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L'Etat de droit, mécanismes de contrôle et respect de la pratique démocratique
Débats d'El Watan sur le thème « Constitution sans constitutionnalisme »
Publié dans El Watan le 28 - 02 - 2009

Constitution sans constitutionnalisme », tel est le thème abordé jeudi dernier au rendez-vous des débats d'El Watan, qui célèbre sa troisième année d'existence. Tour à tour, trois juristes de renom se sont prêtés à la dissection de ce thème ô combien d'actualité pour l'Algérie, qui vient de réviser sa Constitution vingt années après la promulgation de celle de 1989 ayant ouvert le champ politique au pluralisme.
Suivant une logique didactique, le cas Algérie ne fut abordé par le conférencier Madjid Benchikh qu'une fois les concepts d'Etat de droit et de contrôle du respect de la constitutionnalité des lois largement explicités par les professeurs Albert Lourde et Xavier Magnon, respectivement enseignants et auteurs français spécialistes des questions juridiques. Si tous les Etats peuvent avoir une constitution, l'Etat de droit est celui où le respect des lois est garanti dans le respect des droits de l'homme et des libertés individuelles. « L'Etat de droit est conforme à la Constitution. La Constitution de cet Etat n'est pas le fruit du hasard, mais c'est l'expression d'un besoin idéologique ou d'un projet politique majeur dans une réalité sociale et économique libérale et où le pouvoir empêche l'homme d'abuser de son pouvoir.
C'est un Etat inhérent à l'organisation libérale du pouvoir politique, un pouvoir qui soit limité par sa référence aux droits de l'homme, c'est aussi un Etat qui garantit les moyens d'assurer le respect de ces droits », explique le professeur Albert Lourde. Il a indiqué aussi qu'un Etat de droit suppose que l'Etat n'intervienne pas dans les activités sociales, qui doivent êtres libres. « Il y a une répartition rigoureuse entre espace public et privé. Contrairement aux systèmes totalitaires qui, eux, s'opposent à l'existence de libertés individuelles ou à la structuration de la société civile. Dans ce type d'Etat, c'est-à-dire autoritaire, les individus sont privés de toute protection. De même pour l'Etat-providence qui est seul garant du développement collectif, c'est-à-dire que l'Etat s'immisce dans les rapports sociaux et élimine tout espace privé », précise le même conférencier, qui note qu'un Etat de droit se doit d'être libéral, avec un gouvernement représentatif, encadré par la Constitution conforme aux principes démocratiques et qui assure la souveraineté au peuple.
Ce même Etat se doit aussi de garantir l'alternance au pouvoir, « ceci implique que la compétition pour le pouvoir soit ouverte, que les gouvernants fassent preuve de modération vis-à-vis de l'opposition et surtout que la séparation des pouvoirs soit assurée », indique Albert Lourde, en précisant qu'il ne peut y avoir d'Etat de droit lorsque les juges sont aux ordres des gouvernants et lorsque l'administration n'est pas neutre et équitable. De plus, souligne le conférencier, il ne peut y avoir de développement économique sans institutions efficaces et respectueuses des lois et sans que les dirigeants rendent compte de leurs actions. « Certains pays arabes, notamment dans le Maghreb, ont copié le schéma libéral adopté dans le droit français, mais les textes ne sont pas suffisants pour la réalisation d'un Etat de droit qui, lui, nécessite un milieu social ouvert aux pratiques démocratiques.
La personnalisation du pouvoir ou le pouvoir personnel est contraire à l'Etat de droit », note M. Lourde, en précisant que les conditions socio-culturelles et économiques ne doivent pas être un alibi pour se distancer du respect des droits.
Le Conseil Constitutionnel doit veiller au respect de la Constitution
« La meilleure garantie pour le respect des lois est dans la mise en place de mécanismes de contrôle de la constitutionnalité des lois », c'est l'aspect abordé par le professeur Xavier Magnon, qui relève cette phrase du droit français disant que « la loi n'exprime la volonté générale que par le respect de la Constitution ». Ceci, et de noter que le législateur n'est pas souverain, qu'« il peut se tromper, c'est pour cela qu'il doit être soumis au respect des lois. C'est le principe de constitutionnalisme qui soumet tout pouvoir au droit, mais aussi prévoit des mécanismes juridiques pour voir que le législateur respecte bien la Constitution, d'où l'idée de créer une juridiction chargée de veiller au respect des lois et c'est le Conseil constitutionnel ».
C'est souvent au sortir de régimes autoritaires, note M. Magnon qu'on pense à instaurer des juridictions de contrôle comme cela fut le cas dans de nombreux pays d'Europe. « Le Conseil constitutionnel est un défenseur des libertés et droits », indique M. Magnon, en précisant qu'outre le chef de l'Etat, le chef du gouvernement et présidents des deux chambres parlementaires, la France ouvre le droit depuis 1971 à l'opposition parlementaire de saisir le Conseil constitutionnel pour une meilleure garantie du droit de la minorité au contrôle politique de la majorité. « Le 23 juillet dernier, une nouvelle révision a donné le droit aux citoyens aussi de contester l'inconstitutionnalité des lois. Le citoyen peut donc dans n'importe quelle juridiction soumettre sa requête et c'est au juge de la transmettre au Conseil constitutionnel », ajoute Xavier Magnon.


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