A 67 ans, Chegrane demeure plus que jamais fidèle à lui-même et à son obédience artistique, le groupe Aouchem, créé en 1967 et dont le manifeste frondeur « Contre l'arrière-garde de la médiocrité esthétique » voulait placer le signe traditionnel, qualifié de « toujours magique » et de « plus fort que les bombes », au centre d'une expression moderne. Nourredine Chegrane s'en réclame toujours avec une fidélité exceptionnelle : « Pour moi, l'école des signes et symboles, représentée à l'époque par le mouvement artistique Aouchem, constitue un véritable courant d'art. Il y a actuellement une pépinière de jeunes artistes qui travaillent sur les signes et symboles de notre riche et multi-millénaire patrimoine ». Cette école, qui a marqué les années 60 et 70, continue à inspirer d'anciens et de nouveaux peintres, pose de nombreuses questions esthétiques. En nous proposant de nous replonger dans l'univers coloré et exubérant de cette école (qui demeure la seule qui se soit constituée en Algérie), l'exposition de Chegrane peut relancer la réflexion et en tout cas faire redécouvrir cette expression et en tout cas un artiste attachant. Né en mai 1942 à Rabat, Chegrane a très tôt baigné dans le signe, par son père musicien qui avait créé ses propres morceaux de jazz latino-africain et surtout sa grand-mère qui, en Kabylie, lui avait fait découvrir la décoration des poteries et les tatouages féminins traditionnels. Il étudie à la Société des beaux-arts d'Alger à partir de 1966, alors qu'il dessinait depuis longtemps et avait même, avant le retour de sa famille, travaillé comme illustrateur de presse au Maroc. Depuis 1969, Chegrane a exposé de nombreuses fois en Algérie et à l'étranger. S'il devait y avoir un dernier des Mohicans du groupe Aouchem, ce serait lui. Galerie Esma. Centre des Arts, Ryad El Feth.