre fin au mode de désignation actuel. Il faut, en effet, savoir qu'aujourd'hui les administrateurs des banques et assurances sont généralement prélevés du corps des fonctionnaires et hauts cadres d'institutions publiques qui ne savent généralement pas grand-chose des entreprises qu'ils administrent et dont ils savent qu'ils n'ont aucun pouvoir réel, celui-ci étant presque exclusivement détenu par les PDG. L'avènement des conseils d'administration d'EPE étant relativement récent dans notre pays (début des années 1990), le métier d'administrateur n'est pas encore suffisamment ancré dans les mœurs de gestion. Dans le meilleur des cas, les administrateurs ne sont présents dans les sociétés qu'ils administrent que 6 fois par an, lorsqu'ils n'ont pas raté, comme il arrive souvent, une des 6 réunions que les PDG des EPE sont tenus, de par le code de commerce, d'organiser durant chaque exercice. Par ailleurs, les administrateurs d'EPE n'étant pas détenteurs, ne serait-ce que d'une infime partie du capital des sociétés dont ils sont pourtant censés présider aux destinées, ces derniers ne se sentent pas attachés à la défense d'intérêts personnels et par conséquent à la réalisation de bons résultats de gestion. Le manque de professionnalisme et le dilettantisme qui résulteront de cette absence de motivation pécuniaire (mis à part les misérables jetons de présence) conduiront nos EPE à une situation de bonne ou mauvaise gouvernance qui dépendra totalement de la qualité des PDG et des cadres dirigeants, détenteurs exclusifs des pouvoirs d'administration et de gestion. C'est ce qui explique en grande partie l'état de déliquescence dans lequel se trouvent bon nombre de nos entreprises publiques. La réforme des conseils d'administration d'EPE s'impose comme une nécessité non pas seulement pour les banques et les compagnies publiques d'assurances, mais aussi pour l'ensemble de nos EPE. Même si l'Etat souhaite rester le propriétaire unique de certaines entreprises - c'est tout à fait son droit - rien ne l'empêche de confier les capitaux qu'il y détient à des administrateurs maîtrisant parfaitement le métier de base de l'entreprise et bien entendu les règles élémentaires du management moderne. Ces derniers devant consacrer tout leur temps à ces entreprises, il est bien normal qu'ils soient bien rémunérés à défaut d'être partie prenante de leur capital social.