La voie judiciaire a toujours été privilégiée pour des raisons diverses. Parmi celles-ci, il y a lieu de citer la nature du système économique du pays avant la mise en application des réformes à la fin des années 1980 et le fait que l'arbitrage était l'exception. On ne pouvait faire confiance qu'au nationalisme des juges et non à d'autres modes de règlement pour protéger le système économique et social. Certes, il y a eu lieu de nuancer ce constat par des exceptions principalement constituées dans le domaine des hydrocarbures où la société Sonatrach incluait dans ses contrats une clause d'arbitrage (la plupart des procédures d'arbitrage, connues en Algérie, ont concerné cette entreprise, une cinquantaine de cas environ) ; le code de la famille qui fait obligation au magistrat de tenter de concilier les parties au cours de la procédure de divorce (malheureusement cette disposition d'ordre public a un caractère formaliste. Si on lui avait accordé toute son importance, elle aurait pu constituer un véritable premier barrage au taux effarant des divorces) ; l'article 17 du code de procédure civile qui énonce «en toute matière, le juge peut toujours concilier les parties en cours d'audience (cette possibilité est manifestement ignorée) et les lois sociales qui exigent avant toute saisine de la section sociale des tribunaux de passer par une procédure de conciliation devant les bureaux de conciliation». Depuis l'avènement des réformes, la fin du monopole (la suppression de la loi sur le monopole du commerce extérieur qui a tant fait de mal et les AGI), la promulgation des lois sur l'autonomie des entreprises publiques, la politique de relance économique et d'ouverture, la mise en application du code des investissements, il devenait plus que nécessaire d'adapter les lois de fond pour s'inscrire dans les standards internationaux et sécuriser le monde économique et le secteur des affaires. Sans de telles concessions point de blanc seing à l'Algérie qui vivait au même moment une de ses plus graves crises politiques. Elle a dû faire sa mutation au plan juridique interne et international en modifiant les dispositions du code de procédure civile, relatives à l'arbitrage et en ratifiant des conventions internationales. C'est dans ce contexte qu'elle a ratifiée la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères. Le code des investissements pour ne pas être en reste et surtout pour apporter les garanties de l'Etat et sécuriser l'investisseur, notamment étranger, a introduit le recours à la procédure d'arbitrage international. Il est reconnu, à travers le monde, que les tribunaux sont surchargés et que de ce fait, les décisions de justice tardent à être rendues et forcément à être exécutées. L'Algérie n'échappe pas à ce phénomène accentué par la qualité des décisions rendues qui n'incitent pas les investisseurs étrangers à s'en remettre. Il existe une véritable défiance à l'égard des juridictions nationales, notamment en matière commerciale. Malheureusement, les sections et les chambres commerciales sont les juridictions les plus diligentes en termes de respect des délais et pour la rapidité des décisions rendues. Dès lors, seule la qualité pourrait être remise en cause, mais cela est un autre débat à lancer. Dès lors, s'est imposé au monde des affaires et de l'économie un autre système ou d'autres modes de règlement des litiges. Parmi ces modes nous envisagerons, dans cette étude, les cas de l'arbitrage et de la médiation. L'arbitrage L'arbitrage commercial international connaît depuis bientôt trois décennies un grand essor à travers le monde. Il est devenu un moyen normal de règlement des différents commerciaux internationaux. Les pays ont introduit dans leur législation ce moyen de règlement, d'autres ont procédé à des adaptations en conformité avec les conventions internationales. Cela a été rendu nécessaire par la mondialisation et la globalisation de l'économie mondiale et également par les nouvelles règles induites par l'Organisation mondiale du commerce et par la suppression des barrières politiques et commerciales. L'arbitrage fait l'objet d'études et de recherches. Des institutions spécialisées ont été créées pour répondre aux exigences de l'heure. On peut citer par exemple la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale… Il est attendu de ces organismes de répondre aux exigences des parties en conflit en matière de sécurité juridique et de prévisibilité, de plus grande rapidité et de flexibilité de la procédure, de neutralité et d'efficacité dans la résolution des litiges les opposant. Il est plus évident que l'Algérie a pris beaucoup de retard dans ce domaine. Les facultés de droit n'enseignent pas cette matière et très peu de séminaires ou d'études y sont consacrés. Il est à noter cependant qu'au cours de ces trois dernières années, des efforts sont consentis pour pallier ce retard. Parmi ces actions, il y a lieu de citer La création du comité national Algérie de la Chambre de commerce international (CCI) et la mise en place du Centre algérien de médiation et d'arbitrage sous l'égide de la Chambre de commerce et d'industrie d'Alger (CACI). L'organisation de séminaires sur l'arbitrage et la médiation par le Comité CCI Algérie en collaboration avec la CCI et le Centre de médiation et d'arbitrage de Paris (CMAP), en vue de former des médiateurs et des arbitres et surtout confectionner des listes de médiateurs et d'arbitres, ce qui fait cruellement défaut. Le règlement d'arbitrage de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI). Ce texte précise que la demande d'arbitrage est formulée en vertu d'un compromis ou d'une clause compromissoire adressée au Centre de médiation et d'arbitrage algérien (CMA). La saisine du CMA emportant l'application de ce règlement qui forme la convention des parties. Le centre saisit le tribunal arbitral qui peu-être formé d'un ou de plusieurs arbitres. En cas de pluralité d'arbitres, chaque partie désigne son arbitre, lesquels se mettront d'accord sur la désignation du troisième qui présidera le tribunal. A défaut, cette responsabilité reviendra au président du CMA qui choisira les arbitres parmi les adhérents de la CACI. L'arbitre doit être indépendant et n'avoir aucun lien direct ou indirect avec les parties. Il peut être récusé. Il est prévu un délai maximum de 6 mois, à compter de la signature de l'acte de mission, pour rendre la sentence, ce qui constitue un avantage certain. Une procédure d'urgence est prévue ainsi que la prise de mesures provisoires. Enfin, il ne peut y avoir d'arbitrage sans clause compromissoire ou compromis, c'est pourquoi l'ICC Algérie propose une clause type. Celle-ci doit être insérée dans les contrats ou conventions. Cela concerne l'arbitrage interne ou local caractérisé par sa rapidité, son indépendance, sa neutralité et son coût qui sera nettement moins élevé que celui de l'arbitrage international. Cela étant, voyant à présent ce que prévoit actuellement la loi algérienne. La loi algérienne et l'arbitrage Le décret législatif n°93-09 du 25 avril 1993 a modifié et complété certaines dispositions relatives à l'arbitrage de l'ordonnance 66-154 du 8 juin 1966 portant code de procédure civile. Ce texte a notamment : – 1- abrogé et remplacé l'article 442 par les dispositions ci après : «Toute personne peut compromettre sur les droits dont elle a la libre disposition. On ne peut compromettre sur les obligations alimentaires, les droits successoraux, de logements et vêtements, ni sur les questions concernant l'ordre public, l'état et la capacité des personnes. Les personnes morales de droit public ne peuvent pas compromettre, sauf dans leurs relations commerciales internationales.» Le second alinéa ouvre la voie de l'arbitrage aux personnes de droit public, ce qui est novateur. – 2- Il introduit un chapitre intitulé «des dispositions particulières à l'arbitrage international». L'article 458 bis stipule : «Est international, au sens du présent chapitre, l'arbitrage qui connaît les litiges relatifs a des intérêts du commerce international et dont l'une des parties au moins à son siège ou son domicile à l'étranger.» Ce texte s'inscrit en droite ligne de la politique des réformes menées à l'époque. L'arbitrage international L'arbitrage international a son propre règlement. La CCI ne tranche pas elle-même les différends. Elle a pour mission d'assurer l'application du règlement. Les différends sont tranchés par un arbitre unique ou trois arbitres. Si les parties sont convenues que le différend sera tranché par un arbitre unique, elles peuvent le désigner d'un commun accord pour confirmation. Faute d'entente entre les parties dans un délai de trente jours, l'arbitre unique est désigné par la cour. Pour éviter des frais au demeurant élevés, il est préférable de recourir à l'arbitre unique lorsque le montant des sommes dues ne dépasse pas des sommes importantes par exemple les 300 000 USD. La CCI a également une clause compromissoire type traduite en plusieurs langues, arabe, y compris, rédigée comme suit : «Tous différends découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci seront tranchés définitivement suivant le Règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce règlement.» La cour fixe le lieu de l'arbitrage à moins que les parties ne soient convenues de celui-ci. Le tribunal arbitral, à défaut d'accord entre les parties, fixe la langue ou les langues de la procédure d'arbitrage, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris la langue du contrat. Les parties sont libres de choisir les règles de droit applicables que le tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige. Les sentences arbitrales sont rendues dans un délai de six mois. Ce délai peut être prolongé en cas de nécessité. La sentence est notifiée après que les frais d'arbitrage ont été intégralement réglés par les parties ou l'une d'entre elles. Toute sentence arbitrale revêt un caractère obligatoire pour les parties. Par la soumission de leur différend au règlement de la CCI, les parties s'engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir, et sont réputées avoir renoncé à toutes voies de recours auxquelles elles peuvent valablement renoncer. Cela nous amène à nous interroger sur l'exécution forcée des sentences arbitrales ou de la procédure d'exequatur en Algérie. De la reconnaissance, de l'exécution forcée et des voies de recours à l'égard des sentences d'arbitrage international Avant tout, une remarque s'impose, le tribunal arbitral doit conduire la procédure de manière équitable et impartiale et veiller à ce que chaque partie ait la possibilité d'être suffisamment entendue. Le décret législatif n°93-09 cité consacre toute une section à ce problème. L'article 458 bis 17 énonce : «Les sentences d'arbitrage international sont reconnues en Algérie si leur existence est établie par celui qui s'en prévaut et si cette reconnaissance n'est pas contraire à l'ordre public international. Sous les mêmes conditions, elles sont déclarées exécutoires en Algérie par le président du tribunal dans le ressort duquel elles ont été rendues ou par le président du tribunal du lieu de l'exécution si le siège du tribunal arbitral se trouve hors du territoire de la République.» L'article 458 bis 20 précise : «Les sentences arbitrales sont rendues exécutoires en vertu d'une ordonnance rendue par le président du tribunal au bas ou en marge de la minute, autorisant le greffier à délivrer une expédition en forme exécutoire de ces sentences. En application de ces deux dispositions légales, le bénéficiaire d'une sentence et porteur d'une expédition en forme exécutoire devrait pouvoir en obtenir l'exécution sans aucune difficulté. La réalité est toute autre du fait du contenu des articles 458 bis 22 à 458 bis 28. L'article 458 bis 22 stipule : «La décision qui refuse la reconnaissance ou l'exécution est susceptible d'appel.» L'appel n'est ouvert que dans certains cas bien limités. Or, la pratique démontre que pour contester la décision d'arbitrage, les succombants utilisent cette procédure, pour retarder l'exécution. En outre, il semble qu'il existerait une contradiction entre l'alinéa 2 de l'article 458 bis 25 et l'article 458 bis 28 sinon un sérieux problème d'interprétation. En tout état de cause, cela mérite clarification d'autant plus qu'il semble qu'il n'existerait pas encore de cas de jurisprudence pour nous éclairer. La médiation La médiation est un terme polysémique. Elle est définie comme une entremise «destinée à mettre d'accord à concilier». Le mot vient du latin mediare qui signifie «s'interposer». C'est un mode de solution des conflits consistant, pour la personne choisie par les parties, à proposer à celles-ci un projet de solution. La médiation peut être organisée par les parties, sur la seule base de leur volonté, exprimée en ce sens soit avant même la survenance d'un litige, soit une fois celui-ci né, ce qui constitue la médiation conventionnelle. Elle s'oppose à la médiation judiciaire, qui est impulsée par le juge. Il existe des médiateurs institutionnels par exemple le médiateur de la République supprimé par le président Abdelaziz Bouteflika. Seule la médiation conventionnelle retiendra notre attention dans cette étude. Le principe de la médiation consiste à désigner un tiers neutre dénommé médiateur pour aider les parties en litige à clarifier leurs points de vue respectifs, leurs désaccords et les moyens d'aboutir à un compromis. Il doit être capable de reformuler les points de vue des parties pour lever les ambiguïtés, de simplifier les questions, de gommer une part des oppositions. Très souvent le litige peut venir d'une incompréhension. Le médiateur doit faire preuve d'imagination, de logique et de psychologie. Le médiateur n'est pas un arbitre ; il n'a pas d'autorité pour imposer une décision aux parties. La médiation étant un acte volontaire, les parties et le médiateur peuvent y mettre un terme à tout moment. Elle permet d'explorer et de s'entendre sur un large éventail de compromis. Le médiateur discute du dossier séparément avec chacune des parties, de façon informelle, avant d'entamer une tripartite. Le médiateur aide les «médiés» à trouver un terrain d'entente grâce au dialogue et à la négociation. La médiation doit être menée de manière rigoureuse en toute impartialité, neutralité, souplesse, autonomie et confidentialité. Le médiateur doit avoir des compétences avérées, une expérience professionnelle certaine et des qualités morales. En conclusion : Les sections civiles et commerciales des tribunaux algériens sont engorgées de litiges opposant des personnes morales entre elles et des personnes morales à des particuliers nés à l'occasion de leurs activités ou relations commerciales. Les deux modes exposés peuvent devenir pour les entreprises une solution idoine de règlement. Beaucoup d'entreprises, notamment les PME /PMI se lancent dans l'exportation et avec l'adhésion prochaine de l'Algérie à l'OMC et la ratification de plusieurs accords internationaux, il est plus que recommandé d'utiliser l'une ou l'autre des procédures en fonction de l'importance des enjeux. Il est utile de faire remarquer que la CACI et l'ICC Algérie ont compris tout l'intérêt de ces «Alternative dispute résolution» (ADR). Il appartient à présent au ministère de la Justice et aux ministères concernés de s'impliquer, à cet effet, pour mieux défendre les intérêts des opérateurs économiques nationaux.