A l'initiative du Palais de la culture et de l'association Les amis du patrimoine, les artistes-peintres Karim Sergoua et Noureddine Chegrane ont animé, mercredi dernier, à la bibliothèque du Palais de la culture, une conférence-débat sur le groupe des artistes-peintres Aouchem (tatouage). Dans son intervention, l'artiste-peintre Karim Sergoua précise que le groupe Aouchem, créé en 1967, n'est pas un courant graphiste ou chromatique et ne se réduit pas à l'exploitation et à l'exploration du signe. Il exprime cette volonté de « retour aux sources et aux richesses de l'art populaire ». Sa création intervient pour briser les carcans qui figent l'art plastique algérien dans les conventions officielles et politiquement correctes. « Malheureusement, des gens se sont opposés à une telle initiative et des artistes du groupe ont été agressés », poursuit le même intervenant. Ce dernier rappelle que le groupe Aouchem n'a organisé que trois expositions à ce jour. La première s'est déroulée en 1967. Les deux autres ont suivi en 1971 et 1972. Et depuis la dernière exposition, chaque artiste du groupe a poursuivi seul son chemin. Pour Sergoua, « il est regrettable que ce n'est que dans les années 1990 qu'on a commencé à s'intéresser au parcours de ce groupe et à son activité ». De son côté, Noureddine Chegrane relève qu'à l'époque les rapports entre les artistes étaient marqués par des « oppositions ». « Mesli a joué un grand rôle dans la création de Aouchem avec qui j'ai des affinités, même si j'étais influencé par M'hamed Issiakhem. Mais on ne peut être l'autre. Issiakhem, comme Khedda, s'oppose au groupe, lequel se veut avant-gardiste. Comme ils ne s'entendaient pas avec Mesli, les membres de Aouchem voient en Issiakhem un perturbateur. Les hostilités ont même pris une dimension régionaliste en certains moments », relate le même intervenant. Chegrane, selon ses dires, a pris part à la deuxième exposition de Aouchem dont il regrette le fait qu' « on n'enseigne pas les idées aujourd'hui à l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts ». Rappelons que les premiers signataires du manifeste du groupe Aouchem sont Mesli, Adane, Saïdani, Martinez, Baya, Ben Baghdad, Zerarti, Dahmani et Abdoun. Dans ce manifeste, il est relevé que « Aouchem est né, il y a des millénaires, sur les parois d'une grotte du Tassili. II a poursuivi son existence jusqu'à nos jours, tantôt secrètement, tantôt ouvertement, en fonction des fluctuations de l'histoire ». A travers les temps avec leurs avatars et vicissitudes, « le signe magique a manifesté d'une culture populaire, en laquelle s'est longtemps incarné l'espoir de la nation même si, par la suite, une certaine décadence de ces formes s'est produite sous des influences étrangères. Ainsi, de tout temps, à travers les œuvres des artistes-artisans, une rigueur intellectuelle, caractéristique de notre civilisation, du Nord au Sud, s'est maintenue, exprimée notamment dans des compositions géométriques », Tradition « authentique » qu'Aouchem « affirme avoir retrouvée » en 1967, « non seulement dans les structures œuvres mais aussi dans la vivacité de la couleur ». Aussi, il s'agit pour « nous de définir les véritables totems et les véritables, capables d'exprimer le monde où nous vivons, c'est-à-dire à partir des grands thèmes formels du passé algérien, de rassembler tous les éléments plastiques inventés ici et là par les civilisations écrasées hier, et aujourd'hui renaissantes ». Ainsi, le groupe Aouchem « s'engage aussi bien en reprenant de grands thèmes mythologiques toujours vivants, en symbolisant l'exploration lyrique individuelle, qu'en s'emparant avec violence des provocations que les drames actuels, d'Afrique ou d'Asie jettent au visage de l'artiste ». Pour les artistes du groupe, « le signe est plus fort que les bombes ». Ils déclarent « utiliser les forces créatrices efficaces contre l'arrière-garde de la médiocrité esthétique ».