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L'Etat ne lâche pas prise
Réformes des banques publiques
Publié dans El Watan le 10 - 10 - 2005

L'une des plus importantes réformes, s'il en est, qui ont concerné le secteur bancaire est sans nul doute celle qui est intervenue tout récemment au niveau des conseils d'administration des banques publiques.
Visant l'objectif de « garantir la bonne gouvernance » au niveau de ces banques, de nouvelles mesures ont été prises, lors des assemblées générales extraordinaires desdites banques, et qui ne manqueront pas, tel qu'annoncé en tous cas, de chambouler la qualité des rapports des dirigeants aux décisions à prendre au niveau de ces établissements. L'allocation des crédits notamment devait être forcément la fonction la plus touchée. En matière de gouvernance, en effet, les banques propriété de l'Etat ont tout à (ré)apprendre le métier de l'allocation des ressources en fonction des normes de gestion que dicte la rentabilité de tout projet et des paramètres inhérents à son activité, à savoir les règles prudentielles. Inscrites dans le cadre de la réforme financière et bancaire, annoncée il y a quelque mois par le gouvernement, ces assemblées « tendent à améliorer la bonne gouvernance des banques publiques et d'instaurer un niveau d'exigence élevé en matière de performances de leurs dirigeants ». L'opération consiste en la recomposition du conseil d'administration et le renforcement de ses structures. Ce conseil est composé de six membres et renforcé par la nomination d'un administrateur, expert-comptable de profession, appelé à dynamiser les capacités en matière d'organisation et de procédure de contrôle interne. L'administrateur aura, suite à la mise en place d'un nouveau règlement intérieur applicable à l'ensemble des banques publiques, des pouvoirs élargis. Des pouvoirs lui permettant de suivre les obligations légales et réglementaires, de recouvrements des créances et de mises en œuvre des résolutions de l'AG ainsi que l'approbation de la politique d'investissement et de suivi de la stratégie de la banque. L'on souligne aussi « la mise en œuvre d'une convention entre l'Etat actionnaire et chaque administrateur, qui précisera les missions de l'administrateur en matière de repositionnement stratégique de la banque, de respect des obligations légales et réglementaires ainsi que de l'organisation des procédures de contrôle interne, et ce, dans l'objectif de renforcer le pilotage stratégique de la banque par l'Etat actionnaire ». Ce réaménagement au sein des organes exécutifs des banques a donc tout l'air d'une « petite révolution » dont il est difficile de ne pas voir la volonté de l'Etat-propriétaire de garder les yeux grands ouverts sur les affaires. En d'autres termes, il y est vu en tous cas une présence renforcée de l'Etat à travers la nomination de ces administrateurs aux pouvoirs sus-nommés. Ce nouvel élément introduit dans les circuits de l'organe de décision et de contrôle n'est, en revanche, pas moins dans le cas de susciter un certain nombre d'interrogations. Les banques publiques, qui ont la réputation d'avoir fonctionné suivant des critères « clientélistes » ou sur injonction de personnes bien installées dans les rouages du pouvoir politique ou profitant de sa proximité seront-elles amenées, ce faisant, à mettre de côté ces pratiques à la faveur de cette réforme ? Un administrateur, représentant de l'Etat, est-il pour ainsi dire l'antidote à ce mal profond qui ronge le milieu bancaire ? S'en est-il fini des créances douteuses que certains aiment plutôt qualifier, par pudeur syntaxique, de créances « non performantes » ? Les questionnements sont multiples et leurs réponses ne résident pas forcément en leur intégralité là où on serait tenté de les chercher. Car force est de constater que depuis plusieurs années, le pouvoir politique n'a pas cessé d'enchaîner action sur action à l'endroit du secteur bancaire algérien. Dans la foulée, au moins trois banques (Khalifa, BCIA, Union Bank) du secteur privé ont dû être fermées après leurs mises en faillite. Aujourd'hui, tout indique que l'on assiste à un sorte d'opération tour de visse au niveau des banques, publiques cette fois-ci. Ce nouvel épisode n'est pas sans rappeler la tonitruante déclaration de Bouteflika quelques mois avant l'annonce de cette réforme, lorsqu'il avait tenu à condamner publiquement les actions de certains dirigeants d'entreprises publiques dans leur quête de financements extérieurs. « Des conseils d'administrateurs de certaines entreprises publiques augmentent notre endettement extérieur. Des décisions sont prises sans que le ministre soit informé », avait-il affirmé. Ainsi Bouteflika a semblé être guidé par une volonté de « révision » de cette autonomie de gestion au niveau des entreprises du secteur public.
opération contrôle
Cette même autonomie de gestion dont il n'est pas dit au demeurant qu'elle est réelle du fait notamment de la possibilité d'immixtion des cercles d'influence et contre lesquelles pratiques tout gestionnaire n'y peut pas grand-chose, sauf à adopter l'action courageuse de remettre le tablier. « La compagnie nationale pétrolière n'est pas au-dessus de l'Etat. La liberté totale donnée aux entreprises publiques est devenue un problème dangereux pour l'Algérie », tonna-t-il. Cette déclaration, à elle seule, renseigne si besoin est des nouveaux rapports de connexion voulus par le chef de l'Etat avec le secteur public économique. Un meilleur contrôle de l'Etat, dont Bouteflika est le chef, équivaut à concentrer ses pouvoirs dans le secteur propriété de l'Etat. Pour ce faire, il n'est nul besoin d'aller fouetter ailleurs que dans les banques puisque qui contrôle les banques, gagne le pouvoir économique et contrôle forcément l'action des entreprises publiques. La seule idée d'endettement extérieur atteste cette lecture du fait seulement que les entreprises économiques pour qu'elles puissent lever des financements ont besoin de la garantie offerte par les banques. Par ailleurs, il est rappeler que la nomination des « professionnels » dans les conseils d'administration s'est effectuée en remplacement des « fonctionnaires » membres de ces conseils. Dans les milieux bancaires, on affirme que la nouvelle catégorie de ces administrateurs de professionnels qualifiés dans le domaine des finances pourra, à ce titre, mieux contrôler l'action du dirigeant de l'entreprise. Ainsi, c'est tout bonnement les pouvoirs des patrons des banques qui seront reportés en partie au profit d'un membre du conseil d'administration qui reflète personnellement la volonté de l'Etat, comme pour mieux souligner les traits d'un rapport personnel au pouvoir dans les banques. En effet, jusqu'avant cette réforme, les conseils d'administration des banques et des boîtes d'assurances publiques sont théoriquement le reflet de la volonté de l'Etat propriétaire puisque des représentants (fonctionnaires) du ministère des Finances (DG du Trésor, DG des Domaines) sont en tous cas représentés au sein des conseils d'administration desdits établissements. A ce niveau, la nouveauté aurait pu être une simple retouche technique sans attention fort particulière. Mais les affaires semblent être d'une autre nature. Les administrateurs « fonctionnaires » des établissements financiers sont, selon une source bancaire, souvent en situation de « conflit d'intérêt ». En clair, c'est que leur situation d'administrateurs est souvent doublée d'une fonction dans une autre institution ou un établissement économique. Ce profil de « double casquette » n'arrange donc pas les choses.


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