Il tombe comme un cheveu sur la soupe, le procès Rafik Khalifa, actuellement en cours à Londres. Le tribunal de Westminster qui examine depuis lundi la demande d'extradition formulée par la justice algérienne à l'encontre de l'ex-patron du groupe Khalifa devient le théâtre d'un grand déballage. Un étalage de linge sale dont les autorités d'Alger – occupées à réélire le président – se seraient largement passées. Le « scandale Khalifa » vient ainsi hanter la pré-campagne électorale pour le scrutin présidentiel du 9 avril. Les premières auditions du milliardaire algérien menées par le juge Timothy Workman donnent d'ores et déjà lieu à des « révélations » sulfureuses, notamment sur les rapports que celui-ci entretenait avec les hautes autorités du pays. Tout en ménageant l'institution militaire, Abdelmoumène Rafik Khalifa, condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité dans l'affaire de la banqueroute de Khalifa Bank jugée en mars 2007 par le tribunal de Blida, prend pour cible favorite le président de la République, Abdelaziz Bouteflika qu'il accuse une fois encore d'avoir orchestré la faillite de son Groupe en 2003. « Le président Bouteflika s'est mis dans la tête que j'allais prendre sa place, compte tenu de ma réussite financière », a-t-il déclaré mardi au tribunal (Liberté, édition du 25 février dernier). La veille, Khalifa affirmait que la création à Paris de la chaîne du groupe KTV avait déclenché les foudres du Président et précipité sa chute. Selon lui, Bouteflika aurait très mal pris la création de KTV car elle pouvait « contrecarrer sa réélection en 2004 ». Bouteflika aurait, d'après lui, ordonné en novembre 2002 à la Banque d'Algérie de suspendre toutes les opérations de transferts de fonds de la banque Khalifa à l'étranger, prélude à la liquidation de cette dernière. « Au niveau de la Banque d'Algérie, on m'a dit que la décision émanait directement de Bouteflika », raconte l'ancien patron du Groupe, réfugié en Grande-Bretagne en 2003, puis arrêté en mars 2006 suite à un mandat d'arrêt international émis à son encontre par la justice algérienne. Il dément avoir fait banqueroute : « Au moment où on disait que j'allais faire faillite, j'avais acheté 28% des actions de la Société Générale », a-t-il révélé pour la première fois. Khalifa qui se dit victime d'une cabale judiciaire suite à ses « sorties médiatiques hostiles au Président », affirme n'entretenir que des rapports « exclusivement professionnels » avec le personnel politique et militaire national. S'estimant mal rétribué, l'homme par qui le scandale financier du siècle est arrivé, déclare avoir répondu aux nombreuses sollicitations des hauts dirigeants. Son Groupe aurait financé, « pour l'Algérie » précise-t-il, des « opérations médias » pour redorer l'image du pays ; avoir acheté pour le compte de l'armée 6 hélicoptère US, d'avoir financé à hauteur de 200 000 dollars une rencontre du NEPAD au Nigeria… Khalifa s'en prend également à MM. Djellab et Badsi, respectivement administrateur-liquidateur de Khalifa. Il accuse le premier d'avoir détourné pour le compte du Trésor public les fonds de sa banque et le second d'avoir tenté par le truchement d'une « offre rocambolesque de 10 millions de dollars » d'acheter son silence.